jouer

5e édition

JOUER.

v. n.
■  Se récréer, se divertir. Ces enfans jouent ensemble. Menez-les jouer. Ils jouent l’un avec l’autre. Vous jouez un peu rudement, vous m’avez blessé. Ne sauriez-vous jouer sans vous fâcher ?
En ce sens il se met souvent avec le pronom personnel. Cet enfant se joue avec tout ce qu’on lui donne. Les petits chats se jouent avec des balles, avec des boules de papier.
On dit, Se jouer de quelque chose, et faire quelque chose en se jouant, pour dire, Faire quelque chose en s’amusant, en badinant, sans application et sans peine. Cet ouvrage auroit paru difficile à tout autre, il l’a fait en se jouant.
On dit aussi figurément, Se jouer de quelque chose, pour dire, L’employer en un mauvais sens, à un mauvais usage, le profaner. C’est un impie, il se joue de l’Écriture-Sainte, il se joue de la Religion. Il ne faut pas se jouer ainsi des Lois et des Ordonnances.
On dit aussi figurément, Se jouer de quelqu’un, pour dire, Se moquer de lui, le railler adroitement, lui donner de belles paroles. Ne voyez-vous pas qu’on se joue de vous ? Penseroit-il se jouer de moi ?
p. 759On dit, Se jouer de la vie, de la fortune des hommes, pour dire, En disposer arbitrairement et selon son caprice.
On dit, que La fortune se joue des hommes, pour dire, que La fortune trompe les projets des hommes ; et dans le même sens, que Le chat se joue de la souris.
On dit en termes de Pratique, qu’Un Seigneur peut se jouer de son fief, pour dire, qu’Il lui est permis de le démembrer, et même d’en vendre une partie, sans qu’il soit rien dû au suzerain, pourvu qu’il retienne la foi entière et quelque droit seigneurial et domanial sur la partie aliénée.
On dit aussi figurément et familièrement, Se jouer à quelqu’un, pour dire, L’attaquer inconsidérément. Ne vous jouez pas à lui, il n’entend pas raillerie. Quoi, il a osé se jouer à moi ? Il s’est joué à son maître.
On dit aussi, Ne vous jouez pas à cela, ne vous y jouez pas, pour dire, Ne soyez pas assez fou, assez téméraire pour faire cela, vous vous en repentiriez.
On dit aussi, Jouer à … pour dire, Se mettre en danger de… Il joue à se faire pendre. Il joue à tout perdre. Vous jouez à vous casser le cou, à vous noyer. Vous jouez à vous perdre.
On dit, qu’Un homme joue sur le mot, qu’il aime à jouer sur le mot, pour dire, qu’Il fait des allusions, des équivoques sur les mots.
Jouer, signifie aussi, Se divertir à un jeu quelconque. Jouer aux échecs, au trictrac, à la boule, aux cartes, aux dés. Jouer à la paume, au volant, au billard, au mail, etc. Jouer avec quelqu’un. Jouer contre quelqu’un. Jouer deux contre deux. On lui défendit de jouer. Il ne joue plus. Il joue de son mieux. Il joue de son reste. Il joue bien, mais il joue de malheur. Il joue à jeu sûr. Il joue à quitte ou double. On ne donne plus à jouer dans cette maison-là.
On dit, Jouer le jeu, pour dire, Jouer suivant les règles du jeu. Vous ne jouez pas le jeu. Et figurément et familièrement, Jouer son jeu, pour dire, Agir conformément à ses intérêts. Il a joué son jeu.
On dit au Piquet, Jouer bien les cartes, pour dire, Tirer tout le parti possible de ses cartes. Il écarte bien, mais il joue mal les cartes.
On dit d’Un joueur déterminé, qu’Il joueroit les pieds dans l’eau.
On dit proverbialem. qu’Un homme a joué au Roi dépouillé, pour dire, qu’On l’a totalement ruiné, jusqu’à lui enlever ses meubles et ses habits.
On dit aussi figurément, Jouer au plus sûr, pour dire, Choisir de deux expédiens celui où il y a le moins de risque, dont les inconvéniens paroissent moins grands, et le succès plus certain ; Jouer à jeu sûr, pour dire, Être sûr de la réussite d’une chose quand on l’entreprend ; Jouer au fin, et au plus fin, pour dire, Employer l’adresse et la finesse pour venir à bout de ses desseins.
On dit encore figurément, qu’Un homme joue de malheur, pour dire, que Ce qu’il entreprend lui réussit mal.
On dit aussi proverbialement d’Un fripon qui trompe au jeu, qu’Il fait jouer les autres de malheur.
