jouer

7e édition

JOUER.

v. n.
■  Se récréer, se divertir, s’ébattre, folâtrer. Ces enfants jouent ensemble. Menez-les jouer. Ils jouent l’un avec l’autre. Vous jouez un peu rudement, vous m’avez blessé. Ne sauriez-vous jouer sans vous fâcher ? Un petit garçon qui joue avec un cheval de bois. Ne jouez pas avec ce pistolet, il est chargé.
Fig., Jouer avec sa vie, avec sa santé, etc., N’user d’aucun ménagement pour conserver sa vie, sa santé, etc. On dit aussi quelquefois, Jouer avec la vie, Ne point la regarder comme une chose sérieuse, et agir en conséquence.
Ce cheval joue avec son mors, se dit D’un cheval qui mâche son mors avec action.
Jouer sur le mot, sur les mots, Faire des allusions, des équivoques sur les mots. Il aime à jouer sur le mot. Ne jouons pas sur les mots, et parlons sérieusement.
Jouer, s’emploie souvent avec le pronom personnel, dans le même sens. Cet enfant se joue avec tout ce qu’on lui donne. Les petits chats se jouent avec des balles, avec des boules de papier. Des oiseaux qui se jouent dans le feuillage. Il se dit quelquefois, poétiquement, Des choses. Un ruisseau qui semble se jouer, qui se joue dans la prairie.
Faire quelque chose en se jouant, Faire quelque chose en s’amusant, en badinant, sans application et sans peine. Cet ouvrage aurait paru difficile à tout autre, il l’a fait en se jouant.
Se jouer de quelque chose, Surmonter, braver sans peine, et comme en se jouant, ce qui, pour d’autres, semble difficile, dangereux, etc. Ces hommes robustes se jouent des travaux les plus rudes. Il se joue de toutes les difficultés.
Fig., Se jouer de quelque chose, S’en moquer, le traiter d’une manière frivole ou dérisoire, témoigner qu’on n’en fait point de cas. C’est un homme sans foi, il se joue de ses engagements. Il ne faut pas se jouer ainsi des lois. Il signifie aussi, Disposer de quelque chose arbitrairement et selon son caprice. Se jouer de la vie des hommes.
En Jurispr. féodale, on disait qu’Un seigneur pouvait se jouer de son fief, lorsqu’il lui était permis de le démembrer, et même d’en vendre une partie, sans qu’il fût rien dû au suzerain, pourvu qu’il retînt la foi entière et quelque droit seigneurial et domanial sur la partie aliénée. Ce seigneur n’avait pas le droit de se jouer de son fief.
Fig., Se jouer de quelqu’un, Se moquer de lui, le railler adroitement. Ne voyez-vous pas qu’on se joue de vous ? Penserait-il se jouer de moi ? On dit dans un sens analogue, Ce chat se joue de la souris qu’il a prise, ce tigre se joue de sa proie, etc., lorsqu’il feint à plusieurs reprises de la laisser échapper, pour la ressaisir aussitôt.
Se jouer de quelqu’un, signifie aussi, Le décevoir, tromper ses projets, ses conjectures, etc. La fortune se joue des hommes. La nature semble quelquefois se jouer de la science.
Se jouer de quelqu’un, signifie encore, Le tromper en lui donnant de belles paroles. Il m’a longtemps fait des promesses, donné des espérances, il se jouait de moi.
Fig. et fam., Se jouer à quelqu’un, L’attaquer inconsidérément. Ne vous jouez pas à lui, il n’entend pas raillerie. Quoi ! il a osé se jouer à moi ? Il s’est joué à son maître. On dit aussi, Ne vous jouez pas à cela, ne vous y jouez pas, Ne soyez pas assez fou, assez téméraire pour faire cela, vous vous en repentiriez.
Jouer, signifie quelquefois, au figuré, Se mettre en danger de ; et, dans cette acception, il est toujours suivi de la préposition à. Cet homme joue à se faire pendre. Il joue à tout perdre. Vous jouez à vous casser le cou, à vous noyer. Vous jouez à vous perdre.
