jeter

6e édition

JETER.

v. a. Conjugaison : (Je jette. Je jetais. J’ai jeté. Je jetterai. Jetant.)
■  Lancer avec la main ou de quelque autre manière. Jeter des pierres. Jeter un dard, un javelot. Jeter des fusées, des grenades. Jeter ses armes pour s’enfuir. Jeter quelque chose au vent. Jeter quelque chose en l’air. Jeter quelque chose à la tête. Jeter de l’eau par la fenêtre. Jeter un filet dans l’eau pour pêcher. Jeter un palet. Jeter les dés hors du cornet. Jeter quelque chose au feu. Jeter de l’huile dans le feu. Cela n’est bon qu’à jeter au feu. Jeter de l’argent au peuple. Jeter des fleurs devant le saint sacrement. Jeter des semences en terre. Jeter des marchandises à la mer pour alléger le navire. Jeter de l’eau bénite. Jeter quelque chose de haut en bas.
Jeter un châle, une mante, un manteau, etc., sur ses épaules, sur les épaules de quelqu’un, Mettre avec quelque promptitude un châle, etc., sur ses épaules, sur les épaules de quelqu’un. On dit aussi, Ce vêtement, cette draperie, etc., est jetée avec grâce, avec élégance, en parlant D’un vêtement, p. 67d’une draperie disposés avec une négligence qui a de la grâce, etc.
En termes de Peinture, Jeter une draperie, Donner une certaine disposition aux plis de la draperie dont on revêt une figure. Ce peintre jette mal ses draperies. Les plis de cette draperie sont bien jetés.
En termes de Marine, Jeter l’ancre, La faire tomber dans la mer, pour arrêter le navire. Jeter le plomb, la sonde, Laisser tomber la sonde pour connaître la hauteur de l’eau ou la qualité du fond.
Aux Jeux de cartes, Jeter ses cartes, Les jouer.
Jeter les fondements d’un édifice, Les asseoir, les établir. Figurément, Jeter les fondements d’un empire, d’un royaume, d’une république, etc., Fonder un empire, etc.
Jeter un pont sur une rivière, Construire, établir un pont sur une rivière. Cela se dit surtout en parlant Des ponts que l’on fait à la hâte pour le passage des troupes, des armées.
Prov. et fig., Jeter de l’huile sur le feu, dans le feu, Exciter une passion déjà très-vive, très-violente ; aigrir des esprits qui ne sont déjà que trop aigris.
Prov. et fig., Il n’en jetterait pas sa part aux chiens, se dit D’un homme qui se croit bien fondé dans les prétentions qu’il a sur quelque chose.
Prov. et fig., Jeter son bien, jeter tout par les fenêtres, Dissiper son bien en folles dépenses. C’est un homme d’ordre, et qui ne jette point son bien par les fenêtres. On dit aussi, C’est un homme d’ordre, et qui ne jette rien.
Fig. et fam., Jeter une marchandise à la tête, L’offrir à vil prix. Il y avait tant de gibier au marché, qu’on le jetait à la tête.
Fig. et fam., Jeter une chose à la tête de quelqu’un, La lui offrir sans qu’il la demande. Ne pensez pas que je lui jette mon bien à la tête, que je lui jette ma fille à la tête. On dit de même, avec le pronom personnel, Se jeter à la tête de quelqu’un, et absolument, Se jeter à la tête, S’offrir à lui avec empressement, et sans être recherché. Il ne faut pas se jeter à la tête des gens. Il est fort imprudent de se jeter ainsi à la tête.
Fig. et fam., Jeter de la poudre aux yeux, Éblouir, surprendre par de faux brillants, par des raisons spécieuses, etc. Il a jeté de la poudre aux yeux à toute l’assemblée. Ce discours a jeté de la poudre aux yeux. Il croyait nous jeter de la poudre aux yeux.
Fig. et fam., Jeter le froc aux orties, Renoncer à la profession monacale ; et, par extension, Renoncer à l’état ecclésiastique. On le dit aussi De toute personne qui, par inconstance, renonce à quelque profession que ce soit.
Fig. et fam., Jeter le grappin sur quelqu’un, Se rendre maître de son esprit.
Prov. et fig., Jeter son plomb sur quelque chose, Porter ses vues sur quelque chose, former un dessein pour parvenir à quelque chose. Il a jeté son plomb sur cet emploi.
Prov. et fig., Jeter le manche après la cognée, Abandonner une affaire, une entreprise, par chagrin, par dégoût, par découragement.
Fig. et fam., Je jetai mon bonnet par-dessus les moulins. Phrase par laquelle on terminait les contes que l’on faisait aux enfants, et qui signifie, Je ne sais ce que tout cela devint, je ne sais comment finit le conte, l’histoire.
