perdre

PERDRE

conjugaison verbe transitif et pronominal Conjugaison : (se conjugue comme Attendre).
Étymologie : ixe siècle, au sens d’« être privé d’une qualité, d’une faculté ». Issu du latin perdere, proprement « donner inutilement », puis « détruire, ruiner », lui-même composé à l’aide de per‑, « à travers », et dare, « donner ».

I.

I. Verbe transitif.
A.  Être privé de quelqu’un, de quelque chose.
1.  Être privé, par la mort, par l’éloignement ou la séparation, d’une personne qu’on aimait, à laquelle on était attaché. Perdre ses parents, un enfant, un ami. Il a déménagé et nous avons perdu un bon voisin.
2.  Être privé d’un bien qu’on possédait, dont on avait la jouissance. Il a tout perdu dans l’incendie de sa maison. En 1871, la France perdit l’Alsace et une partie de la Lorraine.
▪  Perdre son argent aux courses. Elliptiquement. Si vous revendez vos actions maintenant, vous y perdrez. Perdre à la Bourse, en Bourse.
▪  Par extension. Être privé d’une position acquise, d’un avantage moral. Perdre son emploi. Perdre ses droits civiques, sa nationalité. Perdre l’estime, la faveur, la confiance de ses pairs. Perdre son ascendant sur son entourage. Perdre sa réputation. Perdre de son crédit.
▪  Expr. Perdre au change, être désavantagé dans un échange. N’avoir rien à perdre, se lancer dans une entreprise sans courir aucun risque. N’avoir plus rien à perdre, être dans une situation si compromise que l’on peut tout oser. Tout est perdu, la situation est désespérée. Tout est perdu fors l’honneur, mot attribué à François Ier après la défaite de Pavie. Vous ne perdez rien pour attendre, se dit pour avertir qu’on prendra tôt ou tard sa revanche. Fam. Perdre jusqu’à sa chemise, jusqu’à sa dernière chemise, tout ce que l’on a. Prov. Qui va à la chasse perd sa place. Absolument. On hasarde de perdre en voulant trop gagner, expression tirée de la fable de La Fontaine « Le Héron » et devenue proverbiale.
3.  Être privé d’une partie du corps, d’une faculté, d’une caractéristique essentielle, d’une qualité. Perdre une dent, perdre ses cheveux. Le blessé a perdu beaucoup de sang. Perdre la vue, perdre l’usage de la parole. Perdre la mémoire, le sommeil, l’appétit. Perdre du poids. Perdre ses forces. Loc. et expr. Perdre la vie, mourir. Perdre connaissance, s’évanouir. Perdre l’équilibre, faire un faux pas, trébucher. À perdre haleine, jusqu’à l’essoufflement. Perdre le boire et le manger, voir Boire II. Perdre la raison. Perdre sa virginité, son innocence. Fig. Perdre la tête, s’affoler ou déraisonner. Perdre la face, se déconsidérer. Perdre la main, son habileté, son aisance coutumière dans l’exercice d’une activité. Fam. Perdre la boussole ou, pop., la boule, voir ces mots. Il a perdu sa langue, se dit d’une personne qui, contrairement à toute attente, garde le silence.
▪  Depuis qu’il vit en France, il a perdu son accent. Elle a perdu l’habitude de conduire. Perdre son sang-froid. Perdre sa gaieté. Perdre toute envie de vivre. Perdre de son assurance. Perdre son honneur. Perdre tout sens moral. Perdre la foi. Perdre le sens des réalités. Perdre ses dernières illusions. Loc. et expr. Perdre courage, perdre espoir. Perdre patience. Perdre contenance, voir Contenance. Perdre ses moyens, être déconcerté, troublé, au point de ne pouvoir réagir.
▪  Par extension. En parlant d’animaux, de végétaux, de choses. Perdre ses poils, ses plumes. Les arbres ont perdu leurs feuilles. Une perle qui a perdu de son éclat. Cette étoffe a perdu ses couleurs. Cette expression, ce mot a perdu son sens premier. Le match a perdu de son intérêt. Ce roman n’a rien perdu à la traduction. Elliptiquement. Ce vin perd à être gardé longtemps. Expr. fig. et fam. Il a perdu des plumes dans cette affaire.
B.  Laisser échapper ce dont on disposait.
1.  Ne pas conserver, ne pas retenir. Perdre sa clientèle. Cette région a perdu des habitants depuis quelques années. Perdre le contact avec quelqu’un. J’ai perdu toute confiance en lui. Il a perdu l’avantage. Perdre ses repères. Perdre le contrôle d’un véhicule. Perdre de la vitesse, de la hauteur. La voiture perd de l’huile. Absolument. Le tonneau perd, fuit.
▪  Spécialement. Égarer. Perdre son parapluie, ses clefs. Je voulais lui écrire mais j’ai perdu son adresse. Perdre son chat. Un enfant qui a perdu sa mère dans la foule.
▪  Expr. Perdre du terrain, reculer devant l’ennemi, se laisser distancer ou rattraper par l’adversaire et, fig., se trouver dans une position moins favorable. Perdre les arçons, tomber de sa selle, être renversé de son cheval et, fig., se trouver déconcerté. Fig. et fam. Perdre les pédales, voir Pédale.
▪  Marque de domaine : marine. Intransitivement. Perdre au vent, s’éloigner du lit du vent. Absolument. Le navire perd, sa vitesse décroît. La mer perd, elle se retire, lors du jusant. La marée perd, son coefficient diminue.
2.  Ne plus pouvoir suivre, voir échapper. Perdre son chemin, sa route. Les chiens ont perdu la piste, la voie, la trace du gibier. Perdre son rang dans la file, perdre son tour. Marque de domaine : jeux. Perdre la main, ne plus être le premier à jouer et, fig., ne plus avoir l’initiative dans une affaire.
▪  Spécialement. Ne plus comprendre, ne plus saisir ; cesser de percevoir. Perdre le fil de la conversation, le fil de ses pensées, de sa lecture. Il l’épiait sans perdre un seul de ses mouvements.
▪  Loc. et expr. Perdre quelqu’un de vue, cesser de le voir et, fig., ne plus être en relation avec lui. Perdre quelque chose de vue, ne plus le distinguer et, fig., ne plus s’en occuper. Perdre pied, ne plus pouvoir toucher le fond de l’eau et, fig., ne plus savoir où l’on en est, être décontenancé. Perdre terre, en parlant d’un bateau, ne plus voir la côte ; fig., en parlant d’une personne, ne plus avoir le sens des réalités. Fig. et fam. Perdre le nord, être désorienté (on a dit aussi Perdre la tramontane). Iron., dans des tournures négatives. Il ne perd pas le nord, il sait comment préserver ses intérêts.
3.  Faire un mauvais emploi, ne pas profiter de quelque chose. Perdre sa jeunesse. Perdre son temps. Il m’a fait perdre toute la matinée. Sans perdre un moment. Il n’y a pas une minute, un instant à perdre. Avoir du temps, de l’argent à perdre. Perdre sa peine. Il a perdu l’occasion, une belle occasion de se taire.
▪  Expr. fig. Ne pas perdre une bouchée, une miette de quelque chose (fam.), n’en rien laisser échapper, en profiter pleinement. Il n’a pas perdu une miette de ces explications. Y perdre son latin, faire de vains efforts pour comprendre, élucider quelque chose.
▪  Prov. Un bienfait n’est jamais perdu, une bonne action produit toujours quelque reconnaissance. À laver la tête d’un âne, on perd sa lessive, voir Laver.
C.  Ne pas remporter ; se trouver en situation d’infériorité dans une lutte, une compétition, un affrontement. Perdre une bataille, perdre la guerre. Perdre un procès, perdre sa cause. Il a perdu son pari. Perdre une partie de cartes. La partie est perdue d’avance. Ils ont perdu la finale. Intransitivement. Perdre aux échecs, à la roulette. Absolument. Il n’aime pas perdre. J’ai perdu avec un beau jeu.
▪  Expr. Jouer à tout perdre, en risquant tout ce que l’on a. Jouer à qui perd gagne, voir Gagner.
▪  Prov. Qui quitte la partie la perd, celui qui se décourage ne peut réussir.
D.  Causer un dommage, un préjudice à quelqu’un ou à quelque chose.
1.  Class. Faire mourir, tuer. Ganelon s’employa à perdre Roland. Ses derniers excès l’ont perdu.
2.  Ruiner, déshonorer, discréditer. Cet homme vous perdra. Travailler à perdre quelqu’un. Son imprévoyance finira par le perdre. Perdre quelqu’un d’honneur, de réputation. Perdre quelqu’un dans l’esprit d’une autre personne, auprès d’une autre personne, nuire à quelqu’un par des propos malveillants ou diffamatoires.
▪  Dans un sens moral. Pervertir l’esprit, le jugement de ; corrompre, débaucher. Vous allez perdre cet enfant par votre complaisance ! Il a perdu de jeunes esprits par ses conseils pernicieux. Perdre son âme.
3.  Détruire, endommager quelque chose. Les inondations ont perdu les récoltes. Un moment, une indiscrétion peut tout perdre, suffit à compromettre ce qui a été entrepris.