Jouer, signifie aussi, Se divertir, s’occuper à un jeu quelconque. Jouer à colin-maillard, à la main chaude, au propos interrompu, etc. Jouer aux échecs, au trictrac, à la boule, aux cartes, aux dés. Jouer aux barres, à la paume, au volant, au billard, au mail, etc. Jouer à qui fera une chose plus vite, mieux, etc. Jouer à qui perd gagne. Jouer avec quelqu’un. Jouer contre quelqu’un. Jouer deux contre deux. Tirer au sort à qui jouera le premier. Jouer bien. Jouer mal. Il ne sait pas jouer. Il joue de son mieux. Il joue de son reste. Il joue bien, mais il joue de malheur. Gagner avec un aussi mauvais jeu, c’est jouer de bonheur. Il joue à jeu sûr. Jouer à quitte ou double, ou Jouer quitte ou double. Aller jouer dans un tripot. On ne donne plus à jouer dans cette maison.
Il se dit quelquefois absolument en parlant De l’habitude de jouer à des jeux de commerce ou de hasard, et se prend ordinairement dans un sens défavorable. C’est un homme qui joue. Il commence à se ranger, il ne joue plus. Rien ne peut l’empêcher de jouer.
À certains Jeux de cartes, Faire jouer, Nommer la couleur dans laquelle le coup doit être joué. C’est lui qui fait jouer. On dit aussi, Jouer sans prendre, ou simplement Jouer, et Faire jouer sans prendre, ou simplement Faire jouer, Jouer, obliger l’adversaire à jouer sans écarter et sans prendre de nouvelles cartes. Jouez-vous ? Faites-vous jouer ?
Au Quadrille et au Tri, Jouer sans prendre, Jouer sans demander le roi.
Prov. et par exagérat., Il jouerait les pieds dans l’eau, se dit D’un joueur déterminé.
Fam. et en plaisantant, Ne jouer que pour l’honneur, ou activement, Ne jouer que l’honneur, Jouer sans intéresser le jeu.
Fig. et fam., Jouer au plus sûr, Choisir de deux expédients celui où il y a le moins de risque, dont les inconvénients paraissent moins grands et le succès plus certain. Jouer à jeu sûr, Être certain du succès des moyens qu’on emploie dans une affaire.
Fig. et fam., Jouer au fin, au plus fin, Employer l’adresse, la finesse pour venir à bout de ses desseins.
Fig. et fam., Jouer de bonheur, Réussir dans une affaire où l’on avait à craindre d’échouer. On dit dans le sens contraire, Jouer de malheur.
Fig. et fam., Jouer à quitte ou double, ou Jouer quitte ou double, Risquer, hasarder tout, pour se tirer d’une mauvaise affaire.
Fig. et fam., Jouer à qui perd gagne, se dit Lorsqu’un désavantage apparent procure un avantage réel.
Fig. et fam., Jouer de son reste, Prendre un moyen extrême après lequel on n’a plus de ressource. Il signifie aussi, Achever de consumer son bien. Il a si bien joué de son reste, qu’il en est à l’aumône. Cela se dit encore en parlant Du dernier parti, des dernières ressources qu’on tire de sa place, de sa situation, etc. Ce ministre joue de son reste. Cette coquette joue de son reste.
Jouer, s’emploie quelquefois avec le nom de l’espèce de monnaie qu’on met au jeu. Jouer aux écus, aux louis.
Il s’emploie aussi, à certains Jeux de cartes, avec le nom de la couleur dans laquelle p. 76on joue. Jouer en carreau, en cœur, en trèfle, etc.
Jouer, signifie encore, Se servir de l’instrument qui est nécessaire pour jouer à tel ou tel jeu. Jouer du battoir, au battoir. Jouer avec une raquette. Jouer de masse. Jouer de queue.
Jouer des gobelets, Faire des tours de passe-passe avec des gobelets. On le dit aussi, figurément et familièrement, D’un fourbe, d’une personne qui cherche à tromper ceux avec qui elle traite.
Jouer des mains, Badiner avec les mains, se donner des coups l’un à l’autre avec les mains. C’est une très mauvaise habitude que de jouer des mains. Ces enfants jouent toujours des mains. Il se dit aussi familièrement, dans un sens plus sérieux, De tout combat entre deux ou plusieurs personnes.
Jouer de l’espadon, jouer du bâton à deux bouts, etc., Les manier avec adresse. On dit dans un sens analogue, Jouer du drapeau.
