rendre

6e édition

RENDRE.

v. a. Conjugaison : (Je rends, tu rends, il rend ; nous rendons, vous rendez, ils rendent. Je rendais. Je rendis. J’ai rendu. Je rendrai. Je rendrais. Rends, rendez. Que je rende. Que je rendisse. Rendant. Rendu.)
■  Redonner, restituer ; remettre une chose entre les mains de celui à qui elle appartient, de quelque manière qu’on l’ait eue. Rendre à quelqu’un l’argent qu’on lui a emprunté ; lui rendre son cheval. Rendre une somme qu’on avait volée, qu’on avait touchée mal à propos. Rendre des livres qu’on a empruntés. Il ne rend jamais ce qu’on lui prête. Il ne sait ce que c’est que de rendre. Rendez-lui ce que vous lui avez pris. Je vous le ferai bien rendre. Rendre un dépôt.
Il se dit figurément, au sens moral. Je lui ai rendu mon amitié, mon estime, ma confiance.
Prov. et fam., Il faut rendre à César ce qui appartient à César, Il faut rendre à chacun ce qui lui est dû. Il se dit tant au propre qu’au figuré.
Rendre le reste d’une pièce de monnaie, Donner ce qui reste de la valeur d’une pièce, après avoir pris sur cette pièce ce qui était dû.
Pop., Quand il emprunte, c’est à ne jamais rendre, Il ne rend pas volontiers ce qu’on lui a prêté.
Rendre un paquet, rendre une lettre, Remettre une lettre entre les mains de celui à qui elle est écrite, remettre un paquet à celui à qui il est adressé.
Rendre un ballot, des marchandises en un lieu, Les y porter, les y faire voiturer, les y conduire. Il m’a vendu tant de ballots de soie, et il doit me les rendre à Lyon. Dans ce sens, Rendre se dit quelquefois en parlant Des personnes. Montez dans mon cabriolet, dans deux heures je vous rendrai là, je vous rends là.
Rendre de l’ouvrage, Le remettre à celui pour qui on l’a fait. Ce tailleur est bien long à rendre son ouvrage. Je lui ai donné de l’ouvrage, il ne me le rend pas.
Fig., Rendre à quelqu’un sa parole, Le dégager de la promesse qu’il avait faite.
Rendre, se dit figurément en parlant De certains devoirs, de certaines obligations dont on s’acquitte, de certaines marques de respect, de déférence, de civilité, etc., que l’on donne à quelqu’un. Rendre ses devoirs, ses respects à quelqu’un. Je ne manquerai point de lui rendre ce que je lui dois. Rendre les derniers devoirs à son ami. Rendre des honneurs extraordinaires à un prince, à un ambassadeur. Rendre hommage, rendre des hommages à quelqu’un. Rendre obéissance. Rendre réponse. Rendre à chacun ce qui lui est dû. Cet homme exige qu’on lui rende. C’est un impoli, un homme hautain qui ne rend rien à personne. Rendre gloire, rendre grâce à Dieu. Grâces infinies soient rendues à Dieu de ce que…
En termes de Féodalité, Rendre foi et hommage, rendre aveu, S’acquitter de ces sujétions.
Rendre le devoir, rendre le devoir conjugal, Satisfaire à l’intention du mariage.
Rendre visite à quelqu’un, L’aller visiter ; et, Rendre à quelqu’un sa visite, L’aller visiter après avoir reçu de lui une visite. Rendre ses visites, Faire les visites que l’usage prescrit dans certaines circonstances. Ces nouveaux mariés ont rendu hier leurs visites.
Rendre le salut, Saluer quelqu’un dont on vient de recevoir un salut. On dit de même : Je lui ai rendu son salut. Il ne m’a pas rendu mon salut.
Rendre service à quelqu’un, Servir, obliger quelqu’un. Rendre de bons offices, de mauvais offices à quelqu’un, Servir ou desservir quelqu’un par ses paroles ou par ses actions.
