jouer

JOUER

conjugaison verbe intransitif, transitif et pronom
Étymologie : xiie siècle, joer. Issu du latin jocari, « s’amuser ; plaisanter, badiner », puis « jouer ».

I.

I. Verbe intransitif.
1.  Se livrer à quelque occupation divertissante ; se récréer par quelque amusement. Ces enfants se plaisent à jouer ensemble. Ne sauriez-vous jouer sans vous fâcher ? Il joue avec ses cousins. Jouer à se déguiser, à se cacher. Jouer avec un hochet, avec une balle.
▪ Expr. Le chat joue avec la souris, lorsqu’il feint à plusieurs reprises de la laisser échapper, pour la ressaisir aussitôt. Le cheval joue avec son mors, il le mâche. Fig. Jouer avec le feu, voir Feu I. Jouer avec sa vie, avec sa santé, n’user d’aucun ménagement pour conserver sa vie, sa santé, les exposer inutilement. Jouer avec la vie, ne pas la regarder comme une chose sérieuse, et agir en conséquence. Jouer avec les mots, sur les mots, les employer de manière à obtenir un effet insolite ou à créer une équivoque. Ne jouons pas sur les mots et parlons sérieusement.
▪ Par analogie. Des reflets qui jouent sur l’eau, y produisent des reflets changeants, capricieux. Le vent jouait avec les rideaux. Sa main jouait dans sa chevelure.
2.  Se divertir, s’occuper à tel ou tel jeu, pratiquer tel ou tel sport. Jouer au cerceau, à la poupée. Jouer à cache-cache, jouer aux billes. Jouer aux échecs, aux cartes, aux dés. Jouer au tennis, au rugby. Jouer avec, contre quelqu’un, l’avoir pour partenaire, pour adversaire. Jouer deux contre deux. Il ne sait pas jouer à ce jeu et, elliptiquement, Il ne sait pas jouer.
▪ Se dit d’un enfant qui imite les adultes par manière de jeu. Jouer à la marchande. Jouer à la guerre.
▪ Spécialement. S’adonner aux jeux d’argent et de hasard. Jouer à la boule, à la roulette, au baccara. Jouer aux courses. Absolument. C’est un homme qui joue. Rien ne peut l’empêcher de jouer. Une maison où l’on joue. Prov. Qui a joué jouera, on ne se défait pas de l’habitude, de la passion du jeu. Par extension. Jouer à la Bourse, spéculer sur la variation des valeurs mobilières. Jouer à la hausse, à la baisse. Jouer sur le cours de l’or, sur l’or, sur les matières premières.
▪ Expr. Ne jouer que pour l’honneur ou, transitivement (vieilli), ne jouer que l’honneur, jouer sans intéresser le jeu, sans parier d’argent. Jouer de bonheur, réussir dans une affaire où l’on avait à craindre d’échouer, avoir la chance pour soi ; on dit dans le sens opposé, Jouer de malheur, de malchance. En parlant de la manière dont on mène un jeu ou, fig., une affaire. Jouer au plus sûr, choisir de deux expédients celui où il y a le moins de risque, dont les inconvénients paraissent moins grands et le succès plus certain. Jouer à coup sûr, en s’étant assuré du succès des moyens qu’on emploie. Jouer serré, avec prudence, en calculant au plus près et, fig., en ne donnant aucune prise à son adversaire. Jouer au plus fin, au plus malin, rivaliser d’adresse, de finesse pour venir à bout de ses desseins. Jouer sur le velours, être d’avance assuré du succès. Jouer sur deux tableaux, sur les deux tableaux, prendre des assurances de part et d’autre. Jouer sur les deux tableaux est la plus sûre manière de perdre. Jouer à quitte ou double ou jouer quitte ou double, Jouer à qui perd gagne, Jouer au chat et à la souris, voir Double, Gagner, Chat.
3.  Jouer de, se servir de, user de, en vue d’une certaine fin. Jouer de la serpe, de la faucille. Jouer du couteau, du révolver, en faire usage contre quelqu’un. Jouer des coudes, voir Coude. Jouer des pieds, des mains, se démener pour se dégager. Fam. Jouer de la fourchette, manger avec avidité. Jouer des jambes ou, pop., des flûtes, s’enfuir en courant. Jouer de la prunelle, de l’œil, jeter des œillades, lancer des regards d’intelligence.
▪ Fig. Exploiter une situation, un sentiment, etc., pour en tirer quelque profit ; tirer parti de. Il sait jouer de son infirmité. Jouer de son charme, de son ascendant. Jouer des incertitudes de l’opinion. Vous êtes trop scrupuleux, et il en joue.
▪ Spécialement. Se servir, selon les règles de l’art, d’un instrument de musique. Jouer du piano, de la harpe. Il joue de toutes sortes d’instruments. Absolument. Ce violoniste joue sur un stradivarius. Jouer juste, jouer faux. Expr. fig. et fam. Jouer sur la corde sensible, faire jouer la corde sensible, voir Corde.
4.  Se mouvoir, agir, entrer en action, surtout en parlant des mécanismes. Ce ressort joue en sens inverse de l’autre. Étudier la manière dont les pièces d’une machine jouent entre elles. Faire jouer le chien d’un fusil. Cette clef ne joue pas bien dans la serrure. Les muscles qui jouent sous la peau. En parlant des cascades, des jets d’eau qu’on lâche pour les faire couler ou jaillir. On fit jouer les grandes eaux. Les eaux jouèrent tout le jour. Vieilli. En parlant d’une mine que l’on fait sauter, d’une pièce d’artillerie, d’un artifice que l’on fait partir, en y mettant le feu.
▪ Fig. Dans ce cas-là, la convention, le traité peut jouer, peut produire son effet, être mis en œuvre. Faire jouer ses influences, ses relations, employer le pouvoir, les relations dont on peut disposer.
▪ Spécialement. Prendre ou avoir du jeu, ne plus être ajusté ; se déformer, sous l’effet d’une dilatation ou d’un resserrement. Le bois de la porte a joué. Ce châssis a joué, il ne ferme plus.
▪ Par analogie. Marque de domaine : Marine. La brise a joué, elle a changé de direction rapidement. Un vaisseau qui joue sur son ancre, que le vent agite bien qu’il soit à l’ancre.

