porter

PORTER

conjugaison verbe transitif, intransitif et pronominal
Étymologie : xe siècle. Issu du latin portare, « transporter ; porter ; apporter ».

I.

I. Verbe transitif.
A.  Avoir avec soi ou sur soi, de manière temporaire ou permanente.
1.  Être chargé du poids d’un objet ou d’une personne ; soutenir, supporter un fardeau. Porter du bois. Aider quelqu’un à porter sa valise. Les demoiselles d’honneur portaient la traîne de la mariée. Porter une cruche en équilibre sur la tête. Atlas portait la voûte du ciel sur ses épaules. Porter un nourrisson dans ses bras. Énée s’enfuit de Troie en portant son père sur son dos. Il se faisait porter dans une litière. Un âne portant des sacs de blé. Ses jambes ne le portaient plus. Marque de domaine : militaire. Portez armes ! commandement enjoignant aux soldats de placer leur arme le long du corps, en soutenant la crosse ou la garde de la main gauche au niveau de la taille.
▪  Par analogie. Le balcon est porté par deux cariatides. Les poutres qui portent la toiture sont vermoulues. La glace de l’étang est assez solide pour porter les patineurs. Marque de domaine : marine. En parlant d’un bateau. Porter de la toile, avoir de nombreuses voiles sorties. Porter bien la toile, supporter beaucoup de voilure.
▪  Expr. Cette rivière porte bateau (vieilli), elle est navigable. Fig. Être porté par l’opinion, par les sondages, avoir la faveur, l’appui du plus grand nombre. Un acteur porté par son public. Porter quelqu’un, porter un projet, une entreprise à bout de bras, être son principal soutien. Le fort portant le faible ou l’un portant l’autre, toutes choses étant compensées, ce qui manque d’un côté étant suppléé de l’autre. Le fort portant le faible, ces vignes rapportent tant par an. Chacun porte sa croix, chacun a sa part de souffrances dans l’existence. Porter son cœur en écharpe, faire paraître avec ostentation ses chagrins, sa mélancolie. Ne pas porter quelqu’un dans son cœur, le détester. Porter le joug, être dominé, asservi par quelqu’un ou par quelque chose. Marque de domaine : vènerie. Porter la hotte, se dit d’un animal de chasse qui, sur ses fins, courbe le dos de fatigue.
▪  Fig. Supporter une chose pénible, qui peut être source d’embarras, d’inquiétude. Il porte seul le poids de l’entreprise. Porter la responsabilité d’un échec. Un secret trop lourd à porter. Expr. Il ne porte pas son âge, il porte bien son âge, il paraît plus jeune qu’il n’est. Porter bien son âge signifie aussi parfois Paraître plus que son âge. Vieilli. Porter bien le vin, pouvoir en boire une grande quantité sans s’enivrer. Porter la peine de quelque chose, en être entièrement responsable.
▪  Spécialement. En parlant de la femme et des femelles des mammifères. Être enceinte, être grosse. Porter un enfant. Absolument. Les juments portent onze mois. Fig. C’est l’homme le plus abominable que la terre ait jamais porté, qui ait jamais existé. Ce régime portait en lui les germes de la tyrannie. Par analogie. En parlant d’un végétal. Produire. Porter des fleurs, des fruits. Expr. fig. Porter ses fruits, avoir le résultat escompté. Sa persévérance a fini par porter ses fruits. En parlant d’une somme d’argent. Rapporter. Ce placement porte intérêt, porte de gros intérêts.
2.  Tenir, avoir sur soi. Porter un bouquet à la main. Porter un journal sous le bras. Les convoyeurs sont autorisés à porter une arme. En particulier. Mettre sur soi un vêtement, un élément de parure, un accessoire, ou revêtir, arborer l’insigne d’une fonction, d’un état, d’une dignité, etc. Porter une robe longue. Il ne porte que du noir. Prêt-à-porter, voir ce mot. Porter le calot sur l’oreille. Il porte souvent une fleur à la boutonnière. Porter un parfum léger. Porter un collier de perles. Porter une perruque ou porter perruque. Porter des lunettes. Les avocats, les juges, les médecins portaient autrefois un bonnet carré. Un général d’armée porte cinq étoiles. Porter la rosette de la Légion d’honneur. Pron. à valeur passive. L’habit se porte avec une cravate blanche.
