rompre

7e édition

ROMPRE.

v. a. Conjugaison : (Je romps, tu romps, il rompt ; nous rompons, etc. Je rompais. Je rompis. J’ai rompu. Je romprai. Je romprais. Romps. Que je rompe. Que je rompisse. Rompant. Rompu.)
■  Briser, casser, mettre en pièces. Rompre un coffre, une porte. Rompre un bâton, une baguette. Rompre un gâteau. Rompre son pain. Les enfants rompent tout. Un coup de vent a rompu le grand mât. Le fleuve rompit ses digues. C’est un homme violent, il menace de tout rompre dans la maison. Il menaçait de lui rompre bras et jambes. Il lui rompit sa canne sur le dos. Il a le bras rompu en deux endroits. Se rompre une veine dans le corps. Se rompre une côte. Il fit un effort qui lui rompit les reins. En tombant de cheval, il s’est rompu le cou.
Fig. et fam., Rompre le cou à quelqu’un, Lui faire perdre ses espérances de fortune, d’avancement. Il avait lieu de tout espérer à la cour, mais ses ennemis lui ont rompu le cou. On dit dans le même sens, Se rompre le cou par sa mauvaise conduite, par son imprudence. Ces phrases vieillissent.
En termes de l’Écriture, Rompre le pain, Faire la cène, la communion. On dit de même, figurément, Rompre le pain de la parole de Dieu aux fidèles, Prêcher la parole de Dieu.
Rompre un criminel, Rompre les os des bras et des jambes à un criminel avec une barre de fer. On l’a rompu vif. Condamné par arrêt à être rompu. On ne rompt plus les assassins en France.
En matière de Joutes et de Tournois, Rompre une lance, rompre la lance, Briser une lance en courant ou en combattant contre quelqu’un. Ils rompirent deux lances, trois lances.
Fig., Rompre une lance avec quelqu’un, contre quelqu’un, Disputer en règle avec lui sur quelque sujet.
Fig., Rompre une lance pour quelqu’un, Prendre le parti de quelqu’un dans une conversation où il est attaqué. J’ai rompu bien des lances pour vous.
Fig., Rompre en visière à quelqu’un, Lui dire en face et brusquement quelque chose de désobligeant. Il m’a rompu en visière.
Fig., Rompre ses fers, ses chaînes, S’affranchir, s’évader, se mettre en liberté. Rompre ses fers, ses chaînes, ses liens, Se dégager d’une passion, d’un attachement. Il est délivré de cette passion, il a rompu ses liens. Il n’est plus dans cet engagement, il a rompu ses chaînes.
Prov. et fig., Rompre la glace, Faire les premiers pas dans une affaire, dans une découverte, etc., en surmonter les premières difficultés. Voulez-vous me seconder ? je me charge de rompre la glace. L’affaire était délicate, c’est lui qui a rompu la glace. Ce mathématicien est celui qui a rompu la glace, et qui a ouvert le chemin à toutes ces découvertes.
Prov. et fig., Rompre la tête, rompre les oreilles à quelqu’un, Lui faire trop de bruit, ou L’importuner par des discours inutiles et hors de saison. Ces enfants sont trop bruyants, ils me rompent la tête. Vous nous rompez toujours les oreilles, la tête de la même chose. On dit aussi, Se rompre la tête à quelque chose, S’y appliquer trop fortement et inutilement.
Rompre les chemins, Gâter les chemins. Les pluies, le dégel, les charrois ont rompu les chemins. Ces chemins sont fort rompus en hiver. On dit aussi, Rompre les passages, rompre les ponts, rompre les gués, Les rendre impraticables pour n’être pas atteint lorsqu’on est poursuivi par l’ennemi. Comme la cavalerie ennemie nous suivait, nous rompîmes les ponts.
Fig., Rompre le fil de son discours, Quitter tout à coup la suite de son discours, et entrer dans un autre sujet. On dit aussi à un interrupteur, Vous rompez, vous avez rompu le fil de mon discours.
Prov. et fig., Rompre la paille, Annuler un accord, un marché, etc. La paille est rompue. On dit aussi, par allusion, Rompre la paille avec quelqu’un, Déclarer ouvertement qu’on n’est plus son ami. J’ai rompu la paille avec lui.
En termes de Guerre, Rompre un bataillon, un escadron, etc., Enfoncer un bataillon, un escadron, le mettre en désordre. Il fallut amener du canon pour rompre les bataillons. Quand son infanterie eut été rompue… La première ligne des ennemis fut rompue.