II.

II. Verbe transitif.
1.  Se livrer à un jeu ou à un sport, avec une ou plusieurs personnes. Jouer une partie de bridge. Jouer une manche, un match, une finale. Jouer la revanche, la belle. Par métonymie. Jouer les prolongations, les arrêts de jeu, aux jeux de ballon, continuer de jouer après le temps règlementaire, pour compenser diverses interruptions survenues au cours du jeu.
▪ Pron. passif. Le bridge se joue à quatre. Le rugby se joue à quinze ou à treize.
2.  Utiliser au cours d’un jeu, employer dans les combinaisons du jeu. Jouer une carte, un as. Jouer la couleur demandée. Jouer cœur, carreau, produire une carte de cette couleur. Aux dames, aux échecs. Jouer un pion, une pièce, les déplacer d’une case à l’autre. Jouer un coup gagnant. Au tennis. Jouer une balle coupée.
▪ Absolument. Tirer au sort à qui jouera le premier. À vous de jouer. Souffler n’est pas jouer, voir Souffler.
▪ Expr. Jouer le jeu, jouer en respectant les règles du jeu et, fig., se conformer aux usages, aux conventions, se montrer loyal. Jouer double jeu, jouer franc jeu, voir Double, Franc II. Jouer tel ou tel jeu, savoir bien le jouer, avoir le goût et l’habitude d’y jouer. Elliptiquement. Bien joué ! Mal joué ! le coup est réussi, est manqué. Fig. Jouer le jeu de quelqu’un, voir Jeu. C’est joué d’avance, l’issue est certaine. Tout n’est pas joué, le succès ou l’échec est encore possible. Jouer ses cartes, toutes ses cartes, jouer sa dernière carte, jouer carte sur table, voir Carte. Jouer la carte de la prudence, de la conciliation, adopter cette ligne de conduite, tabler sur elle.
▪ Pron. passif. Une partie serrée s’est jouée entre les équipes ou, fig., entre les négociateurs. Tout s’est joué entre ces deux responsables.
3.  Miser, hasarder au jeu. Jouer de fortes sommes. Jouer un petit jeu. Dès qu’il a quelque chose, il va le jouer. Jouer mille francs sur un cheval. Par métonymie et fam. Miser, parier sur. Jouer le rouge, le noir, jouer pair, impair. Jouer un cheval. Fig. Il n’a pas joué le bon cheval, il s’est trompé dans son appréciation, ses prévisions.
▪ Expr. Jouer gros jeu, jouer un jeu d’enfer, voir Jeu. Jouer son va-tout, jouer le tout pour le tout et, fam., jouer sa chemise, risquer tout, tenter sa dernière chance.
▪ Fig. Exposer, mettre en péril. Jouer sa réputation, sa vie. Dans cette affaire, il joue sa carrière, son avenir.
▪ Pron. passif. Les sommes qui se jouent dans les casinos. Fig. Son sort se joue dans cette affaire, sera décidé, fixé.
4.  Exécuter un air, interpréter un morceau de musique sur un instrument, avec des instruments. Jouer une sonate au piano. L’orchestre joua une ouverture. Écoutez l’air que l’on joue. Jouer sa partie, exécuter sa partition dans une œuvre d’ensemble et, fig., sa tâche propre dans une entreprise collective. Par métonymie. Un orgue de Barbarie jouait une complainte. Par extension. La radio jouait une valse.
▪ Représenter une pièce de théâtre, ou tenir un rôle. Jouer une tragédie, une comédie. On joue « Phèdre » à tel théâtre et, par extension, on joue un nouveau film à tel cinéma. Quel personnage joue-t-il ? Cet acteur a joué le rôle d’Oreste, a joué Oreste. Jouer les amoureux, les ingénues, les pères nobles, tenir habituellement cet emploi. Jouer les utilités, tenir un rôle de peu d’importance.
▪ Absolument. Ce comédien, ce musicien joue fort bien. C’est la première fois qu’il joue, qu’il se produit devant le public. Cet acteur a cessé de jouer. Jouer dans un film.
▪ Pron. passif. La pièce se joue à guichets fermés, toute la salle ou toutes les places sont louées d’avance.
▪ Par métonymie. Jouer la douleur, la surprise, le remords, simuler ces sentiments. Un étonnement, un désespoir bien joué, mal joué.
▪ Expr. Jouer la comédie, exercer la profession de comédien (on dit plutôt aujourd’hui Faire du théâtre) et, fig., feindre des sentiments qu’on n’a pas, adopter tel ou tel comportement pour tromper. Vous le croyez affligé, il joue la comédie. Fig. Jouer un personnage, vouloir se faire passer pour autre que ce que l’on est. Jouer l’homme d’importance, jouer les naïfs. Jouer l’étonné, l’innocent. Jouer les malades. Jouer les durs (pop.). Jouer la fille de l’air (fam.), s’évader, disparaître. Jouer tel ou tel rôle, figurer dans quelque affaire en telle ou telle qualité, ordinairement pour faire ou faciliter quelque tromperie. Dans ce prétendu marché, il a joué le rôle de vendeur. Il vit bien qu’il jouait le rôle de dupe. On dit dans le même sens : Il a joué un mauvais personnage, ou : On lui a fait jouer un sot personnage.
▪ Loc. fig. Jouer un rôle, son rôle, prendre part à une affaire, avoir part à un évènement. L’armée joua un rôle dans cette révolution. Il a joué un rôle, un grand rôle dans la négociation. Le Parlement aura son rôle à jouer. Par extension. Le rôle que joue la mémoire dans les opérations de l’entendement. Cette découverte a joué un rôle capital dans l’histoire de l’humanité.
5.  Jouer des tours, exécuter des exercices d’acrobatie, de jonglerie, de cartes, de passe-passe, etc. Fig. Jouer un tour à quelqu’un, l’abuser, ou agir de manière à le tourner en dérision. Jouer un mauvais tour, un bon tour. Il m’a joué un tour de sa façon. Cela vous jouera un mauvais tour, vous nuira, vous sera préjudiciable. Sa naïveté lui jouera, lui a joué de mauvais tours. Expr. Le tour est joué, la ruse a réussi ; se dit par extension de ce qui est accompli, mené à bien habilement et rapidement.
6.  Jouer quelqu’un, le railler, le tourner en ridicule sur la scène. C’est Untel qu’on a joué dans cette pièce, sous un nom emprunté. Se dit plus généralement pour Tromper, abuser quelqu’un. Il le joue depuis des mois, en lui faisant espérer cet emploi. Nous avons été joués.
▪ Expr. empruntée au jeu de paume. Jouer quelqu’un par-dessus ou par-dessous la jambe, voir Jambe.

