jeter

JETER

conjugaison verbe transitif et pronominal Conjugaison : (je jette, nous jetons ; je jetais, nous jetions ; je jetai ; je jetterai ; je jetterais ; jette, jetons ; que je jette ; que je jetasse ; jetant ; jeté).
Étymologie : ixe siècle, getter. Issu, par l’intermédiaire du latin populaire jectare, du latin classique jacere, « lancer, jeter ».
■  Jeter entre dans la formation de nombreuses locutions et expressions qui figurent dans ce dictionnaire au mot principal et y sont expliquées.

I.

I. Verbe transitif.
1.  Lancer à quelque distance, envoyer dans une certaine direction. Jeter quelque chose en l’air, à l’eau, dans le feu. Jeter une pierre, une grenade. Jeter du grain aux poules. Jeter un os à un chien. Jeter un livre à la tête de quelqu’un. Jeter son manteau sur une chaise. Jeter de l’argent sur la table.
▪ Loc. Jeter les dés, les lancer à la main ou avec un cornet. Jeter une carte, la déposer sur la table pour la jouer. Jeter une lettre à la boîte, la poster. Marque de domaine : Fauconnerie. Jeter le faucon, le lancer sur sa proie. – Marque de domaine : Marine. Jeter l’ancre, voir Ancre. Jeter le plomb, la sonde (vieilli), les laisser tomber jusqu’au fond pour connaître la hauteur d’eau ou la qualité du fond. Jeter le loch, l’appareil destiné à mesurer la distance parcourue par un navire et sa vitesse.
▪ Expr. fig. Les dés sont jetés, la décision, la résolution est prise, quoi qu’il puisse arriver. On dit de même Le sort en est jeté. Jeter son épée dans la balance, voir Épée. Jeter l’argent par les fenêtres, dissiper son bien en folles dépenses. Jeter de la poudre aux yeux, chercher à éblouir par ses discours et ses manières, en faire accroire. Jeter une pierre dans le jardin de quelqu’un, voir Jardin. Jeter de l’huile sur le feu, voir Feu I. Fam. Jeter son bonnet par-dessus les moulins, voir Bonnet. Jeter le froc aux orties, voir Froc. Il n’est pas bon à jeter aux chiens, il vaut moins que rien.
▪  Jeter la pierre à quelqu’un, élever contre lui une accusation, le rendre responsable d’un mal, d’une erreur, d’un méfait. Tout le monde lui jette la pierre, l’accuse, le tient pour coupable. Jeter une chose à la tête, à la figure, au nez de quelqu’un, la lui révéler sans ménagement, la lui reprocher vivement. Jeter le gant, le mouchoir, voir ces mots. Jeter une personne dans les bras de quelqu’un. Jeter le grappin sur quelqu’un (fam.), l’accaparer ou s’emparer de lui.
▪ Par extension. En parlant de ce qu’on dépose ou dispose de distance en distance. Jeter une passerelle au-dessus d’un torrent, un pont sur une rivière. Jeter un pont de bateaux entre les rives d’un fleuve pour le passage des troupes. Jeter les fondements d’un édifice, les asseoir, les établir. Fig. Jeter les fondements d’un empire. Jeter les bases d’une science nouvelle.
▪ Marque de domaine : typographie. Jeter un blanc, une espace, une interligne, les disposer dans la composition.
2.  Abandonner, mettre à l’écart ce dont on n’a plus l’usage ; se débarrasser, se défaire de. Jeter ses armes pour s’enfuir. Jeter des papiers au feu, à la corbeille. Jeter un mégot. Ces documents périmés sont bons à jeter. Jeter des marchandises à la mer pour alléger le navire. Jeter du lest. Marque de domaine : Jeux. Jeter une carte, des cartes, les écarter, s’en défaire au cours du jeu. J’ai jeté les piques, le roi de pique. – Marque de domaine : Sports. Jeter l’éponge, voir Éponge I.
▪ Expr. fig. Jeter quelque chose au vent, le faire disparaître. Jeter le masque, voir Masque. Jeter le manche après la cognée, voir Cognée. Jeter le bébé avec l’eau du bain (fam.), voir Bain. Prov. Quand on a pressé l’orange, on jette l’écorce, voir Écorce.
▪ Par analogie. Marque de domaine : vènerie. Jeter ses bois, sa tête, en parlant du cerf, perdre ses bois.
3.  Poser à la hâte, placer avec promptitude. Jeter une nappe sur la table. Jeter un châle, un manteau sur ses épaules. Expr. fig. Jeter un voile sur une chose, la passer sous silence. Iron. Jetons un voile sur les détails de cette vilaine affaire.
▪ Marque de domaine : beaux-arts. Jeter une draperie, donner une certaine disposition aux plis de la draperie dont on revêt une figure. Les plis de cette draperie sont artistement jetés.
▪ Par extension. Jeter une remarque, jeter une phrase dans la conversation. Jeter quelques mots sur une feuille, les y inscrire à la hâte. Jeter ses idées sur le papier, les noter rapidement dans l’ordre où elles se présentent.
▪ En parlant de certains mouvements du corps. Jeter ses bras autour du cou de quelqu’un. Jeter un œil, un coup d’œil sur une brochure, la parcourir brièvement, superficiellement. Jeter un regard sur le paysage et, fig., jeter un regard en arrière, sur le passé. Jeter des regards d’intelligence à quelqu’un. Jeter les yeux sur une personne, sur une chose, la regarder et, fig., avoir sur elle des vues particulières. Jeter son dévolu sur quelqu’un, sur quelque chose, voir Dévolu.
▪ Se dit aussi figurément de certains sentiments, de certaines impressions que l’on fait naître de manière soudaine. Jeter l’effroi, l’épouvante, le trouble dans une assemblée. Cela jette un doute sur ses intentions. Jeter le ridicule, le discrédit sur quelqu’un. Jeter des soupçons dans l’esprit de quelqu’un. Expr. Jeter un froid, voir Froid II.
4.  Pousser, diriger une personne avec force et soudaineté dans une direction donnée, en un lieu donné. Jeter un homme à terre, par terre. Jeter quelqu’un à l’eau, par-dessus bord. Jeter un homme au cachot, aux oubliettes, en prison. Jeter quelqu’un dehors, le mettre brutalement à la porte. Être jeté à la rue, sur le pavé. L’exode jetait des familles entières sur les routes. Fig. Il fut malgré lui jeté dans cette affaire. Jeter quelqu’un dans un péril, dans le danger. Ces nouvelles nous jetèrent dans l’inquiétude. Votre refus me jette dans un grand embarras. La surprise où les jetèrent ces paroles. Expr. Jeter quelqu’un hors de soi, hors de ses gonds, le mettre en fureur.
▪ Expr. Jeter ses hommes, son infanterie, sa cavalerie dans le combat, les y engager. Jeter ses réserves dans une bataille. On dit par métaphore Jeter des actions, des titres sur le marché boursier.
▪ Par extension. Les vents jetèrent l’embarcation sur un écueil. Jeter son navire à la côte, s’y échouer exprès afin d’éviter un danger plus grand. Jeter sa voiture contre un mur.
▪ Loc. Jeter bas, à bas, démolir, détruire, abattre une construction. Ces masures doivent être jetées à bas. Fig. Jeter à bas un tyran, un régime.
5.  Émettre, répandre, faire jaillir de soi. Cette fontaine jette beaucoup d’eau. La seiche jette son encre pour se dérober à l’ennemi. Le tronc de cet arbre jette une espèce de gomme. Cet abcès jette du pus et, absolument, jette. Fig. Il a jeté tout son venin, dans l’emportement de la colère, il a exprimé toute sa rancœur, tout son ressentiment, exposé tous ses griefs. Jeter sa gourme, voir Gourme. Pop. Jeter du jus, son jus ou, elliptiquement, en jeter, faire grand effet.
▪ Se dit aussi de sons ou de rayons lumineux. L’oiseau jette son cri. Jeter un cri, une plainte. Jeter les hauts cris (fig.), voir Cri. Les flammes jetaient une lueur rougeâtre. Cette lampe jette un vif éclat. Un tison qui jette des étincelles. Ces pierreries jettent mille feux. Le soleil couchant jetait ses derniers feux. Jeter son feu, Jeter feu et flamme (fig.), voir Feu I.
▪ Spécialement. En parlant des abeilles qui produisent et mettent dehors un nouvel essaim. Les abeilles n’ont pas jeté cette année. En parlant des arbres et des plantes qui produisent des bourgeons ou de nouvelles pousses. Cette vigne a bien jeté du bois. Les arbres commencent à jeter des scions et, absolument, à jeter. Jeter de profondes racines, s’enraciner profondément. Fig. Cet abus avait jeté de si profondes racines qu’il était difficile de l’extirper.
6.  Marque de domaine : technique. Faire couler du métal en fusion dans un moule, afin d’en tirer une figure. Jeter une figure, une statue de bronze en moule. Absolument. Ce fondeur jette bien.