Rendre, signifie aussi, Payer de retour, soit en bien, soit en mal. Rendre la pareille. Rendre le réciproque. Rendre le change. Rendre avec usure. Rendre le bien pour le mal. Rendre le mal pour le bien. Rendre injure pour injure. Il m’a fait un plaisir, je le lui ai bien rendu. Il m’a fait une cruelle offense, mais je le lui rendrai bien.
Dieu vous le rende. Expression de reconnaissance, dont se servent ceux à qui on donne l’aumône, ceux à qui l’on fait quelque petit présent, à qui l’on rend quelque bon office.
Rendre combat, rendre le combat, Résister à une attaque. L’armée ennemie s’enfuit à notre approche sans rendre combat, sans rendre le combat. Ces locutions ont vieilli.
Rendre, signifie encore, Faire recouvrer certaines choses dont on était privé, qu’on avait perdues, comme la santé, les forces du corps, etc. Rendre la santé, la vue, l’ouïe. Ce remède lui a rendu la vie. Ce régime lui rendra les forces. Rendre l’embonpoint. Rendre la parole, l’appétit. Rendre la liberté. Cet arrêt lui a rendu l’honneur. Cette nouvelle lui a rendu l’espoir, le courage, lui a rendu sa gaieté.
Fam. et par exagérat., Vous me rendez la vie, Vous me tirez de peine, je vous ai une obligation extrême.
Rendre, se dit quelquefois en parlant Des personnes, dans une acception à peu près semblable, et signifie, Les faire rentrer en possession d’une chose dont elles étaient privées, ou à laquelle elles avaient renoncé. Il vient d’être rendu à la liberté. Cela vous rend à l’honneur. Vos conseils le rendront à la vertu. Ce remède peut le rendre à p. 620la vie. On l’a rendu à la société. Je l’ai rendu à son état, qu’il avait abandonné. On dit dans un sens analogue, Cela le rendit à lui-même, Cela fit cesser l’illusion, la prévention, etc., qui troublait, qui égarait sa raison, et qui l’empêchait de juger sainement.
Rendre, signifie aussi, Faire devenir ; être cause qu’une personne, qu’une chose devient ce qu’elle n’était pas auparavant. Sa vertu l’a rendu illustre. Sa probité l’a rendu l’arbitre de tous ses voisins. Cette action l’a rendu odieux. Ses victoires l’ont rendu maître d’un vaste pays. Il a rendu sa mort glorieuse. La parure la rend plus belle. Le malheur l’a rendu sage. Cet accident l’a rendue sourde. Elle se sert d’une pommade qui rend le teint uni. Le rouge et le blanc dont cette femme se sert, la rendent affreuse. L’exercice rend le corps plus vigoureux. Le commerce rend un pays florissant. Rendre un chemin praticable, une rivière navigable.
Il s’emploie dans le même sens avec le pronom personnel, et signifie, Devenir, avec ou sans intention, mais par son propre fait. Il veut se rendre agréable, nécessaire. Il s’est rendu odieux, méprisable, ridicule, par sa conduite, par ses manières. Ce prince s’est rendu redoutable à tous ses voisins. Il ne faut pas se rendre si familier, si facile. À force d’excès, il s’est rendu malade. Nous devons travailler sans cesse à nous rendre maîtres de nos passions. Les ennemis se sont rendus maîtres de la place. Se rendre maître de l’esprit de quelqu’un.
En termes de Jurispr., Se rendre partie contre quelqu’un, Se déclarer partie contre quelqu’un. La veuve s’est rendue partie civile contre les meurtriers de son mari.
Se rendre catholique, se rendre ermite, Se faire catholique, se faire ermite.
Rendre, signifie aussi, Produire, rapporter. Il y a de bonnes terres qui rendent près de deux cents gerbes par arpent. Un grain de blé en rend quelquefois plus de soixante. Sa terre lui rend dix mille francs par an. L’argent qu’il a mis à fonds perdu, lui rend dix pour cent. Les gerbes rendent beaucoup cette année. Cette affaire, ce métier rend peu, rend beaucoup. Ce commerce ne rend pas, ne rend rien.
