aller

5e édition

ALLER.

v. n. Conjugaison : Je vais, ou je vas, tu vas, il va ; nous allons, vous allez, ils vont. J’allois. Je suis allé. J’allai. J’irai. J’irois. Va. Que j’aille. Que j’allasse. Allant. Allé.
■  Se mouvoir, se transporter d’un lieu à un autre. Aller vite. Aller doucement. Aller lentement. Aller en avant. Aller en arrière. Un homme qui va à grands pas, à petits pas. Un cheval qui va bon train, qui va le trot, qui va l’amble, qui va le pas, qui va à l’aise. Aller à pied. Aller à cheval. Aller en carrosse. Aller en bateau. Aller en chaise. Aller en poste. Aller en relais. Aller à Rome. Aller à Paris. Aller en Italie. Aller en Espagne. Aller aux Indes. Aller au Japon. Aller à la Messe. Aller à Vêpres. Aller à la guerre. Aller à l’armée. Aller à un siége. Aller à la chasse. Aller en Ambassade. Aller en pèlerinage. Aller en partie. Aller à la petite guerre. Aller aux nouvelles. Aller aux écoutes. Aller par mer, aller par bateau. Il ne fait qu’aller et venir. Aller contre vent et marée. Aller au devant de quelqu’un. Aller à la rencontre de quelqu’un. Va savoir des nouvelles de telle chose. Vas-en savoir des nouvelles.
On dit quelquefois, Je fus, j’ai été, j’avais été, j’aurois été, pour, J’allai, je suis allé, j’étois allé, je serois allé. Voyez le verbe Être.
Il signifie aussi, Se mouvoir, ou être mu vers quelque endroit. Les rivières vont à la mer. Les nuées alloient du levant au couchant. Les galères vont à voile et à rame. Les vaisseaux alloient à toutes voiles, à pleines voiles. Les planètes vont continuellement.
On dit, Aller au combat, pour S’avancer pour combattre ; Aller aux ennemis, pour S’avancer vers les ennemis pour les combattre, pour les charger ; et cela ne se dit proprement que quand les armées sont à portée l’une de l’autre, ou en présence.
On dit par colère et en forme d’imprécation, à un homme qui impatiente. Allez au diable, qu’il aille au diable, à tous les diables, et qu’il me laisse en repos. On dit aussi d’Une affaire qui se détériore, qui périt, qui tourne mal, qu’Elle s’en va au diable, à tous les diables.
On dit, Aller bien, pour Être dans le bon chemin ; et, N’aller pas bien, pour, N’être pas dans le bon chemin. Allons nous bien, sommes-nous dans le bon chemin ? Il me semble que nous n’allons pas bien.
En termes de Guerre, on dit, Aller au feu, pour, S’exposer au feu des ennemis, s’exposer â essuyer leur feu : et en parlant d’Un homme qui s’y expose bravement et de bonne grâce, on dit familièrement, qu’Il va au feu comme à la noce.
On dit, Aller aux opinions, aux avis, pour, Recueillir les opinions, les avis. On dit aussi, Aller au conseil, pour, Demander conseil à quelqu’un ; et, p. 44Aller au Devin, pour, Consulter le Devin.
En parlant Des choses qui dépendent de l’autorité, de la juridiction de quelqu’un, on dit, Il faut aller à lui pour cela, pour dire, C’est à lui qu’il faut s’adresser. Il faut aller au Roi pour cela. Il a été obligé d’aller au Pape, d’aller à l’Évêque.
Aller, joint avec les infinitifs des verbes, sert quelquefois à signifier, Se mettre en mouvement pour faire quelque chose. Aller se promener, aller travailler, aller étudier.
On dit en s’impatientant, en se mettant en colère contre quelqu’un, Allez vous promener, qu’il aille se promener.
Quelquefois il sert à marquer Les choses qui sont sur le point d’être faites. Nous allons voir ce qu’il va dire. Ils vont partir. Le jour va finir. Un homme qui va mourir, qui s’en va mourir.
Il s’emploie quelquefois de telle sorte avec le gérondif des verbes, que tous deux ensemble ne signifient que la même chose que le gérondif, avec lequel il est joint. Ainsi on dit, Un vaisseau qui va serpentant ; il alloit criant par la Ville, pour, Un ruisseau qui serpente ; il crioit par la Ville : et ainsi du reste. On dit, qu’Un homme s’en va mourant, pour, qu’Il est sur le point de mourir.
