sentir

7e édition

SENTIR.

v. a. Conjugaison : (Je sens, tu sens, il sent ; nous sentons, etc. Je sentais. Je sentis. Je sentirai. Que je sente. Etc.)
■  Recevoir quelque impression par le moyen des sens ; éprouver en soi quelque chose d’agréable ou de pénible. Sentir le chaud, le froid. Le froid se fait sentir. Sentir un frais agréable. Sentir une chaleur douce. Sentez-vous la fraîcheur de ce marbre ? Sentir une odeur agréable. Sentez-vous dans cette sauce le goût de champignon ? Je sentais battre mon cœur. Quand on est bien las, on sent un grand plaisir à se reposer. Sentir la faim, la soif. Sentir une grande douleur de tête. Sentir une pesanteur dans le bras. Sentir des inquiétudes dans les jambes. Il ne se dit point Des simples perceptions de la vue et de l’ouïe.
Il s’emploie aussi absolument. La faculté de sentir.
Sentir, se dit également en parlant Des différentes affections que l’âme éprouve. Il a senti une grande joie de la nouvelle qu’il a reçue. Il a senti une grande affliction de la mort de son fils. Il a senti un grand déplaisir du passe-droit qu’on lui a fait. Il sentait du plaisir à se sacrifier pour elle. Je sens pour lui une aversion insurmontable. Je sens le besoin d’être utile aux autres. Il n’a jamais senti aucun remords. Son cœur ne sent rien encore.
Il signifie de même, Être ému, touché, affecté de quelque chose d’extérieur. Il sent comme il doit le bien qu’on lui fait. C’est un homme qui sent les moindres plaisirs qu’on lui fait. Il ne sent point les affronts. Il ne sent point la perte qu’il a faite. Je sens toute l’horreur de votre situation. Vous ne sentez pas votre bonheur. Il sent les douceurs de l’amitié, les charmes de la retraite. On raisonne mal sur les choses qu’il ne faut que sentir.
Sentir quelque chose pour quelqu’un, L’aimer, être disposé à l’aimer. Je ne sens rien pour elle. Elle ne sent rien pour lui. Il est quelquefois dangereux de laisser voir aux enfants tout ce qu’on sent pour eux. Ce que je sens pour lui ne saurait s’exprimer.
Sentir, signifie aussi, Flairer. Sentir une rose. Sentir une tubéreuse. Quand il sent des parfums, il se trouve mal. Il est enrhumé, il ne sent rien.
Fig. et fam., Je ne puis pas sentir cet homme-là, J’ai pour lui beaucoup de répugnance, d’aversion. On dit mieux, Je ne puis souffrir cet homme-là.
Sentir, signifie aussi, Exhaler, répandre une certaine odeur. Cela sent le brûlé. Cela sent la fleur d’oranger. Sentir le renfermé. Sentir le relent. Sentir la rose, le serpolet, le sauvagin. Dans cette acception, on l’emploie souvent comme neutre. Cela sent bon, sent mauvais. Cela sent trop fort. Cela ne sent rien.
Il se dit quelquefois absolument, et signifie alors, Sentir mauvais. Fi ! que cela sent ! Son haleine sent. Ses pieds sentent. Cette viande commence à sentir. On dit de même, Sentir des pieds, des aisselles, de la bouche.
Impersonnellement, Il sent bon, il sent mauvais, il sent le brûlé dans cette chambre, Il y a ici une bonne, une mauvaise odeur, une odeur de brûlé.
Sentir, se dit, dans un sens analogue, Du goût, de la saveur d’un aliment ou d’une boisson. Cette soupe ne sent rien. Cette eau sent la terre. Cette carpe sent la bourbe. Ce vin sent la framboise, sent le fût, sent le terroir, sent un goût. Ce cidre sent le pourri.
Fig. et fam., Cela ne sent pas bon, se dit D’une affaire qui prend une mauvaise tournure, qui peut avoir des suites fâcheuses.
Fig., Cet homme sent le terroir, Il a les défauts qu’on attribue aux gens du pays d’où il est. Sentir le terroir, se dit de même Des ouvrages d’esprit, quand ils ont les défauts qu’on peut attribuer aux habitudes du pays où l’auteur a vécu.
Fig. et fam., Cette chanson sent le corps de garde, se dit D’une chanson libre ou grossière.
Fig. et fam., Cette action sent le gibet, la roue, la hart, les coups de bâton, Celui qui l’a commise court risque d’être pendu, roué, bâtonné.
Fig., Cet ouvrage sent l’huile, sent la lampe, Il paraît avoir coûté beaucoup de veilles, beaucoup de travail à son auteur.
Prov. et fig., Cet homme sent le fagot, Il est soupçonné d’hérésie, d’impiété. On dit dans un sens analogue, Cet écrit, ces vers sentent, sentent bien le fagot.