II.

II. Verbe pronominal.
1.  Se lancer, se précipiter, se porter impétueusement, et souvent avec une intention déterminée, dans une direction, vers un être ou une chose. Se jeter à terre. Se jeter à bas de son cheval. Se jeter de côté, en arrière, en avant. Se jeter du haut d’une falaise. Se jeter par la fenêtre. Se jeter dans le vide, au fond d’un puits. Le fuyard se jeta dans une ruelle obscure, y entra, s’y réfugia promptement. Se jeter sur un siège, s’y laisser tomber avec précipitation, brusquerie. Fam. Se jeter sur la nourriture, manger avidement, goulûment. On se jette sur ce livre, sur cette marchandise, chacun veut le lire, l’acheter. Expr. Se jeter au travers, à la traverse, déranger, contrecarrer quelque entreprise. Se jeter à l’eau, voir Eau. Se jeter dans la gueule du loup, voir Gueule.
▪  Se jeter sur quelqu’un pour le frapper. Il se jeta sur son adversaire, contre l’ennemi, au milieu des ennemis. Un fauve qui se jette sur sa proie. Se jeter au cou de quelqu’un pour l’embrasser. Il se jeta dans mes bras pour me remercier. Se jeter aux genoux, aux pieds de quelqu’un pour l’implorer. Expr. fig. Se jeter à la tête de quelqu’un, s’offrir à son affection avec empressement et sans être recherché ou, spécialement, lui faire des avances. Il ne faut pas se jeter ainsi à la tête des gens. Se jeter à la tête du premier venu.
▪ Fig. S’engager avec fougue, souvent inconsidérément. Se jeter dans la mêlée. Se jeter dans un péril, au-devant du péril. Se jeter dans un parti. Se jeter dans la dévotion. Abandonner un excès pour se jeter dans l’excès contraire.
2.  Se dit d’une rivière, d’un fleuve qui mêle ses eaux à celles d’un cours d’eau plus important ou déverse ses eaux dans la mer. La Saône se jette dans le Rhône à Lyon. La Seine se jette dans la Manche.
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