rompre

5e édition

ROMPRE.

v. a. Conjugaison : Je romps, tu romps, il rompt ; nous rompons, etc. Je rompois. Je rompis. J’ai rompu. Je romprai. Romps. Que je rompe. Que je rompisse. Je romprois, etc.
■  Briser, casser, mettre en pièces. Rompre un coffre, une porte. Rompre un bâton, une baguette. Rompre un gâteau. Les enfans rompent tout. Un coup de vent a rompu le grand mât. C’est un homme violent, il menace de tout rompre. Il menace de lui rompre bras et jambes. Il lui rompit sa canne sur le dos. Il a le bras rompu en deux endroits. Se rompre une veine dans le corps. Se rompre une côte. Il fit un effort qui lui rompit les reins. En tombant de cheval, il s’est rompu le cou.
On dit figurément, Rompre le cou à quelqu’un, pour dire, Lui faire perdre sa fortune. Il avoit lieu de tout espérer à la Cour, mais ses ennemis lui ont rompu le cou.
On dit aussi, Il s’est rompu le cou par sa mauvaise conduite.
On dit figurément, Rompre le pain de la parole de Dieu aux Fidèles, pour dire, Prêcher la parole de Dieu.
On dit, Rompre un criminel, pour dire, Rompre les os à un criminel avec une barre de fer. On l’a rompu vif. Condamné par Arrêt à être rompu.
p. 511En matière de joutes et de tournois, on dit, Rompre une lance, rompre la lance, pour dire, Briser une lance en courant ou en combattant contre quelqu’un. Ils rompirent deux lances, trois lances. Et on dit figurément, Rompre une lance pour quelqu’un, pour dire, Prendre le parti de quelqu’un dans une conversation où on n’en parloit pas bien. J’ai rompu bien des lances pour vous.
On dit aussi figurément, Rompre une lance avec quelqu’un, pour dire, Disputer en règle avec lui sur quelque objet.
On dit figurément, Rompre en visière à quelqu’un, pour signifier, Dire en face et brusquement quelque chose de fâcheux, de désobligeant à quelqu’un. Il m’a rompu en visière.
On dit en termes de Guerre, Rompre un bataillon, un escadron, pour dire, Enfoncer un bataillon, un escadron, le mettre en désordre. Il fallut amener du canon pour rompre les bataillons. Quand son Infanterie eut été rompue… La première ligne des ennemis fut rompue.
On dit figurément, Rompre ses chaînes, pour dire, S’affranchir, se mettre en liberté. Et l’on dit aussi, Rompre ses fers, ses chaînes, ses liens, pour dire, Se dégager d’une passion, d’un attachement. Il a quitté son péché, il a rompu ses liens. Il n’est plus dans cet engagement, il a rompu ses chaînes.
On dit aussi figurément dans une acception semblable, Rompre un enchantement.
On dit encore figurément, Rompre l’eau à un cheval, pour dire, Interrompre un cheval quand il boit, l’obliger à boire à différentes reprises. Rompez l’eau à votre cheval.
On dit proverbialement et figurément, Rompre la glace, pour, Faire les premiers pas dans une affaire, dans une découverte, etc. en surmontant les premières difficultés. L’affaire étoit délicate, c’est moi qui ai rompu la glace. Ce Mathématicien est celui qui a rompu la glace dans la solution de ce Problème.
On dit figurément et proverbialement, Rompre la tête à quelqu’un, pour dire, Lui faire trop de bruit, ou l’importuner par des discours inutiles et hors de saison. On dit dans le même sens, Rompre les oreilles. Vous nous rompez toujours les oreilles de la même chose. Et on dit, Se rompre la tête à quelque chose, pour dire, S’y appliquer trop fortement ou inutilement.
On dit, Rompre les chemins, pour dire, Gâter les chemins. Les pluies, le dégel, les charrois ont rompu les chemins. Les chemins sont fort rompus en hiver. Et l’on dit, Rompre les passages, rompre les ponts, rompre les gués, pour, Les rendre impraticables, pour n’être pas atteints par ceux qui nous suivent. Comme la Cavalerie ennemie nous suivoit, nous rompîmes les ponts.
