à

8e édition

À.

préposition.
■  Lorsque À précède l’article masculin suivi d’une consonne ou d’un h aspiré, il se contracte en au. Il fait au pluriel aux. Il exprime cinq rapports différents :
1° Possession ;
2° Tendance, direction vers un lieu, vers un objet ;
3° Situation, manière d’être ;
4° Provenance ;
5° Espèce, qualité.
Il a en outre un grand nombre de significations diverses.

I.

I. À sert à marquer Possession, appartenance.
Ce livre est à ma sœur. Cette ferme appartient à mon père. Avoir une maison à soi. Rendez à César ce qui est à César. Il a un style, une manière à lui. C’est un homme de mérite, un ami à moi, que je vous recommande vivement.
Quelquefois il forme avec son complément une sorte de pléonasme qui donne plus de force à l’idée de possession. C’est mon opinion, à moi. Sa manie, à lui, c’est de croire que… Votre devoir, à tous, est de lui obéir.
C’est à vous à parler, Votre tour de parler est venu. On dit aussi C’est à vous de parler, C’est à vous qu’il convient de parler.

II.

II. À sert à marquer Tendance ou Direction.
Aller à Rome, à l’église, à l’armée. Marcher à l’autel. Arriver à bord. Il vient à nous. Envoyer à l’école. Tourner à droite, à gauche. Retourner à la ville. Rentrer au logis. Un voyage à Naples, à la campagne. La route de Paris à Versailles. Mettre pied à terre. S’élancer au plus fort de la mêlée. Revenir à la charge. Se mêler à la foule. Conduire un homme au supplice, à la mort. Atteler à la charrue. Tendre les mains au ciel. Se prosterner aux genoux de quelqu’un. Ils se prirent aux cheveux. Jeter au feu. Atteindre au but. Quelquefois on l’unit à la préposition jusque, qui marque plus précisément le Terme ou le but. J’irai jusqu’à tel endroit.
En ce sens, il s’emploie Devant les noms. Écrire à son ami. Obéir aux lois. L’obéissance, la soumission aux lois. Renvoyer une affaire au lendemain. Atteindre à la perfection. En venir à des injures. Pousser à bout. Réduire au tiers. Servir à tel usage. Tirer à sa fin. Tourner à la louange de quelqu’un. Toutes nos actions doivent tendre à la gloire de Dieu. Boire à la santé de quelqu’un. – Devant les infinitifs. Il demande à sortir. Il aime à lire et à écrire. Il vise, il tend à vous supplanter. Il aspire à vous plaire. Je parvins à le persuader. Quel empressement à le servir ! Il s’est abaissé à le prier, jusqu’à le prier. Elle s’est emportée à lui dire, jusqu’à lui dire que.... Tous s’accordent à le louer. Je me décidai à partir. J’aviserai à le faire. Inviter à dîner. Obliger à fuir.
Il désigne la Destination, l’usage. Avec un nom. Terre à blé. Marché à la volaille. Moulin à farine, à poudre, à papier. Cuiller à pot, à soupe, à café. Pot à l’eau. Bouteille à l’encre. Boîte à thé. Sac à ouvrage. Plat à barbe. Pierre à fusil. – Avec un infinitif. Fille à marier. Maître à danser, à chanter. Bois à brûler. Tabac à fumer. Maison à vendre, à louer. Verre à boire. Table à jouer. Chambre à coucher. Fer à repasser. Pierre à aiguiser. On peut rapporter à cette acception les phrases telles que : Prendre quelqu’un à témoin, Invoquer son témoignage ; Prendre à tâche, S’attacher à faire une chose, ne perdre aucune occasion de la faire ; Tenir à honneur, à injure, Regarder comme un honneur, comme une injure.
Il sert particulièrement à former le complément d’attribution de certains verbes transitifs. Donner une bague à quelqu’un. J’ai prêté ce livre à mon frère. Enseigner la géographie à un enfant. Dire un mot, faire un salut à quelqu’un. Par extension, À forme le complément d’objet indirect de quelques verbes transitifs comme Nuire à autrui. Obéir à quelqu’un. Il aime à écrire. Il demande à sortir.
Dans certaines phrases elliptiques, À marque Consécration, dédicace, envoi à une personne. À Dieu très bon et très grand. Au Dieu inconnu. Aux dieux lares. Aux grands hommes la patrie reconnaissante. Un tel à un tel, salut. Hymne à Vénus. Épître de Boileau à Racine. C’est dans ce sens qu’on l’emploie encore aujourd’hui pour la suscription ou l’adresse de certaines lettres, À Monsieur le Ministre des Finances.... À Monsieur le Directeur de l’Assistance publique....
Quelques autres phrases elliptiques offrent un emploi analogue de la même préposition. Honneur aux braves ! Gloire à Dieu dans le ciel, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! Malheur aux vaincus ! Haine à la tyrannie ! Honte à la bassesse, à la lâcheté !
On doit rapporter encore à cet emploi de À certaines phrases elliptiques exprimant un Appel, un avertissement bref, une imprécation, un souhait, etc. À moi ! À nous ! Au feu ! Au voleur ! À l’assassin ! Au secours ! À la garde ! Aux armes ! À bas ! À l’eau ! Au diable ! À d’autres ! À votre santé ! À votre aise ! À revoir ! Au revoir !