En termes de Théorie, Rompre les divisions, les pelotons, Partager les divisions en pelotons, les pelotons en sections, dans une colonne qui est en marche. On dit aussi, Rompre le carré, Reformer en colonne une troupe qui formait le carré.
En termes militaires, Rompre les rangs, se dit D’une troupe qui reçoit de son chef la permission de ne plus garder les rangs. Ils eurent l’ordre de rompre les rangs. Rompez les rangs.
En termes d’Imprim., Rompre une forme, Séparer les lettres qui la composent, et les remettre dans les cassetins. On dit plus ordinairement, Distribuer.
En termes de Gravure, Rompre une planche, La briser ou la rayer de manière qu’elle ne puisse plus servir.
Fig., Rompre une assemblée, une diète, Faire cesser, congédier une assemblée, empêcher que la diète ne continue.
Fig., en termes de Guerre, Rompre le camp, Renvoyer les troupes dans leurs quartiers.
Fig., Rompre sa maison, son train, Congédier son train, sa maison ; Rompre sa table, Cesser de tenir table ; et, Rompre son ménage, Cesser de tenir ménage.
Rompre l’eau à un cheval, Interrompre un cheval quand il boit, l’obliger à boire à différentes reprises. Rompez l’eau à votre cheval, qui a trop chaud.
Au Jeu de trictrac, Rompre son plein, Être obligé de lever une des deux dames qui complètent chaque case du plein.
Rompre, signifie aussi, Arrêter, détourner le mouvement droit de quelque corps. Rompre le vent. Rompre le fil de l’eau. Rompre le cours de l’eau. Rompre la vague. Rompre l’impétuosité des vagues.
Rompre un coup, En amortir l’effet. Il se serait tué en tombant, sans une botte de paille qui a rompu le coup.
Aux Jeux de dés, Rompre le coup, Arrêter, détourner une chance des dés, en les empêchant de rouler librement. Je vous romps ce coup-là. On dit de même, Rompre le dé. Il rompt le dé à tous moments.
Fig., Rompre le coup, Empêcher le succès d’une entreprise. Je réussissais, si quelqu’un n’avait secrètement rompu le coup. Vos ennemis allaient vous perdre ; j’ai été assez heureux pour rompre le coup. Vous avez rompu le coup, rompu un beau coup.
En termes d’Escrime, Rompre la mesure à son adversaire, Le mettre hors d’état de porter le coup qu’il voulait ; et simplement, Rompre la mesure, Reculer en parant. On dit aussi, Rompre la semelle, Reculer de la longueur du pied.
En termes de Chasse, Rompre les chiens, Les arrêter, les empêcher de suivre une voie.
Fig. et fam., Rompre les chiens, Empêcher qu’un discours qui pourrait avoir quelque inconvénient, ne continue. Ils allaient continuer, mais quelqu’un a su rompre les chiens.
Fig., Rompre le dessein, les desseins de quelqu’un, lui rompre ses mesures, Empêcher qu’il n’exécute son dessein, qu’il ne réussisse dans les mesures qu’il avait prises.
Fig., Rompre un enchantement, En détruire l’effet, s’en délivrer, ou en délivrer quelqu’un.
Rompre, en parlant D’amitié, de relations, d’alliance, de traité, etc., signifie au figuré, Détruire, faire cesser, rendre nul. Rompre l’amitié. Rompre la paix. Rompre des négociations. Rompre la conversation, l’entretien. Rompre le commerce qu’on avait avec quelqu’un. Rompre tout commerce de lettres. Rompre un traité, une alliance, un marché.
Il s’emploie absolument dans le sens de Renoncer à l’amitié, aux liaisons qu’on avait avec quelqu’un. Ils ont rompu. Ils ont rompu ensemble. Ils ont rompu avec éclat. Il a rompu pour une bagatelle avec son meilleur ami.
Fig., Rompre un mariage, Rompre un projet de mariage. Rompre son voyage, Ne point faire un voyage qu’on avait résolu de faire.
Rompre, signifie aussi figurément, Interrompre. Rompre une conversation. Sa présence rompit notre entretien.
Rompre un tête-à-tête, Survenir dans la compagnie de deux personnes. Nous dînons rarement seuls ; il vient toujours quelqu’un qui rompt le tête-à-tête.
Fig., Rompre le sommeil de quelqu’un, Éveiller quelqu’un, troubler le sommeil de quelqu’un.
Fig., Rompre le silence, Cesser de se taire.
En termes de Commerce, Rompre charge, Transborder. Sans rompre charge, Sans transbordement.