▪  Loc. et expr. Porter la barbe, la moustache, les cheveux longs. Porter bien, mal la toilette, avec ou sans élégance. Il porte fort bien l’uniforme. Porter le deuil de quelqu’un, être vêtu de couleurs sombres pour honorer sa mémoire et, par extension, porter le deuil de quelque chose, manifester le regret qu’on a de sa perte. Porter la robe, la soutane, le froc, la livrée, etc., être magistrat, ecclésiastique, moine, laquais, etc. Porter les armes (vieilli), être soldat, servir dans l’armée. Porter les couleurs d’une équipe sportive, faire partie de cette équipe ou, par extension, de ceux qui la soutiennent. Fig. Porter haut les couleurs de son pays, défendre avec force son prestige, contribuer à son renom par son mérite, ses actions. Porter le chapeau (fam.), être désigné comme le responsable d’une erreur, d’une faute. Porter la culotte (fam.), se dit plaisamment d’une femme qui a plus d’autorité que son mari dans leur ménage. Cela est bien porté, mal porté, est de bon ton, de mauvais ton. Impers. Dans ce milieu, il est mal porté d’afficher cette opinion.
▪  Par extension. Pour introduire un nom, un titre. Dans le « Roman de Renart », le chat porte le nom de Tibert, l’ours celui de Brun. Elles portent le même prénom. Les califes portaient autrefois le titre de commandeur des croyants. Expr. Il porte bien son nom ! se dit, en manière de plaisanterie, d’une chose ou d’une personne dont le nom est en accord avec l’apparence, la profession ou avec un trait de caractère.
3.  Posséder, avoir par nature. L’abdomen de la guêpe porte un aiguillon. Le houx porte des feuilles lisses et piquantes.
▪  Prov. Il n’est si petit buisson qui ne porte son ombre, il n’est si petite chose qui ne puisse être de quelque utilité, ou il n’est si faible ennemi qui ne soit capable de faire du mal.
▪  En parlant d’une partie du corps que l’on tient naturellement dans une certaine position. Porter la tête haute ou porter haut la tête. Ce chien porte les oreilles droites, porte bien ses oreilles.
▪  Marque de domaine : vènerie. Porter quatre, six, dix, se dit d’un cerf qui a quatre, six ou dix andouillers. – Marque de domaine : équitation. Ce cheval porte le nez au vent, il lève la tête très haut. Ce cheval porte beau, il va la tête haute. Fig. Cet homme porte beau, il a un maintien élégant.
4.  Offrir, présenter à la vue ; faire paraître. Porter des marques de coup. Il porte le désespoir sur son visage. Ce document porte la mention « confidentiel ». Le fronton du monument porte une inscription latine.
▪  Fig. Cet ouvrage porte la marque de son talent. Cette perfidie porte sa griffe.
5.  Marque de domaine : droit. Marque de domaine : administration. En parlant d’actes officiels, d’écrits, etc. Déclarer, stipuler. L’ordonnance porte que… L’arrêt porte condamnation. Il est porté par ledit contrat que… Les peines portées par la loi.
B.  Amener, mettre en un endroit déterminé, dans une situation, dans un état donnés.
1.  Déplacer, transporter d’un lieu à un autre. Porter une lettre à la poste. Porter son verre à ses lèvres. Faire porter un message. Porter un blessé jusqu’à l’ambulance. Se laisser porter par le courant.
▪  Mouvoir, diriger, orienter une partie du corps. Porter les mains à son visage. Un enfant qui porte ses doigts à sa bouche. Il n’osait pas porter les yeux sur elle. Par extension. Porter ses regards vers le large. Litt. Où porterons-nous nos pas ?