Ce fermier rend tant de sa ferme, Il en paye tant.
Cette orange rend beaucoup de jus, Il en sort beaucoup de jus quand on la presse. Cette viande rend beaucoup de jus, Il en sort beaucoup de jus quand on la coupe. Cette volaille a rendu beaucoup de graisse, Il en a dégoutté beaucoup de graisse quand on l’a fait cuire.
Cette fleur rend une odeur agréable, Il s’en exhale une agréable odeur. Cet instrument rend un son harmonieux, Il en sort des sons harmonieux quand on en joue.
Absol., Cette raquette rend bien, rend mal, Elle est bien ou mal tendue, elle renvoie fortement ou faiblement la balle.
Rendre, se dit encore en parlant De ce que le corps rejette par les voies naturelles ou autrement. Rendre un remède. Rendre une médecine, un vomitif. Rendre de la bile. Rendre par haut et par bas. Rendre un aliment comme on l’a pris. Il rend le sang par le nez. On lui perça un abcès qui rendit quantité de pus.
Absol., Cette plaie, ce cautère commence à rendre, rend beaucoup, Il en sort de la matière, du pus.
Fig. et pop., C’est un homme qui a bon cœur, il ne rend rien, Il ne rend jamais ce qu’on lui prête.
Pop., Rendre gorge, Vomir après avoir trop bu ou trop mangé. Il signifie, figurément et familièrement, Restituer par force ce qu’on a pris, ce qu’on a acquis par des voies illicites. On lui a fait rendre gorge.
Fig., Rendre l’esprit, rendre l’âme, rendre le dernier soupir, les derniers soupirs, Mourir, expirer.
Rendre, signifie quelquefois, Représenter, exprimer. Cette copie ne rend pas bien l’original. Une glace qui rend nettement les objets. Ce portrait rend bien votre figure, vous rend bien. Ce mot rend mal votre pensée, votre idée. Rendre nettement, clairement, vivement sa pensée. Je ne saurais rendre, vous rendre à quel point j’ai souffert, combien je suis touché de votre procédé.
Rendre témoignage, Témoigner.
Rendre un arrêt, une sentence, Prononcer un arrêt, une sentence. Rendre des oracles, Prononcer des oracles.
Rendre la justice, Exercer, administrer la justice. Les tribunaux sont institués pour rendre la justice.
Rendre justice à quelqu’un, Reconnaître son mérite, ses droits. Le public lui rend enfin justice. Tout le monde rend justice à son mérite. On dit dans un sens analogue : C’est une justice à lui rendre. Il faut lui rendre cette justice.
Rendre raison, Expliquer pourquoi on fait quelque chose, pourquoi quelque chose est ou se fait. Rendez-moi raison de votre conduite, de votre procédé. Il y a des phénomènes, dans la nature, dont on ne peut rendre raison.
Rendre raison à quelqu’un, Se battre en duel avec lui pour réparation d’une offense. Il faudra bien qu’il me rende raison de cette insulte. De quoi se plaint-il ? je lui ai rendu raison. Je suis prêt à lui rendre raison quand il voudra.
Rendre compte d’une chose, La détailler, en donner l’explication. Rendre compte d’un événement. Rendre compte de sa gestion. Rendre un compte détaillé de sa gestion. Rendre ses comptes. On dit aussi, Se rendre compte à soi-même de quelque chose, Réfléchir sur la chose dont il s’agit, de manière à la bien connaître.
Rendre, signifie aussi, Traduire. Il a mal rendu le sens de son auteur. Rendre un passage mot à mot. Cherchez à rendre le sens plutôt qu’à traduire chaque mot.
Il signifie également, Répéter. L’écho rend les sons, rend les paroles. Il n’a pas rendu fidèlement ce que j’avais dit. Il ne vous a pas bien rendu ce que je l’avais chargé de vous dire. Je vous rends son discours mot pour mot.