Prov. et fig., Cet homme sent le sapin, Il est malsain, infirme, et il a la mine de mourir bientôt. On dit aussi, La toux de cet homme, sa phtisie, son asthme sent le sapin.
Prov. et fig., La caque sent toujours le hareng, se dit en parlant De ceux qui, par quelque action ou par quelque parole, font voir qu’ils retiennent encore quelque chose de la bassesse de leur origine, ou des mauvaises impressions qu’ils ont reçues. Ce parvenu joue l’homme de qualité, mais la caque sent toujours le hareng. Il était hérétique, il s’est converti par intérêt ; mais la caque sent toujours le hareng.
Sentir, signifie au figuré, Avoir les qualités, les manières, l’air, l’apparence de. Il sent l’enfant de bonne maison. Il sent son enfant de bonne maison. Il sent l’homme de qualité, son homme de qualité. Cette action-là ne sent point l’honnête homme, son honnête homme. Cette proposition sent l’hérésie. Tout dans cette maison sent la richesse et le luxe. Tout sent ici la joie et le bonheur.
Prov., Cet homme, ce valet sent le vieux battu, sent son vieux battu, Il est devenu insolent, négligent, parce qu’il n’a pas été châtié depuis longtemps. Cette phrase a vieilli.
Sentir, signifie quelquefois, S’apercevoir, connaître. Je sens bien qu’on me trompe. Je sentais bien qu’on n’y allait pas de bonne foi. Il sentait bien qu’on ne le croyait plus. On sent dans ces vers quelque chose de dur, de négligé. Il sent son ignorance. Il sent bien ses forces. Il sent sa force. Je ne me sentais pas la force de lui en dire davantage. Il sent tous ses torts. Je sens toute la difficulté de cette entreprise. Je sens le prix de ce que vous faites pour moi. Il a senti tout le néant des grandeurs. Je me sens assez de courage pour l’attaquer. Je sentis renaître ma colère. Il sentira, je lui ferai sentir ma colère, les effets de ma colère, de mon ressentiment, etc.
Je le sentis venir de loin, Je connus, je pénétrai où il en voulait venir.
Sentir de loin, Découvrir, prévoir les choses de loin.
Sentir, avec le pronom personnel, signifie, au sens physique et au sens moral, Connaître, sentir en quel état, en quelle disposition on est. Je me sens bien, je ne suis pas si malade qu’on croit. Je me sens faible. Je me sens trop faible pour cela. Il ne se sentit pas mourir. Il est si engourdi, qu’il ne se sent pas. Il ne se sent pas de froid. Je me sens tout autre depuis que j’ai pris ce parti. Je ne me sens pas fait pour servir, pour être esclave. Je me sens tout soulagé, tout consolé.
Il ne se sent pas de joie, il ne se sent pas d’aise, Il est si pénétré, si occupé de sa joie, qu’elle lui ôte tout autre sentiment. On dit de même, Il est si ravi, il a tant de joie, qu’il ne se sent pas.
Se sentir, se bien sentir, Connaître bien les qualités, les forces, les ressources qu’on a, ou ce que l’on a droit d’exiger à raison de son rang, de son mérite. Il se sentait bien, quand il a entrepris une affaire si difficile. On a voulu le décourager ; mais il se sent, et il persévère. Cet homme se sent, il ne souffrira pas qu’on manque à ce qu’on lui doit.
Ce jeune homme, cette jeune fille commence à se sentir, Commence à éprouver les premières impressions de la puberté.
Se sentir de quelque chose, Sentir, éprouver quelque chose. Depuis quand commence-t-il à se sentir de la goutte ? Il ne se sent point des incommodités de la vieillesse.
Se sentir de quelque mal, de quelque bien, En avoir quelque reste. Il a eu une fièvre quarte dont il se sent encore. Il fit une grande chute, il s’en sentira toujours. Il se sentira longtemps de cette blessure. Il a fait une grande perte au jeu, il s’en sentira longtemps. Ce pays se sent encore de la guerre. Le père a fait de grandes imprudences, les enfants s’en sentent encore. Quoiqu’il habite depuis longtemps Paris, il se sent toujours de la province. Il se sent d’avoir bu, d’avoir trop couru. Il signifie aussi, Avoir part au bien ou au mal. S’il y a du bien ou du mal, il s’en sentira. On a donné tant pour les domestiques : il faut le distribuer entre tous, afin que chacun s’en sente.
Senti, ie. part. passé.
Cela est bien senti, cela est senti, se dit quelquefois, en Littérature et dans les Arts, De ce qui est rendu, exprimé avec vérité, avec âme.
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