Prov. et fig., Jeter son bonnet par-dessus les moulins, Braver les bienséances, l’opinion publique. Cette femme a jeté son bonnet par-dessus les moulins.
Prov. et fig., Jeter sa langue aux chiens, Renoncer à deviner quelque chose. Il m’est impossible de trouver le mot de cette énigme, je jette ma langue aux chiens.
Prov. et fig., S’il disait, s’il faisait telle chose, il ne serait pas bon à jeter aux chiens, Tout le monde le blâmerait et crierait après lui.
Fig., Jeter un voile sur quelque chose, Le passer sous silence. Jetons un voile sur le passé, sur les horribles détails de ce crime.
Fig., Jeter quelqu’un dans un cachot, dans les fers, Le mettre ou le faire mettre au cachot, en prison.
Fig., en termes de Guerre, Jeter des hommes, jeter de l’infanterie, de la cavalerie, jeter des munitions, des vivres, etc., dans une place, Les y faire entrer promptement dans le besoin.
En termes de Fauconnerie, Jeter le faucon, Le laisser partir pour le vol. En parlant De l’autour, on dit, Lâcher.
Jeter, s’emploie aussi figurément, tant au sens physique qu’au sens moral, dans l’acception de Mettre, placer, diriger, envoyer, etc., et souvent avec l’idée d’une certaine violence, de quelque soudaineté ou rapidité dans l’action. Quand le Créateur nous jeta sur la terre. Il fut malgré lui jeté sur le trône. Il prétendait qu’on avait jeté un sort sur son troupeau. Jeter rapidement ses idées sur le papier, sur la toile, etc. Jeter un coup d’œil sur quelqu’un, sur quelque chose. Jeter un regard, des regards de compassion sur une personne. Jeter des œillades. Jeter les yeux sur quelqu’un, sur quelque chose. En jetant les yeux de ce côté, j’aperçus une lumière. Avez-vous jeté les yeux sur son mémoire ? Jeter un regard sur le passé. Jeter l’effroi, l’épouvante dans une maison, dans le camp, etc. Jeter du ridicule sur quelqu’un. Jeter de l’odieux sur une action. Jeter son soupçon, ses soupçons sur quelqu’un. Jeter des soupçons dans l’esprit de quelqu’un. Jeter des semences de vertu dans le cœur d’un jeune homme. Ce mot jette quelque obscurité dans la phrase. Cela peut jeter une vive lumière, un grand jour sur les causes de tel événement. Jeter quelqu’un dans le péril, dans un danger. Jeter dans l’inquiétude. Cela me jette dans un grand embarras. La surprise où les jeta cette nouvelle. Jeter dans l’illusion. Jeter dans l’erreur.
Jeter les yeux sur quelqu’un, signifie quelquefois, Avoir sur quelqu’un des vues particulières. Il a jeté les yeux sur ce jeune homme pour en faire son gendre.
Jeter des propos, Avancer des propos qui vont indirectement à insinuer ou à découvrir quelque chose. Ce ministre a jeté des propos de paix, de guerre.
Jeter des soupçons contre quelqu’un, Faire soupçonner quelqu’un.
Jeter au sort, Décider quelque chose par la voie du sort.
Le sort en est jeté, Le parti en est pris. On dit dans le même sens, Le dé en est jeté.
Fig. et fam., Jeter son dévolu sur quelqu’un, sur quelque chose, Arrêter ses vues, fixer son choix sur quelqu’un, sur quelque chose.
En termes d’Impr., Jeter un blanc, Ménager, laisser un blanc. On dit à peu près de même, Jeter une espace, une interligne.
Jeter, se dit quelquefois dans le sens de Pousser avec violence, tant au propre qu’au figuré. Jeter un homme par terre. Les vents nous jetèrent sur un écueil. La tourmente politique les avait jetés loin de leur patrie.
Fig. et fam., Jeter une maison, une cloison, un mur, etc., par terre, Démolir, abattre une maison, une cloison, etc. On dit dans le même sens, Jeter bas.
En termes de Marine, Jeter son navire à la côte, ou Se jeter à la côte, S’y échouer exprès, afin d’éviter un danger plus grand.
Jeter, signifie aussi, Pousser, envoyer, lancer hors de soi. Un animal qui jette son venin. Le tronc de cet arbre jette une espèce de gomme. Cette fontaine jette beaucoup d’eau. Une montagne qui jette des feux. Un tison qui jette des étincelles. Cette lampe jette beaucoup de lumière, jette un éclat très-vif.