▪  Fig. Porter la guerre dans un pays. Son ambition l’a porté jusqu’au sommet de l’État. Elle a porté le trouble, la confusion dans la discussion. Toute bonne action porte avec elle sa récompense. Ce député a porté la contradiction au ministre. La commission a porté son choix sur cet ouvrage. Je ne porte aucun jugement sur ses actes. Porter son attention sur des détails. Je vous remercie d’avoir porté attention à ma lettre.
▪  Loc. et expr. Porter quelqu’un en terre, l’inhumer. Porter la main sur quelqu’un, le frapper. Porter un coup à quelqu’un, le lui asséner et, fig., porter un coup à quelque chose, nuire à son bon fonctionnement, compromettre son développement. Il parait tous les coups qu’on lui portait. Un nouveau retard porterait le coup de grâce à leur projet. Porter une botte à quelqu’un, en escrime, le frapper de la pointe de l’épée ou du fleuret. Porter la parole, parler au nom d’une autorité, d’un corps, etc. Porter la bonne parole, faire connaître l’Évangile et, fig., tenter de faire partager ses idées, ses convictions. Porter quelque chose à la connaissance de quelqu’un, l’en informer. Cela n’a jamais été porté à ma connaissance. Fig. Porter un toast à la santé de quelqu’un, à quelqu’un ou, vieilli, porter une santé à quelqu’un, lever son verre en son honneur. Porter de l’eau à la rivière, à la mer, faire quelque chose d’inutile. Porter un roman à l’écran, à la scène, l’adapter pour le cinéma, le théâtre. Porter quelqu’un sur le trône, au pouvoir. Porter quelqu’un aux nues, le couvrir d’éloges.
▪  Spécialement. Soumettre à une juridiction ou proposer à l’examen, au jugement. Il porta le projet devant l’assemblée. Porter une affaire en cour d’appel. Porter une plainte devant un tribunal. Porter plainte au commissariat de police.
2.  Marquer, inscrire en quelque endroit. Les corrections portées sur ce manuscrit sont illisibles. Porter une somme au crédit d’un compte.
▪  Expr. fig. Porter une chose au crédit ou au débit de quelqu’un, considérer qu’elle plaide ou qu’elle ne plaide pas en sa faveur. Être porté absent pour n’avoir pas répondu à l’appel. Être porté disparu, se dit d’une personne considérée, par décision de justice, comme décédée, mais dont on n’a pas retrouvé le corps. Se faire porter pâle, dans l’argot militaire, se faire admettre à l’infirmerie, à l’hôpital et, par extension et fam., se déclarer malade pour justifier une absence.
3.  Faire passer quelque chose d’un état à un autre. Porter de l’eau à ébullition. Un métal porté au rouge.
▪  Fig. Il porte tout à l’excès, à l’extrême. Ces dispositions ont porté le déficit à cent milliards d’euros.
▪  Par extension. Pousser quelqu’un à, l’amener à. Les paysages d’automne le portent à la mélancolie. Sa clémence le porte à pardonner à ses ennemis. Tout porte à croire qu’il reviendra.
4.  Être dans telle ou telle disposition à l’égard d’une personne ou d’une chose. Porter de l’affection, de l’amitié ou, vieilli, porter affection, amitié à quelqu’un. Porter à quelqu’un une haine farouche. Il porte un intérêt particulier à cette affaire. Porter envie à quelqu’un (vieilli), le jalouser.
▪  Par extension. Exercer telle ou telle action ou influence (dans des locutions et expressions). Porter assistance, secours à un blessé. Porter remède à quelque chose. Porter préjudice à quelqu’un, lui nuire. Votre accusation porte atteinte à son honneur. Porter bonheur, chance. Porter le guignon ou, pop., la poisse à quelqu’un, attirer le malheur sur lui. Porter ombrage à quelqu’un, provoquer chez lui un sentiment de jalousie, de dépit.
▪  Expr. proverbiale. La nuit porte conseil, voir Conseil.

