raison

RAISON

nom féminin
Étymologie : xe siècle. Issu du latin ratio, « calcul, évaluation », puis « argumentation, raisonnement ; raison ».

I.

I. Faculté par laquelle l’homme connaît, juge et agit.
1.  Faculté de penser en général ; capacité qu’a l’homme d’ordonner ses pensées de façon universelle et nécessaire, d’associer des notions ou des faits de manière à en tirer des concepts, des démonstrations, des preuves. L’homme est doué de raison, capable de raison. Les lumières, les pouvoirs de la raison. Les bornes, les limites de la raison. Le libre exercice de la raison. Ces vérités passent la raison. Les penseurs médiévaux ont établi la distinction de la raison et de la foi. Le culte de la raison, de la déesse Raison, que firent adopter les hébertistes en 1793 et que Robespierre combattit, notamment en instituant le culte de l’Être suprême.
▪  Marque de domaine : philosophie. Raison naturelle, dans la philosophie classique, désigne la faculté de penser telle qu’elle s’exerce lorsqu’elle n’est pas éclairée par les lumières de la foi. Raison intuitive, qui procède par une saisie immédiate de l’essence des choses, par opposition à Raison discursive ou raison raisonnante, qui opère par une suite logique de raisonnements, de preuves. Dans les « Règles pour la direction de l’esprit », Descartes oppose la raison intuitive et la raison discursive. Être de raison, être abstrait créé par l’esprit pour les besoins de la démonstration ou, péj., être imaginaire, par opposition à Être de nature. Dans la philosophie de Kant. Raison pure théorique ou, plus souvent, raison pure, qui s’applique à la seule connaissance, par opposition à Raison pure pratique ou, plus souvent, raison pratique, qui s’applique à l’action morale. Les Idées de la raison pure. Les paralogismes, les antinomies, l’idéal de la raison pure. Les postulats de la raison pratique.
  Titres célèbres : Critique de la raison pure (1781) et Critique de la raison pratique (1788), d’Emmanuel Kant ; Critique de la raison dialectique, de Jean-Paul Sartre (1960).
2.  Ensemble des facultés intellectuelles, des capacités mentales d’une personne. Cultiver, former sa raison. Nietzsche espérait l’avènement de « la grande raison ». Sa raison s’affermit, chancelle, s’égare. Il n’a plus toute sa raison. Il a recouvré la raison. Expr. Perdre la raison, devenir fou ou, par exagération, adopter une conduite ou un point de vue contraires à la mesure, au bon sens. Laisser sa raison au fond d’une bouteille, boire du vin jusqu’à s’enivrer.
▪  Par extension. Le bon usage de ces facultés ; bon sens, discernement. La raison et les passions. Il a suivi la voix de la raison. La raison commande d’accepter. C’est aller contre la raison. Sa réponse est contraire à la raison, à la droite raison, à la logique. Il a plus de cœur que de raison. Loc. L’âge de raison, l’âge de sept ans, à partir duquel un enfant est censé comprendre la portée de ses actes, distinguer le bien du mal. Mariage de raison, où les considérations de naissance et de fortune sont prépondérantes (on dit aussi Mariage de convenance).
▪  Expr. proverbiale. Il faut savoir raison garder, conserver la mesure, ne pas exagérer.
  Titres célèbres : Raison et sentiments, de Jane Austen (1811) ; L’Âge de raison, de Jean-Paul Sartre, premier volume des Chemins de la liberté (1945).
3.  Par métonymie, dans un certain nombre de locutions et d’expressions. Pour désigner ce qui est conforme au bon sens, à la sagesse, ce qui ressortit à l’esprit de mesure, à l’équité. Se rendre à la raison. Ramener quelqu’un à la raison. C’est bien la raison, c’est la raison même qu’il réclame son dû. Juger contre droit et raison. Parler raison, voir Parler I. Avoir raison, être fondé à parler ou à agir ainsi qu’on le fait. Il a raison contre vous. Se demander si on a tort ou raison. Elle a eu raison de refuser cette offre, elle a eu raison en cela. Donner raison à quelqu’un, se prononcer en sa faveur ; par extension, se dit de ce qui prouve la justesse d’une analyse, d’une idée. La suite des évènements lui a donné raison. Entendre raison, acquiescer à ce qui paraît juste, raisonnable. N’avoir ni rime ni raison, être dépourvu de sens, de portée. N’entendre ni rime ni raison, refuser par entêtement de se rendre aux propositions les plus sages, les plus modérées. Contre toute raison, au mépris de la prudence élémentaire et, par extension, abusivement, indûment. Plus que de raison, avec excès, plus qu’il ne sied. Vous vous affligez plus que de raison. À tort ou à raison, en étant ou non fondé à agir ou à parler comme on le fait. À tort ou à raison, il est convaincu qu’on a voulu le tromper. Comme de raison, comme il est juste, comme il convient. À juste raison, de façon légitime, à bon droit.
▪  Pour évoquer la réparation d’un outrage, d’un affront (vieilli ou class.). Tirer raison de quelqu’un à la suite d’une offense. Demander raison à quelqu’un de quelque chose, en exiger réparation par les armes. Rendre raison à quelqu’un, se battre en duel contre lui, s’acquitter auprès de lui de sa dette d’honneur. Vous m’en rendrez raison ! Se faire raison soi-même, à soi-même, se faire justice soi-même, de sa propre autorité.
▪  Pour évoquer l’idée de domination. Mettre quelqu’un à la raison, le réduire par la force. Avoir raison de quelqu’un, vaincre sa résistance, l’emporter sur lui. Il a eu raison de son ennemi. L’adversité n’aura pas eu raison de lui. Fam. et vieilli. Faire raison, lever son verre et boire à la santé de qui vient de boire à la vôtre ; par extension, tenir tête à quelqu’un en buvant autant que lui.