II.

II. Verbe pronominal.
1.  Disparaître, cesser d’être perceptible. Le sommet se perd dans la brume. La musique se perdait dans le bruit des conversations. Le parfum de cette liqueur s’est perdu. Il se perdit dans la foule. Se perdre au loin, à l’horizon. Cette rivière se perd dans la terre, sous terre à cet endroit. Le chemin se perd à l’orée des bois. Fig. L’origine de ce mythe se perd dans la nuit des temps.
▪  Par extension. Cesser d’exister. Rien ne se perd, rien ne se crée. Cet usage se perd peu à peu. Des petits métiers qui se perdent. La tradition s’en est perdue. Le sens premier de ce mot s’est perdu.
▪  Spécialement. Faire naufrage, sombrer. Le navire s’est perdu corps et biens. L’avion s’est perdu en mer.
2.  S’égarer, se fourvoyer. Se perdre dans le brouillard. Se perdre dans la forêt. Fig. Se perdre dans d’interminables digressions. Se perdre en considérations spécieuses. Se perdre en conjectures, être perplexe devant diverses hypothèses. J’ai fini par me perdre dans ses explications. On s’y perd, on n’y comprend plus rien. Les personnages de ce roman sont si nombreux qu’on s’y perd. Expr. Se perdre dans les nues (vieilli), dans les nuages, devenir trop abstrait et inintelligible ; s’égarer dans des idées vagues. Pop. Il y a des coups de pied, des gifles qui se perdent, se dit en parlant de quelqu’un qui mériterait une bonne correction.
▪  Spécialement. Se perdre dans ses pensées, dans sa rêverie, s’y abîmer, s’y absorber. Se perdre en Dieu, s’oublier soi-même dans la contemplation de Dieu.
3.  Se compromettre, se déshonorer ; causer sa propre ruine. Se perdre de réputation. Il s’est perdu par ses mauvaises fréquentations. Il se perd par sa prodigalité. Marque de domaine : religion. Se perdre par orgueil.
▪  En parlant d’une chose. S’abîmer, se gâter. Avec la chaleur, ces fruits risquent de se perdre rapidement.
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