Aller, se dit aussi Du mouvement et de l’effet de certaines choses artificielles. Une montre qui va trente heures. Ce ressort ne va plus. Faire aller un moulin. Il y a quelque chose qui empêche la roue d’aller.
Il se dit aussi pour marquer L’écoulement du temps, et la durée du temps qui a été employé à quelque chose. Le temps va toujours. Rien ne va plus vite que le temps. Son discours n’ira qu’à une demi-heure. Les ouvriers vont bien lentement. Ce bâtiment-là est allé fort vite.
Il se dit aussi pour marquer L’étendue de certaines choses. La forêt va depuis le village jusqu’à la rivière. Cette montagne va jusqu’aux nues. Ses cheveux vont jusqu’à la ceinture. Un manteau qui va jusqu’à terre.
Il sert aussi à marquer La manière dont une chose est figurée. Une pièce de terre qui va en pente. Cela va en rond.
Il sert aussi à marquer Où mène un chemin, où il aboutit. Ce chemin va droit à l’Église.
Il se dit aussi pour marquer À quoi se montent des nombres, des sommes, des supputations. Ce calcul va bien haut. Les nouvelles levées vont à trente mille hommes. La dépense ira plus loin qu’on ne croit.
Aller, sert aussi à marquer, tant au propre qu’au figuré, Le progrès en bien ou en mal, des personnes et des choses. Cela va, cela ira. Vous n’allez pas. Cet écolier a bien de la peine à aller. Il n’y a point d’homme dont l’esprit aille jusque-là. Son imagination va si loin, qu’elle se perd. Le raisonnement des plus habiles ne va pas bien avant. Cette vengeance est allée trop loin. Son amour va jusqu’à l’excès, va jusqu’à la folie. C’est un homme qui ira bien loin dans les Arts, dans les Sciences. Cette affaire ira plus loin qu’on ne pense. Cela va de mal en pis. Sa santé va de mieux en mieux. Une maison qui va en décadence. Cette affaire peut aller à vous perdre. Cela va à vous déshonorer.
On dit, qu’Une chose va de suite, qu’elle doit aller de suite, pour dire, qu’Elle est la conséquence naturelle, nécessaire d’une autre chose.
Il sert aussi à marquer L’aboutissement et la fin de quelque chose. Toute son entreprise est allée en fumée, est allée à rien. Cette affaire va là. Tous ses vœux vont à la Paix, vont au bien de l’État.
On dit, qu’Un homme va toujours au bien, pour, qu’Il tend toujours au bien. Et lorsque des personnes qui disputent ensemble, commencent à s’échauffer un peu trop, on dit, Cela va trop loin. Cela pourroit aller trop loin.
On dit, C’est un homme fait pour aller à tout, pour, C’est un homme fait pour parvenir aux plus grandes places, à la plus grande fortune.
Aller, se dit aussi pour signifier La manière dont on agit, dont on se comporte en de certaines choses. Aller vite en besogne. Il ne faut pas reprendre avec aigreur, il faut y aller doucement. Il n’y faut pas aller si rudement. La chose est bonne en elle-même, mais il faut y aller avec de grandes précautions. Il y va de bonne foi. Il y va à la bonne foi, tout à la bonne foi. Il est allé par les voies de droit, par les voies de fait. Aller à la fortune par des voies d’honneur, par des méchantes voies. Aller aux grands emplois par la faveur. Aller d’abord aux grands desseins. C’est un homme qui va droit en tout. Il va au fait.
Aller, se dit aussi pour marquer L’état bon ou mauvais de certaines choses. Comment va votre santé ? Comment vous en va ? Tout va bien. Ses affaires vont bien, vont mal, ne vont pas trop bien.
On dit d’Un homme âgé ou infirme, qu’Il ne peut plus aller, ou qu’Il va encore.
Il se dit aussi pour marquer La manière dont une chose est faite, est mise, est disposée. Et cela se dit surtout De ce qui regarde l’habillement. Un collet qui va mal. Ce manteau ne va pas bien. On dit qu’Une étoffe va en biais, pour, qu’Elle est taillée en biais.