Rendre, signifie en outre, Aboutir ; et, dans cette acception, il est neutre. Ce chemin rend à tel hameau, à tel village.
Il s’emploie plus ordinairement, dans le même sens, avec le pronom personnel. Où se rend ce chemin-là ? Les fleuves se rendent à la mer. Le sang se rend au cœur.
Se rendre en quelque endroit, lorsqu’il s’agit Des personnes, signifie, Se transporter en quelque endroit, y aller. Il se rendra à Lyon tel jour. Les troupes se rendirent sur la frontière à la fin de mai. Si vous voulez vous rendre en tel endroit, vous m’y trouverez. Je me rendrai auprès de vous. Se rendre à son régiment. Se rendre à son bord. Se rendre à son drapeau. Se rendre à l’assignation. Se rendre à l’heure indiquée. Se rendre à point nommé. Se rendre à son poste. Se rendre à une invitation. Se rendre aux ordres d’un chef, d’un supérieur. Par formule de politesse, Je me rends à vos ordres.
Se rendre à son devoir, Se rendre au lieu où le devoir appelle. Se rendre à son devoir, se dit aussi De quelqu’un qui se réforme. qui cède à l’empire de la raison. Mon fils, quand vous rendrez-vous à votre devoir ?
Rendre, signifie aussi, Livrer, céder. Le gouverneur se vit forcé de rendre la place après la seconde attaque. Il terrassa son ennemi, et le força à lui rendre l’épée, à lui rendre les armes, à rendre les armes.
Fig., Rendre les armes, S’avouer vaincu dans une contestation, dans une discussion.
En termes de Manége, Rendre la bride à son cheval, La tenir moins haute, moins ferme. Rendez tout à fait la bride. On dit aussi, Rendre la main à un cheval, Lui lâcher un peu la bride.
Rendre, signifie pareillement, avec le pronom personnel, Céder, se mettre au pouvoir, se soumettre. Les assiégés ne voulurent point se rendre. La citadelle ne s’est rendue qu’à la dernière extrémité. Se rendre aux ennemis. Se rendre prisonnier de guerre. Ils se sont rendus sans coup férir. La garnison s’est rendue à discrétion. Se rendre à la raison, à l’évidence, à l’autorité, à des raisons, à des prières. Cette femme s’est rendue à ses désirs.
Je me rends, se dit Lorsque, dans une discussion, on finit par céder. Il ne se rend jamais, C’est un opiniâtre, un entêté qui ne cède jamais.
Rendre, avec le pronom personnel, signifie aussi, N’en pouvoir plus. Je ne puis plus boire ni manger, je me rends. Il ne peut plus marcher, il se rend. Quoi ! vous vous rendez déjà ?
Ce cheval se rend, Il ne peut plus avancer, il est outré à force d’avoir marché ou d’avoir travaillé. Cela se dit aussi D’un cheval qui finit par obéir, après quelque résistance.
Rendu, ue. participe. Le vin de Bourgogne coûte tant, rendu à Paris, Voituré à Paris.
Prov., Fille qui chante et ville qui parlemente, sont à demi rendues.
Compte rendu, Exposé ou récit de certains faits particuliers. Compte rendu de l’état des finances, de la statistique criminelle. Compte rendu des séances d’une assemblée législative. Etc.
Cet homme, cet animal est rendu, Il est las, fatigué, outré, il ne peut plus marcher. Je suis rendu, je ne saurais aller plus loin.
Rendu, signifie quelquefois, Arrivé où l’on voulait aller. Il n’y a plus qu’un petit quart de lieue d’ici chez nous, nous voilà bientôt rendus.
Rendu, est aussi substantif, et se dit d’Un soldat d’une armée ennemie qui se rend à l’autre. On apprit, par les rendus, que… Il est vieux.
p. 621Fig. et fam., C’est un rendu, se dit en parlant D’un tour qu’on vient de jouer à quelqu’un, et qui vaut bien celui qu’il a fait auparavant. On dit dans le même sens, C’est un prêté rendu.
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