Fig. et pop., Jouer des jambes, Courir. On le dit surtout D’une personne qui s’enfuit. Il se mit aussitôt à jouer des jambes.
Fig. et fam., Jouer de la prunelle, Jeter des œillades, faire quelques signes des yeux. Il se dit ordinairement en parlant Des signes qu’un homme et une femme se font l’un à l’autre, quand ils sont d’intelligence.
Fig. et pop., Jouer des couteaux, Se battre à l’épée.
Fig. et pop., Jouer de la poche, Tirer de l’argent de sa poche pour payer. Jouer du pouce, Compter de l’argent pour payer.
Jouer, signifie, par extension, Se servir d’un instrument de musique, en tirer des sons. Jouer du violon, de la harpe, de la flûte, du hautbois, etc. Il joue de toutes sortes d’instruments. Il joue sur tous les tons. Il joue dans le goût, dans la manière d’un tel. Faites jouer les violons.
Jouer, signifie encore, Se mouvoir, agir d’une certaine façon. En ce sens, il se dit surtout Des ressorts, des machines, etc. Ce ressort joue en sens inverse de l’autre. Expliquer la manière dont les pièces d’une machine jouent entre elles.
Il signifie également, Avoir l’aisance et la faculté du mouvement. Ce ressort joue bien, ne joue point. Cette serrure ne joue pas bien. Faites en sorte que la clef joue mieux dans cette serrure. Cet os ne joue pas comme il faut dans l’emboîture. Ce bois joue, Ce bois se resserre ou se dilate.
Fig., Faire jouer toutes sortes de ressorts, Employer tout son pouvoir, tous les moyens dont on peut disposer.
Jouer, se dit aussi Des cascades, des jets d’eau, etc., qu’on lâche pour les faire couler ou jaillir. On fit jouer les eaux. Les eaux jouèrent tout le jour. Autrefois, on disait activement, dans le même sens : On joua les eaux. On a joué les eaux.
Il se dit encore D’une mine que l’on fait sauter, d’une pièce d’artillerie, d’un artifice que l’on fait partir, en y mettant le feu. La mine, le fourneau joua. Quand le canon eut joué. Faites jouer la mine, le canon. Faites jouer les pétards. On dit dans un sens analogue, Faire jouer une pompe, des pompes, Les faire aller.
Jouer, s’emploie aussi comme verbe actif, et signifie, Faire, en parlant D’un jeu ou d’une partie de jeu, d’un coup au jeu, etc. Jouer un jeu. Jouer une partie. Jouer un coup. Jouer une partie de boston. Jouer le piquet. Jouer un cent de piquet. Jouer une partie de trictrac. Jouer la partie d’honneur.
À la Paume, Jouer une balle, Pousser une balle.
Jouer une carte, Jeter une carte. Jouer cœur, jouer carreau, etc., Jouer une carte de ces couleurs.
Au Piquet, Jouer bien les cartes, Tirer tout le parti possible de ses cartes. Il écarte bien, mais il joue mal les cartes.
Jouer le jeu, Jouer suivant les règles du jeu. Vous ne jouez pas le jeu.
Fig. et fam., Jouer bien son jeu, Se comporter adroitement en quelque affaire, savoir bien dissimuler pour arriver à ses fins. Il a bien joué son jeu.
Jouer un jeu, Le savoir bien jouer, le jouer par préférence, être dans l’usage, dans l’habitude de le jouer. Quel jeu jouez-vous ? est-ce le boston ? est-ce le piquet ? Je ne joue que le trictrac.
Jouer, actif, se dit aussi en parlant De ce que l’on hasarde au jeu. Jouer gros jeu. Jouer un jeu d’enfer. Jouer petit jeu. Jouer deux louis sur une carte. Jouer tant à la partie. Nous ne jouons que dix sous. C’est un homme qui joue tout. Dès qu’il a quelque chose, il va le jouer.
Fam., Il jouerait jusqu’à sa chemise, Il jouerait tout ce qu’il a.
Fig. et fam., Jouer gros jeu, S’engager dans une affaire où l’on hasarde beaucoup pour sa réputation, pour sa fortune, pour sa vie.
Fig., Jouer sa vie, S’exposer témérairement.
Jouer quelqu’un, Jouer avec quelqu’un. En ce sens, il ne se dit que dans ces phrases des Jeux de paume et de volant : Je l’ai joué du battoir. Il me gagne toujours, quoiqu’il me joue par-dessous la jambe, par-dessous jambe.