II.

II. Cause, motif.
1.  Ce qui rend compte d’un fait, ce qui explique, justifie l’attitude d’une personne, détermine sa conduite. Pour quelle raison agissez-vous de la sorte ? J’ignore les raisons de son choix. Elle a sans doute ses raisons. Être animé d’impérieuses raisons. De bonnes, de mauvaises raisons. Ce n’est pas une raison pour renoncer. Il a démissionné pour raison ou raisons de santé. Il n’a aucune raison de se plaindre. Pour une raison ou pour une autre… Spécialement. Marque de domaine : politique. Raison d’État, principe au nom duquel un gouvernement subordonne la conduite des affaires publiques au seul intérêt supérieur de l’État, fût-ce à l’encontre de la loi. – Marque de domaine : philosophie. Raison suffisante, cause, motif qui suffit à expliquer pourquoi une chose existe, et existe telle qu’elle est. Selon Leibniz, le principe de raison suffisante édicte que rien n’arrive, ni fait existant, ni énoncé vrai, sans une raison qui suffise à expliquer pourquoi il en est ainsi et non pas autrement.
▪  Loc. Raison d’être, ce qui justifie, fonde l’existence d’une chose, d’une personne. À plus forte raison, a fortiori, plus encore. Raison de plus, se dit pour indiquer qu’un motif, un argument vient s’ajouter à d’autres. Pour raison de moi connue ou, vieilli, à moi connue, pour un motif que je préfère taire. Loc. prép. En raison de, en considération de, eu égard à, vu. En raison de son extrême jeunesse, l’accusé a bénéficié des circonstances atténuantes. Loc. conj. La raison pourquoi (vieilli), le motif pour lequel. Dans le langage juridique. Pour raison de quoi, à cause de quoi.
▪  Expr. fig. et fam. Se faire une raison, se résigner, admettre ce qu’on ne peut empêcher.
  Titre célèbre : De la quadruple racine du principe de raison suffisante, de Schopenhauer (1813).
2.  Argument que l’on avance à l’appui d’une opinion, pour défendre un point de vue, justifier une manière d’agir ou de penser ; fondement d’une affirmation, d’une démonstration. Une raison valable, plausible, spécieuse. Exposer, détailler ses raisons. Entrer dans les raisons de quelqu’un. Donnez-nous de meilleures raisons. Je me rends à vos raisons.
▪  Loc. Rendre raison de quelque chose, en justifier, en expliquer les motifs, les causes. Fam. et vieilli. Pas tant de raisons ! s’emploie pour imposer silence à qui multiplie les arguties, les objections.
▪  Expr. proverbiales. La raison du plus fort est toujours la meilleure, par allusion à la fable de La Fontaine « Le Loup et l’Agneau ». Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point, formule tirée des Pensées de Pascal.
▪  Prov. Comparaison n’est pas raison, une comparaison ne prouve rien, n’a pas de valeur démonstrative.

III.

III. Faculté de calculer ; rapport, proportion.
1.  Compte, calcul. Ne se rencontre plus guère que dans la locution vieillie Livre de raison, pour désigner le grand-livre d’un commerçant et, par extension, le journal tenu par le chef de famille, qui y consignait, avec ses comptes, les évènements de la vie familiale et des réflexions personnelles.
2.  Marque de domaine : commerce. Marque de domaine : droit. Part de chacun des associés dans le capital d’une maison de commerce, d’une entreprise (vieilli). Sa raison est d’un tiers, d’un cinquième. Dans l’expression Droits, noms, raisons et actions d’une personne, pour désigner les titres en vertu desquels on prétend à quelque chose, qu’on fait valoir en justice. Céder les droits, noms, raisons et actions de quelqu’un.
▪  Spécialement. Loc. Raison sociale, appellation qu’adoptent certaines sociétés de personnes, composée à partir du nom de l’ensemble des associés ou de certains d’entre eux (suivi, dans le dernier cas, de la mention « et compagnie »). « Balzac et Barbier » était la raison sociale de l’imprimerie fondée par Balzac en 1827. Changer de raison sociale.
3.  Marque de domaine : mathématiques. Rapport entre deux ou plusieurs quantités, proportion entre deux ou plusieurs grandeurs. Raison directe, raison inverse, voir Direct, Inverse. La raison d’une suite arithmétique, géométrique, le nombre constant qui permet d’obtenir chaque terme de la suite à partir du précédent, respectivement par addition ou par multiplication. 4 est la raison de la suite arithmétique 1, 5, 9, 13. La suite géométrique 1, 3, 9, 27 a pour raison 3.
4.  Loc. prép. À raison de ou, plus rarement, en raison de, en proportion de, en fonction de, suivant. Il sera payé à raison de la tâche qu’il aura accomplie, en raison du temps qu’il y aura mis.
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