On dit proverbialem. Jouer à quitte ou double, pour dire, Mettre tout au hasard, risquer le tout pour le tout.
On dit aussi figurément et familièrement, Jouer de son reste, pour dire, Prendre un moyen extrême après lequel il n’y en a plus d’autre à prendre. Il signifie aussi, Achever de consumer son bien. Il a joué de son reste avant que de partir.
On se sert de la même expression en beaucoup d’occasions, et en parlant Du dernier parti, des dernières ressources qu’on tire de sa place, de sa situation. Ce Ministre joue de son reste. Cette coquette joue de son reste.
On dit, qu’Un cheval joue avec son mors, Lorsqu’il le mâche avec action.
Jouer, suivi du nom de l’instrument avec lequel on joue, demande une préposition. Jouer du battoir, au battoir. Jouer avec une raquette. Ils jouent bien au billard tous les deux, mais celui-ci joue mieux de masse, et celui-là de queue.
On dit, Jouer des gobelets, pour dire, Faire des tours de passe-passe avec des gobelets. Et figurément et familièrement, on dit d’Un fourbe, d’un homme qui cherche a tromper ceux avec qui il traite, qu’Il joue des gobelets.
On dit, Jouer des mains, pour dire, Badiner avec les mains, se donner des coups l’un à l’autre avec les mains. C’est une très-mauvaise habitude que de jouer des mains. Ces enfans jouent toujours des mains.
On dit figurément, Jouer de la prunelle, pour dire, Mettre dans ses regards de l’affectation, à dessein de plaire. Il est du style familier.
On dit aussi, Jouer des couteaux, pour dire, Se battre l’épée à la main. Il est populaire.
Jouer, lorsqu’on y ajoute la somme qu’on est convenu de jouer, s’emploie avec la préposition à. Jouer aux écus, aux louis.
Jouer, s’emploie aussi à certains jeux de cartes, avec le nom de la couleur dans laquelle on joue. Jouer en carreau, en cœur. Je joue en trèfle, etc. Et, Faire jouer, signifie, Nommer la couleur dans laquelle le coup doit être joué. C’est lui qui fait jouer.
Jouer, et Faire jouer, signifie, à de certains jeux de cartes, Jouer sans prendre, et Faire jouer sans prendre, c’est à-dire, Sans écarter et sans prendre de nouvelles cartes. Ainsi au jeu de l’hombre, on dit, Jouez-vous ? Faites-vous jouer, pour dire, Jouez-vous sans prendre ? Faites vous jouer sans prendre ? Jouer sans prendre au quadrille et au tri, C’est jouer sans demander un Roi.
Jouer, est aussi verbe actif dans ces phrases : Jouer un jeu. Jouer une partie. Jouer un coup. Jouer une partie d’hombre. Jouer le piquet. Jouer un cent de piquet. Jouer une partie de trictrac. Jouer une balle, pour dire, Pousser une balle ; Jouer une carte, pour dire, Jeter une carte ; Jouer cœur, jouer carreau, pour dire, Jouer une carte de ces couleurs ; Jouer gros jeu, pour dire, Jouer une somme considérable ; Jouer petit jeu, pour dire, Jouer peu d’argent. Jouer deux louis sur une carte. Jouer dix louis à la réjouissance. Il joue tant à la partie, pour dire, il met tant sur le jeu ; et proverbialem. Il joueroit jusqu’à sa chemise, pour dire, Il joueroit tout ce qu’il a.
Jouer un jeu, signifie aussi, Le savoir bien jouer, le jouer par préférence, être dans l’usage, dans l’habitude de le jouer. Quel jeu jouez-vous ? est-ce l’hombre ? est-ce le piquet ? Je ne joue que le trictrac.
On dit figurément et familièrement, qu’Un homme joue gros jeu, pour dire, qu’Il s’est engagé dans une affaire où il hasarde beaucoup pour sa réputation, pour sa fortune, pour sa vie.
On dit aussi, Jouer quelqu’un, pour dire, Jouer avec quelqu’un, dans ces phrases des jeux de paume et de volant : Je l’ai joué du battoir. Il me gagne toujours, quoiqu’il me joue par-dessous la jambe, par-dessous jambe.
Jouer quelqu’un par dessous jambe, et par-dessous la jambe, signifie aussi figurément dans le style familier, Déranger avec facilité les projets de quelqu’un, et par supériorité d’esprit ou de conduite, l’amener à nos vues. N’ayez rien à démêler avec lui, il vous joueroit par-dessous la jambe. Il les a tous joués par-dessous jambe.