Jeter des larmes, Pleurer. Il ne jeta pas une larme.
Jeter un soupir, un cri, Faire un soupir, un cri. Fig. et fam., Jeter les hauts cris, Se récrier, se plaindre hautement.
Fig. et fam., Cet homme jette un vilain coton, Il perd son crédit, sa réputation. On dit ironiquement, dans le même sens, Il jette un beau coton. On dit aussi D’un homme atteint d’une maladie qui le fait dépérir, Il jette un mauvais coton.
Fig. et fam., Il a jeté tout son venin, Dans l’emportement de la colère, il a dit tout ce qu’il avait sur le cœur contre un tel.
Fig. et fam., Jeter son feu, tout son feu, Faire et dire tout ce qu’inspire la colère, de manière que l’on en est plus tôt apaisé. Jeter feu et flamme, Se livrer à de grands emportements de colère.
Jeter son feu, signifie aussi, Faire d’abord preuve de talent, de génie, et ne pas réaliser ensuite les espérances que l’on avait données de soi. On dit dans un sens analogue, Cet auteur a jeté son feu, tout son feu dans le premier acte de sa tragédie, dans son premier volume.
Jeter, se dit particulièrement Des ulcères, des abcès, etc. Cet abcès jette du pus. Absol. : Ces ulcères, ces pustules jettent beaucoup. Sa plaie commence à jeter.
Il se dit également Des chevaux. Ce cheval jette sa gourme, une fausse gourme. Absol., Ce cheval jette, il est morfondu.
Jeter, se dit en outre Des mouches à miel qui produisent et mettent dehors un nouvel essaim. Ces mouches n’ont point jeté cette année. Les bonnes mouches jettent deux fois l’an. Cette ruche n’a pas encore jeté.
Il se dit encore Des arbres et des plantes qui produisent des bourgeons ou des scions. Cette vigne a bien jeté du bois. Cet arbre a jeté des scions. Absol. : Les arbres commencent à jeter. La vigne ne jette pas encore.
Jeter de profondes racines, S’enraciner p. 68profondément. Il se dit au propre et au figuré. Ces arbres ont jeté de profondes racines. Cet abus avait jeté de si profondes racines, qu’il était bien difficile de l’extirper.
En termes de Vénerie, Ce cerf jette sa tête, Il quitte son bois.
Jeter, signifie aussi, Calculer avec des jetons. Jetez ces sommes-là. Je les ai jetées, et j’ai trouvé qu’elles montent à… Apprendre à jeter. Ce sens est vieux.
Jeter, en termes de Fonderie, Faire couler du métal fondu dans quelque moule, afin d’en tirer une figure. Jeter une figure, une statue en bronze. Jeter en argent. Jeter en sable. Jeter en moule. Ce fondeur jette bien.
Fig. et fam., Cela ne se jette pas en moule, Cet ouvrage ne peut se faire qu’avec beaucoup de soin et de temps.
Jeter, avec le pronom personnel, signifie, tant au propre qu’au figuré, Se lancer, se précipiter, se porter impétueusement dans, contre, vers quelqu’un ou quelque chose. Se jeter par la fenêtre. Se jeter dans le feu, dans un puits, dans la mer. Notre vaisseau alla se jeter contre les rochers. Se jeter au cou de quelqu’un pour l’embrasser. Je me jette à vos pieds. Il s’est jeté dans mes bras. Se jeter sur quelqu’un pour le maltraiter. Il se jeta sur son ennemi. Les chiens se jetèrent sur le loup. Un animal qui se jette sur sa proie. Il se jeta au milieu des ennemis. Il s’y jette à corps perdu. Se jeter dans les réformes. Se jeter dans la dévotion. Abandonner un excès pour se jeter dans l’excès contraire. Se jeter volontairement dans le péril. Se jeter dans un parti.
Ce fleuve, cette rivière se jette dans telle autre, se jette dans la mer, dans un lac, etc., Ce fleuve, cette rivière se rend, va se perdre dans telle autre, etc.
Se jeter sur quelque chose, signifie quelquefois, S’y porter avidement. Les soldats se jetèrent sur ces provisions et les pillèrent. On servit une pyramide de fruits, tout le monde se jeta dessus.
Jeter, avec le pronom personnel, signifie quelquefois particulièrement, Entrer, se réfugier précipitamment en quelque endroit. On poursuivit le voleur, mais il se jeta dans une allée obscure et disparut. Il se jeta dans le plus épais du bois. Il se jeta dans telle place avec trois mille hommes, et y fit une longue résistance.
Fig., Se jeter dans un couvent, S’y retirer.
Jeté, ée. participe.
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