Rompre, signifie aussi, Arrêter, détourner le mouvement droit de quelque corps. Rompre le vent. Rompre le fil de l’eau. Rompre le cours de l’eau. Rompre la vague. Rompre l’impétuosité des vagues.
Rompre, en Dioptrique, se dit Des milieux qui occasionnent la réfraction, qui obligent les rayons de lumière de se détourner de leur première direction. Tous les fluides ont la propriété de rompre les rayons de lumière qui y entrent.
On dit figurément, Rompre le fil de son discours, pour dire, Quitter tout-à-coup la suite de son discours, et entrer dans une autre matière.
Dans la pratique du coloris, Rompre les couleurs, signifie, Mêler ensemble plusieurs teintes. Dans la nature, les reflets rompent les couleurs, ces ruptures forment l’harmonie de la couleur.
Rompre, en parlant D’amitié, de commerce, d’alliance, de traité, etc. signifie figurément, Détruire, faire cesser, rendre nul. Rompre l’amitié. Rompre un traité, une alliance, un marché. Rompre la paix. Rompre la conversation, l’entretien. Rompre le commerce qu’on avoit avec quelqu’un. Rompre tout commerce de lettres.
Il se met aussi absolument, pour dire, Renoncer à l’amitié, aux liaisons qu’on avoit avec quelqu’un. Ils ont rompu. Ils ont rompu ensemble. Ils ont rompu avec éclat. Il a rompu pour une bagatelle avec son meilleur ami. Et dans ce même sens, on dit figurément et proverbialement, Rompre la paille. J’ai rompu la paille avec lui.
On dit aussi, Rompre la paille, pour dire, Annuller un accord, un marché, etc. La paille est rompue.
On dit aussi figurément, Rompre un mariage, pour dire, Rompre un projet de mariage ; et, Rompre son voyage, pour, Ne pas faire un voyage qu’on avoit résolu de faire.
On dit, Rompre le camp, pour dire, Renvoyer les troupes dans leurs quartiers. Et l’on dit, qu’Un Prince a rompu son armée, pour, qu’Il l’a congédiée.
On dit dans le même sens, Rompre une Assemblée, une Diète, pour dire, Faire cesser, congédier une Assemblée, empêcher que la Diète ne continue.
On dit aussi, Rompre sa maison, son train, pour dire, Congédier son train, sa maison ; Rompre sa table, pour, Cesser de tenir table ; et, Rompre son ménage, pour dire, Cesser de tenir ménage.
On dit, Rompre un tête-à-tête, pour dire, Survenir dans la compagnie de deux personnes. Nous dînons rarement seuls ; il vient toujours quelqu’un qui rompt le tête-à-tête.
On dit figurément, Rompre le sommeil de quelqu’un, pour dire, Éveiller quelqu’un, troubler le sommeil de quelqu’un.
On dit en termes de Chasse, Rompre les chiens, pour dire, Les empêcher de continuer la chasse. Et on le dit figurément et familièrement, pour, Empêcher qu’un discours qui pourroit avoir quelque inconvénient, ne continue. Ils alloient se quereller, mais quelqu’un a su rompre les chiens.
Rompre le coup, se dit en plusieurs sens : 1°. Dans un sens physique, pour, En amortir l’effet par quelque moyen. Il se seroit tué en tombant, sans une botte de paille qui a rompu le coup. 2°. Physiquement aussi, pour, Arrêter, détourner une chance des dés, empêcher, en les brouillant, qu’elle n’arrive. Cela se dit aussi, Rompre le dé. Il rompt le dé à tous momens. Je vous romps ce coup-là. 3° Figurément, pour, Empêcher le succès d’une entreprise. Je réussissois, si quelqu’un n’avoit secrètement rompu le coup. Vos ennemis alloient vous perdre ; j’ai été assez heureux pour rompre le coup. Vous avez rompu le coup, rompu un beau coup.
On dit en termes d’Escrime, Rompre la mesure à celui contre qui on fait des armes, Lorsqu’on le met hors d’état de porter le coup qu’il vouloit.
On dit dans le même sens, Rompre le dessein, les desseins de quelqu’un, lui rompre ses mesures, pour dire, Empêcher qu’il n’exécute son dessein, qu’il ne réussisse dans les mesures qu’il avoit prises.