III.

III. À sert à marquer la Situation, la manière d’être, pour le lieu ou pour le temps.
Nous habitons à l’entrée du bois, au bord de la rivière. Sa maison est au faubourg Saint-Germain. À portée de fusil. Être à sa place. Demeurer à Paris. Vivre au fond des forêts. Mourir à l’étranger. À l’intérieur des villes. Manger à l’auberge. Il y avait beaucoup de monde à ce bal. Elle a passé la matinée à l’église. Passer l’été à la campagne. Être au jeu, à la p. 2parade, etc. Au couchant, au levant, etc. Être au-dessus, au-dessous, au bas, au haut, etc. Restez à ses côtés, à côté d’elle. Il est à nos trousses. L’argent à la main. L’épée au côté. Les larmes aux yeux. Le diadème au front. Sentir une douleur au côté. Avoir une blessure à l’épaule, à la cuisse. Marquer au front. Ils se parlaient à l’oreille. S’arrêter à chaque pas. Se prendre au piège. Être consigné à la porte. Notaire à Paris, fabricant à Lyon.
À la face, à la vue de l’ennemi, En présence même de l’ennemi. On dit en des sens analogues Il fut battu aux yeux de la foule. La chose s’est faite au vu et au su de tout le monde. À son nez et à sa barbe. Au grand jour. À la face du soleil. Coucher à la belle étoile. À genoux. À pieds joints. À tâtons. À reculons. Attacher, fixer à la muraille, atteler à la charrue. Saisir quelqu’un aux cheveux, aux oreilles, à l’épaule. À regret. À dessein. À toute force. À tort ou à raison. Il pleut à verse. À feu et à sang. À l’abri. À la française.
Il sert à désigner l’Institution, l’établissement auquel une personne est attachée. Conseiller à la Cour de cassation. Avocat à la Cour d’appel de Paris. Professeur au Collège de France.
À s’emploie dans quelques locutions elliptiques servant à désigner par son enseigne un Hôtel, un magasin. Au Cheval blanc. À la Boule d’or. Au Gagne-petit.
À s’emploie lorsqu’on veut indiquer le Temps, l’époque, la circonstance. Au commencement de l’été. À la fin du mois. Au jour indiqué. À l’aube du jour. Au matin. Au soir. Se lever à six heures. Rentrer à une heure indue. Nous arrivâmes à la même heure. Je l’attends à tout moment, à toute heure. À l’heure qu’il est. Tout à l’heure. À présent. Au temps où nous sommes. Il mourut à l’âge de quatorze ans, à quatorze ans. Il fut tué au siège de telle place. Je le ferai à mon premier loisir. On l’accueillit fort bien à son arrivée. À l’instant où j’allais sortir, il vint chez moi. On dit elliptiquement, dans un sens analogue, à une personne que l’on quitte, À demain, à ce soir, à dimanche, etc.
Il sert encore, dans quelques locutions, à déterminer un Espace de temps, une durée. Payer au mois. Louer à l’année. Travailler à la journée. Pension à vie. Rente à perpétuité. À jamais. À la vie et à la mort. À la longue, tout s’use.
Il s’emploie pour désigner le Rapport de deux faits entre eux. À ma mort, il héritera de cette maison. Au premier coup de canon, la ville capitula. À la troisième sommation, ils se retirèrent. Partir au premier signal. On accourut à ses cris.

IV.

IV. À marque la Provenance.
Puiser de l’eau à une fontaine. Prendre à un tas. La poésie grecque commence à Homère. Les Latins ont beaucoup emprunté aux Grecs.
Il peut désigner par suite Ce qu’on détache de quelqu’un ou de quelque chose. Ôter ses vêtements à quelqu’un. Enlever la ville aux ennemis.

V.