On dit aussi, Jouer quelqu’un, pour dire, Le tromper, l’amuser. Il lui fait espérer cet emploi, mais il le joue depuis trois ans. On dit dans le même sens, Jouer des deux, pour dire, Tromper deux personnes ou deux Parties qui ont des intérêts opposés, en faisant semblant de les servir l’une contre l’autre.
On dit proverbialement, Jouer une pièce à quelqu’un, jouer un tour à quelqu’un, pour dire, Lui faire un tour ou méchant, ou malin. On lui a joué une pièce sanglante. Il m’a voulu jouer un tour auprès d’un tel.
On dit aussi proverbialement, Jouer d’un tour à quelqu’un, lui en jouer d’une, lui en jouer d’une bonne. S’il me joue de celui-là, je lui en jouerai d’un autre. Dans tous ces exemples, Jouer est neutre.
Jouer, signifie aussi Représenter ; et il se dit, soit de la pièce de théâtre qu’on joue, soit du personnage qu’on y joue. Jouer une Comédie, une Tragédie, une farce, un personnage. On a joué Andromaque. Un tel a joué le rôle d’Oreste, a joué Oreste. Ce Comédien joue fort bien. Cette Actrice ne joue plus.
On dit figurément d’Un homme qui fait une grande figure, qui occupe une grande place dans l’État, qu’Il joue un grand rôle ; et d’Un homme qui est dans un poste peu honorable, ou qui a peu d’influence dans une affaire, qu’Il joue un petit personnage.
On dit aussi d’Un homme qui est dans une situation désagréable, ou qui dans une affaire a pris un mauvais parti, qu’Il joue, qu’il a joué un mauvais personnage, un sot personnage.
On dit figurément, Jouer la Comédie, pour dire, Feindre ce qu’on ne sent p. 760pas. Vous le croyez affligé, il joue la Comédie.
On dit dans le même sens, Jouer la douleur, la surprise, jouer l’affligé, jouer l’homme d’importance, pour dire, Feindre d’être affligé, d’être surpris, d’être un homme d’importance.
On dit, Ce papier joue les velours, cette étoffe joue la soie, pour dire, Imite le velours, imite la soie.
Jouer, signifie aussi, Railler quelqu’un, le rendre ridicule. En ce sens on dit : Molière a joué les faux dévots. C’est un tel que l’on a joué sous un nom emprunté.
Jouer, v. n. signifie aussi, Toucher avec art un instrument de Musique. Jouer bien du luth, de la viole, de l’orgue, du clavecin, du violon, du hautbois, etc. Il joue de toutes sortes d’instrumens. Il joue sur tous les tons. Il joue dans le goût, dans la manière d’un tel. Faites jouer les violons.
Il est actif dans ces phrases : Jouer un air. Jouer un menuet. Jouez cet air sur le luth, sur le violon, etc. Écoutez l’air que l’on joue.
On dit, Jouer de la trompette, jouer du cor ; mais plus correctement, Sonner de la trompette, sonner du cor, de la trompe, ou simplement Sonner.
On dit, Jouer de l’espadon, jouer du bâton à deux bouts, pour dire, Manier ces armes avec adresse.
On dit, Jouer du drapeau, pour dire, Faire voltiger un drapeau avec adresse.
On dit, Jouer de la griffe, pour dire, Dérober. Il est populaire.
On dit, Jouer de la poche, pour dire, Tirer de l’argent de sa poche pour payer. Il est populaire.
On dit figurément, Jouer du pouce, pour dire, Compter de l’argent pour payer. Il est populaire.
Jouer, signifie aussi, Avoir l’aisance et la faculté du mouvement ; et il se dit d’Un ressort, d’une machine. Ce ressort joue bien, ne joue point. Cette serrure ne joue pas bien. Faites en sorte que la clef joue mieux dans cette serrure. Cet os ne joue pas comme il faut dans l’emboîture.
On dit figurément d’Un homme qui emploie toutes sortes de moyens pour réussir dans quelque affaire, qu’Il fait jouer toutes sortes de ressorts.
On dit aussi, Faire jouer une mine, faire jouer le canon, pour dire, Y mettre le feu. Quand le canon eut joué. Faites jouer le canon. Faites jouer les petards. La mine, le fourneau joua.
On dit, que Les eaux, les jets d’eau, les cascades jouent, pour dire, qu’Elles ne sont plus retenues, qu’on les a lâchées, qu’on les fait couler ou jaillir. On fit jouer les eaux. Les eaux jouèrent tout le jour. On dit dans le même sens : On joua les eaux. On a joué les eaux.
Joué, ée. participe.
On dit au jeu de Dames, de trictrac, Dame touchée, Dame jouée, pour dire, que Lorsqu’on a touché une dame, on est obligé de la jouer.
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