III.

III. Verbe pronominal.
1.  Se divertir, s’ébattre. Des oiseaux qui se jouent dans le feuillage. Poét. Un ruisseau qui semble se jouer dans la prairie. Un rayon de soleil qui se joue dans les arbres.
▪ En parlant de personnes, ne s’emploie plus qu’au figuré. Faire quelque chose en se jouant, comme en s’amusant, sans application ni peine. Cette tâche aurait paru délicate à tout autre, il l’a faite en se jouant.
2.  Se jouer de quelque chose, surmonter sans peine et comme par jeu ce qui, pour d’autres, semble malaisé, dangereux, etc. Il se joue de toutes les difficultés, de tous les obstacles.
▪ Se dit aussi d’une personne qui regarde quelque chose comme négligeable, qui n’en fait point de cas. Se jouer des lois, des règlements. C’est un homme sans foi qui se joue de ses engagements. Fig. La nature semble quelquefois se jouer de la science. La fortune se joue des hommes, de la vie des hommes, dispose des hommes selon son caprice.
3.  Se jouer de quelqu’un, se moquer de lui, le railler adroitement, ou le tromper dans ses projets en lui donnant de belles paroles. Ne voyez-vous pas qu’on se joue de vous ? Il m’a longtemps fait des promesses, donné des espérances, mais il se jouait de moi.
▪ Vieilli. Ne vous jouez pas à cela, ne vous y jouez pas, ne soyez pas assez inconscient, assez téméraire pour faire cela, vous vous en repentiriez.
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