V. À marque encore l’espèce, la qualité caractéristique.
Vache à lait. Canne à sucre. Instrument à cordes. Machine à vapeur.
Indépendamment de ces significations générales, À en a beaucoup d’autres, qui forment des idiotismes, et dont on ne peut énumérer que les plus importantes.
À, suivi d’un infinitif, prend des sens très différents. À le voir, on juge de son état, En le voyant, etc. À ne considérer que telle chose, En ne considérant que telle chose ou Si on ne considère que. À le bien prendre. À tout prendre. À voir les choses de sang-froid. À compter de ce jour. À partir de telle époque. Facile à dire. Bon à manger.
À l’en croire, à l’entendre, etc., S’il faut l’en croire, etc.
À dire la vérité, à vrai dire, à parler franc, à ne rien dissimuler, etc., Pour dire la vérité, etc.
Vin à boire, Vin bon à boire. C’est un ouvrage à recommencer, Qu’il faut recommencer. C’est un avis à suivre, Qu’il faut suivre. C’est un homme à récompenser. Il en est plus à craindre. Il n’en est que plus à estimer. C’est un homme à pendre. C’est un livre non seulement à lire, mais à relire souvent. On dit dans un sens analogue Vous n’avez qu’à parler, qu’à vouloir, etc. C’est une affaire à vous perdre, Qui pourra vous perdre. C’est un procès à ne jamais finir. C’est un conte à dormir debout, Qui pourrait faire dormir debout. Il est homme à se fâcher, Capable de se fâcher. Cela n’est pas à dédaigner, Cela n’est pas méprisable. Cette place est à prendre. Je suis encore à savoir comment.... J’ignore comment....
Devant un infinitif, il peut quelquefois s’expliquer par De quoi. Verser à boire. Il n’a pas à manger. Il ne trouve pas à s’occuper. Il y aurait à craindre. Trouver à redire. Il n’y a pas à balancer. On dit dans un sens analogue Le temps que j’ai à vivre, Pendant lequel je dois vivre. L’argent que j’ai à dépenser, Que je puis ou que je dois dépenser. N’avoir rien à répliquer, ne trouver rien à répondre.
Il se place encore devant l’infinitif des verbes, dans divers autres sens. Ainsi on dit Je suis ici à l’attendre.
À, suivi d’un nom, signifie Au prix de. Dîner à trente francs par tête. Emprunter à gros intérêts. Placer ses fonds à cinq pour cent. Les places sont à dix francs. Acheter du drap à vingt francs le mètre. Vendre à bon compte. Donner une marchandise à vil prix, à bon marché, etc. Vivre à peu de frais.
De telle ou telle façon. Aller à la débandade. À la hâte. À l’improviste. À merveille. À la légère. À la diable, etc.
Au moyen de. Pêcher à la ligne. Jouer à la paume. Se battre à l’épée, au pistolet. Mesurer à l’aune, au mètre. Dessiner à la plume. Tracer au crayon, au compas. Travailler à l’aiguille. On dit de même par ellipse Des bas à l’aiguille, au métier, etc.
Selon, suivant. À mon gré. À sa fantaisie. À sa manière. À mon choix. À votre avis. À ma gauche. À leur jugement. Chapeau à la mode. Habit à ma taille. Parler à son tour. Marcher à son rang. À la rigueur, on pourrait admettre cette opinion. À votre compte, je serais votre débiteur. À ce que je crois, vous voulez partir. Boire à sa soif. Manger à sa faim. Dieu fit l’homme à son image. Il voulut, à l’exemple de son père.... À la vérité, à plus forte raison, etc.
Jusqu’à. Il est amoureux à la folie. Je suis malade à garder le lit. On dit aussi avec un infinitif Souffrir à crier.
Avec. Table à tiroir. Canne à épée. Voiture à deux roues. Clou à crochet.
Contre. Dos à dos. Corps à corps. Face à face.
Quelquefois il se rapproche de la signification d’Après. Goutte à goutte, une Goutte après l’autre. Démonter une pendule pièce à pièce. Pas à pas. Mot à mot. Sou à sou. Peu à peu. Deux à deux.
Il s’emploie quelquefois quand on veut exprimer un Nombre approximatif. Cinq à six lieues. Vingt à trente personnes. Quinze à vingt francs.
À suivi d’un nom de nombre, indique une action faite conjointement par deux ou plusieurs personnes. Louer une maison à trois. Être à deux de jeu.
Quelquefois À, devant le relatif qui, sert à former des locutions elliptiques qui expriment une Sorte de rivalité, de concurrence. Ils dansaient à qui mieux mieux. C’est à qui ne partira point. Tirons à qui fera, à qui jouera le premier. Ils s’empressaient à qui lui plairait davantage. Disputer à qui obtiendra une faveur.
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