II.

II. Verbe intransitif.
1.  Reposer sur, s’appuyer sur, faire supporter son poids à. Cette poutre porte sur le mur. Tout l’édifice porte sur trois rangées de colonnes. Marque de domaine : bâtiment. Porter à cru, reposer directement sur le sol, sans fondations. Porter de fond, se dit d’un mur, d’un poteau qui repose sur les fondations et y reporte les charges. Porter à faux, ne pas être d’aplomb, se prolonger au-delà de ses appuis. Fig. Ce raisonnement, cet argument porte à faux, n’est pas pertinent.
▪  Par analogie. En italien, l’accent tonique d’un mot porte en général sur l’avant-dernière syllabe.
▪  Loc. Tirer à bout portant, de manière que l’extrémité du canon de l’arme touche presque la personne ou la chose visée.
▪  Fig. Avoir pour objet, concerner. Ses critiques portent moins sur le fond que sur la forme. Cet examen porte sur l’ensemble du programme. Dans « Heureusement, il est arrivé avant l’orage », l’adverbe « heureusement » porte sur l’ensemble de la phrase.
2.  Atteindre ; exercer une action, produire un effet. Sa tête a porté contre le meuble. Ce fusil porte à deux cents mètres, porte loin. Absolument. Le coup a porté. Fig. Les reproches qui lui ont été faits ont porté.
▪  Par analogie. Le bruit des cloches porte jusqu’au village voisin. Absolument. Lorsque le vent porte, on sent l’odeur des foins.
▪  Spécialement. Se dit dans certaines expressions de ce qui gagne une partie du corps. Une douleur qui porte au cœur. Porter sur les nerfs (fam.), se dit d’une chose, d’une personne qui irrite, agace. Porter à la tête, se dit d’une boisson, d’une odeur qui grise, étourdit. L’odeur de l’encens me porte à la tête. Fig. et fam. Son succès lui a porté à la tête, l’a rendu orgueilleux, présomptueux.
▪  Marque de domaine : marine. Porter au nord, au large, aller dans cette direction. Le navire porte à terre. Laisser porter, manœuvrer pour se laisser dériver par rapport au lit du vent. Toutes les voiles portent, prennent bien le vent. Porter plein, naviguer en gardant les voiles bien gonflées.
3.  Marque de domaine : héraldique. Porter de, avoir pour armoiries. Il porte d’azur au lion d’argent.

III.

III. Verbe pronominal.
1.  Se déplacer dans une direction donnée, aller d’un lieu à un autre. Se porter au-devant, à la rencontre de ses invités. La foule se porta vers les Tuileries. En cas de freinage, tout le poids du véhicule se porte vers l’avant. Se porter au secours de quelqu’un, lui venir en aide. Fig. Le choix du jury s’est porté sur ce film.
▪  Par extension. Se laisser aller à, en venir à. Se porter à des excès regrettables, aux pires extrémités.
2.  Se présenter pour, se proposer comme. Il s’est porté volontaire pour cette mission. Il se porte candidat dans cette circonscription.
▪  Marque de domaine : droit. Se porter partie civile, demander devant la juridiction pénale réparation du préjudice que l’on estime avoir subi. Se porter héritier, accepter une succession dont on est l’héritier, sans condition ou sous bénéfice d’inventaire. Se porter caution, garant, se dit d’une personne qui s’engage, notamment envers un créancier, à remplir une obligation contractée par un tiers, au cas où celui-ci ne pourrait y satisfaire. Fig. Je me porte garant de son honnêteté.
▪  Loc. Se porter fort pour quelqu’un, se porter garant pour lui ou répondre de son consentement.
3.  Être dans telle ou telle disposition physique, morale, etc. Se porter bien, mal. Comment vous portez-vous ? Par analogie. Ses affaires ne se portent pas très bien.
▪  Expr. Se porter comme un charme, comme le Pont-Neuf, être en parfaite santé. Iron. Bien se porter, être bien en chair. Fam. Je ne m’en porte pas plus mal ! se dit pour évoquer un évènement dont, contre toute attente, on s’accommode. Moins je le vois, mieux je me porte.
Vous pouvez cliquer sur n’importe quel mot pour naviguer dans le dictionnaire.