On dit à peu près dans le même sens, que Des choses vont bien ensemble, vont bien l’une avec l’autre, pour, qu’Elles conviennent bien ensemble. L’aurore et le bleu vont bien ensemble. Ces deux couleurs-là vont bien l’une avec l’autre.
En parlant D’habillement, de parure, on dit, qu’Une chose va bien, ou qu’Elle va mal, pour, qu’Elle sied bien, ou qu’elle sied mal. Cet habit-là vous va bien. La feuille-morte ne va pas bien aux brunes. Votre perruque va mal. Sa perruque lui va mal, Ne lui sied pas.
Et en parlant De certaines choses qui sont appariées, et qui ne se vendent point séparément, on dit qu’Elles vont ensemble. Ces deux gants-là vont ensemble. Ces deux bas vont l’un avec l’autre. Ces quatre estampes-là vont ensemble.
Aller de pair, aller du pair, locution dont on ne se sert qu’en parlant Des personnes, par rapport à la qualité, ou à la dépense, ou au mérite, et pour dire, Être égal, être pareil. Ces deux Maisons vont de pair pour la noblesse. Il va de pair avec les plus grands Seigneurs pour la dépense. Cicéron va de pair avec Démosthène.
Aller, mis à l’impératif, sert également à faire des souhaits ou des imprécations, des exhortations ou des menaces, et à maquer de l’indignation. Allez en paix. Allons, enfans, courage. Va, malheureux. Va, impudent. Allez, n’avez-vous point de honte ?
On se sert quelquefois du mot Aller, pour donner plus de force à l’expression. Ainsi l’on dit, N’allez pas vous imaginer, pour, Ne vous imaginez pas.
Aller, devient souvent auxiliaire pour marquer Un futur prochain. Le sermon va commencer. La contestation alloit finir, lorsque, etc.
Aller, se dit en quelques jeux de cartes, comme le Brelan, et les autres jeux de renvi, en parlant De ce que l’on hasarde au jeu. De combien allez-vous ? J’y vais de deux pistoles. Il y va de son reste. Va mon reste. Va tout.
À certains jeux de cartes, comme à l’Hombre, lorsqu’il y a plusieurs bêtes, on demande, Quelle bête va, pour savoir quelle est la bête sur laquelle on joue.
Aller, joint à la particule y, et employé à l’impersonnel, sert à marquer De quoi il s’agit, de quelle importance est la chose dont on parle. Quand il devroit y aller de tout mon bien. Songez qu’il y va de votre fortune. C’est une affaire où il y va de l’intérêt public. Dans cette affaire là il n’y alloit pas moins que de son honneur et de sa vie. Souvenez-vous qu’il y va du salut éternel. Lorsque dans cette signification l’on se sert du temps Iroit, on supprime la particule y. Quand il iroit de tout mon bien, quand il iroit de ma vie ; et en général dans tous les sens du verbe Aller, la particule y se supprime devant les temps Irois et irai. Avez-vous été à Paris ? J’irai. Ira-t-il à Rome ? Il ira.
Il s’emploie aussi à l’impersonnel, étant précédé de la particule relative en. Ainsi on dit, Il en va de cette affaire-là comme de l’autre, pour, Il en est de cette affaire-là comme de l’autre. Il n’en ira pas de cela comme vous pensez.
Aller, signifie quelquefois, Faire ses nécessités naturelles ; et c’est dans ce sens qu’on dit, Le remède qu’il a pris, l’a fait aller cinq ou six fois. On dit, Aller par haut, pour Vomir. Un remède qui fait aller par haut et par bas. Et on dit, qu’Un malade laisse tout aller sous lui, pour, qu’Il ne peut plus retenir ses excrémens.
Se laisser aller, façon de parler dont on se sert en plusieurs phrases, pour dire, Ne pas faire la résistance qu’on pourroit ou qu’on devroit faire. Se laisser aller au torrent de la coutume. Se laisser aller au torrent. Se laisser aller à la tentation. Se laisser aller aux mauvais exemples. Se laisser aller à la douleur, à la tristesse, au désespoir. Je me p. 45suis laissé aller à ses prières, à ses sollicitations. Se laisser aller à la faveur, aux présens. Elle s’est laissée aller à sa passion.
En ce sens on dit absolument, qu’Un homme se laisse aller, pour dire, que C’est un homme facile, et qu’on fait tout ce qu’on veut de lui.