Rompre, signifie encore figurément, Manquer à une obligation, cesser pour toujours ou momentanément de la remplir. Rompre la clôture religieuse. Rompre le carême. Rompre sa règle, ses vœux. Rompre son serment, ses engagements.
Rompre le jeûne, Enfreindre la loi du jeûne, soit en prenant quelque nourriture avant l’heure prescrite, soit en usant d’aliments défendus. Les casuistes demandent si un verre d’eau rompt le jeûne, si du poisson mangé en collation rompt le jeûne.
Rompre sa prison, S’évader ; et, Rompre son ban, Ne pas garder son ban, sortir des lieux où l’on était relégué, rentrer dans le pays d’où l’on était banni.
Rompre, signifie encore figurément, Styler, dresser, exercer, accoutumer. On l’a mis dans tel emploi pour le rompre aux affaires, au travail. Rompre la main d’un jeune homme à l’écriture ; le rompre à l’écriture.
Rompre la volonté, l’humeur, le caractère d’un enfant, L’accoutumer à être doux et docile.
p. 677En termes d’Équitation, Rompre un cheval, Le débourrer, l’assouplir.
Rompre, en Dioptrique, se dit Des milieux qui occasionnent la réfraction, qui obligent les rayons de lumière à se détourner de leur première direction. Tous les corps transparents ont la propriété de rompre les rayons de lumière qui y entrent.
Dans la Pratique du coloris, Rompre les couleurs, Les mêler avec d’autres pour en adoucir l’éclat. Dans la nature, les reflets rompent les couleurs ; ces ruptures forment l’harmonie de la couleur.
Rompre, s’emploie aussi avec le pronom personnel. Il ne faut pas trop charger cette poutre, de peur qu’elle ne vienne à se rompre. Les soupentes du carrosse se rompirent. Les flots se rompent contre le rivage. Les rayons ne rompent en passant de l’air dans l’eau. Se rompre à la fatigue, au travail, aux affaires.
Rompre, est quelquefois neutre, et signifie, Se casser, se briser. Cet arbre est si chargé de fruits, qu’il en rompt. Tous les arbres rompaient de fruits. Ne chargez pas trop cette poutre, elle rompra. Son épée rompit à la poignée.
Prov. et fig., Vous verrez beau jeu, si la corde ne rompt, Vous verrez des choses qui vous surprendront, si les moyens dont on se sert pour les faire réussir ne manquent pas.
Prov. et fig., Il vaut mieux plier que rompre, Il vaut mieux céder que de se perdre. Il rompra plutôt que de plier, Il périra plutôt que de céder.
Rompre, en termes de Théorie, se dit D’une troupe qui passe de l’ordre en bataille à l’ordre en colonne. Rompre par divisions, par pelotons, par sections. Rompre à droite, à gauche. Rompre par la droite pour marcher vers la gauche.
À tout rompre. loc. adv. Tout au plus, à toute extrémité. Cette terre, à tout rompre, ne vaut pas dix mille francs de rente. Qu’il fasse son compte comme il voudra ; mais, à tout rompre, on ne lui doit pas mille écus. Ce sens familier a vieilli.
À tout rompre, se dit plus ordinairement en parlant D’un acteur, d’une pièce de théâtre, et en général d’un ouvrage lu ou prononcé en public, qui a été applaudi avec transport. Cet acteur, cet orateur a été applaudi à tout rompre. On applaudit cette scène à tout rompre.
Rompu, ue. part. passé.
Par exagérat., Être rompu, tout rompu de fatigue, Être extrêmement fatigué.
Fig., Être rompu aux affaires, aux calculs, etc., Y être fort exercé. On dit de même, Être rompu à faire une chose.
En Arithm., Nombre rompu, Une fraction, une partie d’unité. Un quart, un tiers, deux tiers, trois quarts, quatre cinquièmes, sont des nombres rompus. On dit plus ordinairement, Fraction.
Bâtons rompus, se dit de Certaines pièces de compartiment dans des vitres et dans d’autres ouvrages. Il se dit aussi d’Une sorte de tapisserie où l’on représente plusieurs bâtons rompus, et entremêlés les uns dans les autres.
À bâtons rompus. Locution adverbiale dont on se sert en parlant Des choses qui se font ou qui se disent avec de fréquentes interruptions et à diverses reprises. Travailler à quelque chose à bâtons rompus. Je n’ai pu m’occuper de cette affaire qu’à bâtons rompus. Il ne m’en a parlé qu’à bâtons rompus.
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