On dit encore figurément, Rompre la volonté, l’humeur d’un enfant, pour dire, L’accoutumer à être doux et docile.
Rompre, se dit encore figurément, pour dire, Manquer aux choses auxquelles on est obligé, ou simplement, Les interrompre. Rompre la clôture religieuse. Rompre le Carême. Rompre sa règle, ses vœux. Rompre son serment, ses engagemens.
Rompre le jeûne, se dit pour, Enfreindre la loi du jeûne, soit en prenant quelque nourriture avant l’heure prescrite, soit en usant d’alimens défendus. Les Casuistes demandent si un verre d’eau rompt le jeûne, si du poisson mangé en collation rompt le jeûne.
On dit dans une acception à peu près semblable, Rompre sa prison, pour dire, S’évader de prison ; et, Rompre son ban, pour, Ne pas garder son ban, sortir des lieux où l’on étoit relégué.
Rompre, signifie encore figurém. Styler, dresser, exercer. Ainsi on dit, Rompre un homme aux affaires, pour dire, Rendre un homme habile, expérimenté dans les affaires. On l’a mis dans un tel emploi pour le rompre aux affaires. En ce sens on dit, Rompre la main d’un jeune homme à l’écriture, le rompre à l’écriture, pour, L’exercer à écrire. Et l’on dit, Rompre un cheval, pour dire, Débourrer un cheval, l’assouplir.
Rompre, est quelquefois neutre, comme en ces phrases, Cet arbre est si chargé de fruits, qu’il en rompt. Tous les arbres rompoient de fruits. Ne chargez pas trop cette poutre, elle rompra. Son épée rompit à la poignée.
On dit proverbialement, Vous verrez beau jeu, si la corde ne rompt, pour dire, Vous verrez des choses qui vous étonneront, qui vous surprendront, si les moyens dont on se sert pour les faire réussir ne manquent pas.
On dit proverbialement et figurém. qu’Il vaut mieux plier que rompre, pour dire, qu’Il vaut mieux céder que de se perdre. Et l’on dit, Il rompra plutôt que de plier, pour, Il périra plutôt que de céder.
Rompre, s’emploie aussi avec le p. 512pronom personnel. Il ne faut pas trop charger cette poutre, de peur qu’elle ne vienne à se rompre. Les soupentes du carrosse se rompirent. Les flots se rompent contre le rivage. Les rayons se rompent en passant de l’air dans l’eau.
À tout rompre. façon de parler adverbiale. Tout au plus, à toute extrémité. Cette terre-là à tout rompre ne vaut pas dix mille livres de rente. Qu’il fasse son compte comme il voudra, mais à tout rompre on ne lui doit pas mille écus. Il est du style familier.
On dit d’Un Acteur, d’une pièce de théâtre, et en général d’un ouvrage lu ou prononcé en public, et qui a été applaudi avec transport, qu’Il a été applaudi à tout rompre.
Rompu, ue. participe.
On dit, qu’Un homme est rompu aux affaires, pour dire, qu’Il y est très-versé.
On dit aussi fig. d’Un homme très-exercé à faire une chose, qu’Il y est rompu. C’est un homme rompu aux affaires, aux calculs, etc.
On dit par exagération, en parlant d’Un homme extrêmement fatigué, qu’Il est tout rompu de fatigue.
En Arithmétique, on appelle Nombre rompu, Une fraction, une partie d’unité. Un quart, un tiers, deux tiers, trois quarts, quatre cinquièmes, sont des nombres rompus.
Rompu, en termes de Blason, se dit Des chevrons dont la pointe d’en haut est coupée.
On appelle Bâtons rompus, Certaines pièces de compartiment dans des vitres et dans d’autres ouvrages ; comme aussi Une sorte de tapisserie où l’on représente plusieurs bâtons rompus, et entremêlés les uns dans les autres.
À bâtons rompus. Façon de parler adverbiale, en parlant Des choses qui se font ou qui se disent avec de fréquentes interruptions et à diverses reprises. Travailler à quelque chose à bâtons rompus. Je n’ai pu entendre ce discours qu’à bâtons rompus. Il ne m’en a parlé qu’à bâtons rompus.
Vous pouvez cliquer sur n’importe quel mot pour naviguer dans le dictionnaire.