Fig. et fam., Jouer quelqu’un par-dessous jambe, par-dessous la jambe. Voyez Jambe.
Fig., Jouer quelqu’un, Le tromper, l’abuser. Il le joue depuis trois ans, en lui faisant espérer cet emploi. Je vois que l’on m’a joué, que je suis joué. Il avait quelque dépit de se voir joué.
Fig. et fam., Jouer les deux, Tromper deux personnes ou deux parties qui ont des intérêts opposés, en faisant semblant de les servir l’une contre l’autre.
Prov. et fig., Jouer une pièce, un tour à quelqu’un, Lui faire un tour ou malin ou méchant. Il a voulu me jouer un tour auprès d’un tel. On lui a joué une pièce sanglante. On dit neutralement, dans le même sens, Jouer d’un tour à quelqu’un, lui en jouer d’une, lui en jouer d’une bonne. S’il me joue de celui-là, je lui en jouerai d’un autre.
Jouer, actif, signifie en outre, Exécuter un air, un morceau de musique sur un instrument, avec des instruments. Jouer un air. Jouer une ouverture à grand orchestre. Jouer une contredanse. Jouer un air sur le violon, sur le piano, etc. Écoutez l’air qu’on joue.
Il signifie encore, Représenter, et se dit en parlant soit De la pièce de théâtre qu’on représente, soit Du personnage qu’on est chargé d’y représenter. Jouer une comédie, une tragédie, une farce. Jouer un personnage, un rôle. Jouer les amoureux, les pères nobles, les ingénues, etc. On a joué Andromaque. Un tel a joué le rôle d’Oreste, a joué Oreste. Absolument : Ce comédien joue fort bien. C’est la première fois qu’il joue. Etc.
Jouer la comédie, Exercer la profession de comédien. Il veut jouer la comédie. Absolument, Cet acteur a cessé de jouer.
Jouer la comédie, signifie, par extension, Faire des actions plaisantes pour exciter à rire ; et, figurément, Feindre des sentiments qu’on n’a pas, chercher à paraître ce qu’on n’est pas réellement. Vous le croyez affligé, il joue la comédie.
Fig., Jouer la douleur, la surprise, etc. ; jouer l’affligé, jouer l’homme d’importance, etc., Feindre d’être affligé, d’être surpris, d’être un homme d’importance, etc.
Par extension, Jouer tel rôle, Figurer dans quelque affaire en telle ou telle qualité, ordinairement pour faire ou pour faciliter quelque tromperie. Le prétendu mariage eut lieu : un tel joua le rôle de prêtre, et deux valets du séducteur celui de témoins.
Fig., Jouer un rôle, Figurer dans quelque affaire, dans certains événements, y prendre part, soit à son avantage, soit d’une manière fâcheuse, avilissante, etc. Il vit bien qu’il jouait le rôle de dupe. Il y a joué un sot rôle, un fort mauvais rôle. Tous ceux qui jouèrent un rôle dans cette grande révolution. Il joua un grand rôle dans ces événements. On le dit quelquefois De choses personnifiées. Le rôle que joue la mémoire dans les opérations de l’entendement. On dit aussi, mais seulement en parlant Des personnes, Jouer un mauvais personnage, un sot personnage, etc.
Jouer un grand rôle, signifie quelquefois, plus particulièrement, Faire une grande figure, occuper une grande place dans l’État. On dit, par opposition, Jouer un petit personnage, Être dans un poste peu honorable, ou Avoir peu d’influence dans une affaire.
Jouer, signifie aussi, Railler quelqu’un, le tourner en ridicule sur le théâtre. C’est un tel qu’on a joué dans cette pièce, sous un nom emprunté. Molière a joué les faux dévots.
Jouer, se dit encore D’une chose qui en imite une autre, qui en a l’apparence. Ce papier joue le velours. Cette étoffe joue la soie. Cette composition joue le diamant.
Joué, ée. part. passé.
Au Jeu de dames, de trictrac, Dame touchée, dame jouée, Lorsqu’on a touché une dame, on est obligé de la jouer.
Prov., C’est un jeu joué, se dit D’une feinte concertée entre deux ou plusieurs personnes.
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