Aller, joint avec le pronom personnel, et la particule en, est réfléchi ; et alors il signifie, Partir, sortir d’un lieu. Il s’en va. Ils s’en iront bientôt. Il s’en est allé. Elles s’en sont allées. Il faut que tout le monde s’en aille. Va-t-en porter ma lettre.
Il signifie aussi, S’écouler, se dissiper, s’évaporer. Et dans ce sens on dit, Un muid de vin s’en va, pour, Le vin qui est dans le muid s’écoule, s’enfuit. Tout le vin s’en ira par-là, si on n’y prend garde. La fumée s’en va par la cheminée. Si l’on ne bouche bien cette fiole, tout l’esprit-de vin s’en ira.
Dans les acceptions de ces deux derniers articles, on se sert aussi de Faire en aller ; et ainsi on dit, Faire en aller tout le monde. Un secret pour faire en aller les punaises. De la pommade pour faire en aller les rousseurs. Un secret pour faire en aller la fièvre. Une pierre pour faire en aller les taches. Il est du style familier.
S’en aller, se dit aussi en parlant Du déclin de la vie, des approches de la mort. Les jeunes gens viennent, et les vieillards s’en vont. Cet homme est bien mal, il s’en va, il s’en ira avec les feuilles. Il se dit pareillement De tout ce qui cesse d’être dans un sujet, ou qui commence à se passer, à s’effacer. On ne croit pas que sa fièvre s’en aille sitôt. Son mal s’en va peu à peu. Son rhumatisme s’en est allé par les sueurs. Sa beauté s’en va. L’éclat de son teint commence à s’en aller. Ce malade s’en va, Il n’est pas loin de la mort.
Il se dit encore De tout ce qui se dissipe, se consume, s’use en quelque manière que ce soit. Tout son argent s’en va en procès. Tout son temps s’en est allé à cette affaire. Voilà un habit qui s’en va.
On dit d’Une chose qui est sur le point d’être achevée, qu’Elle s’en va faite. Le Sermon s’en va dit. Le Carême s’en va fini. Il est du style familier. On dit aussi, Il s’en va onze heures. Il s’en va midi.
Dans les jeux de cartes, on dit, S’en aller d’une carte, pour, Se défaire d’une carte. Allez-vous-en de votre carreau. Je m’en suis allé de mon Roi de pique. S’en aller des plus hautes cartes.
Aller, s’emploie en diverses phrases proverbialement et figurém. Ainsi on dit, Aller son chemin, pour dire, Poursuivre son entreprise, ne se pas détourner de la conduite qu’on a commencé à tenir ; Aller son grand chemin, pour, Agir sans artifice ; Aller vite en besogne, pour, Agir avec précipitation ; Aller et venir comme pois en pot, pour, Ne faire qu’aller et venir, se donner beaucoup de mouvement sans sujet ; A force de mal aller, tout ira bien, pour, Il faut espérer qu’après beaucoup de malheurs et de disgrâces, il arrivera quelque révolution heureuse, et que ce qu’on croyoit devoir nuire à une affaire, y servira peut-être ; On l’a bien hâté d’aller, pour, On lui a fait une rude réprimande ; On va bien loin depuis qu’on est las, pour, Il ne faut pas se rebuter, se décourager dans les affaires ; Tous chemins vont à Rome, pour dire, que Par différens moyens on arrive à même fin ; Les premiers vont devant, pour, Les plus diligens ont toujours de l’avantage ; Il va comme on le mène, pour, Il n’est pas capable de prendre une résolution de lui-même ; Cela va tout seul, pour dire, qu’Une affaire ne reçoit point de difficulté ; Cela va comme il plaît à Dieu, pour faire entendre, qu’Une affaire est négligée, que l’on n’en prend aucun soin ; Cela va sans dire, pour marquer Une chose que l’on suppose certaine, et qui n’a pas besoin d’être exprimée ; Il s’en est allé comme il est venu, pour, Il n’a rien fait de ce qu’il vouloit ou devoit faire ; Tout s’en est allé en fumée, pour, On n’a pas réussi ; Tout y va, la paille et le blé, pour, On n’y a rien épargné ; Il n’y va pas de main morte, pour, Il frappe rudement, il emploie tout ce qui dépend de lui ; Tout va à la débandade, pour, Tout va en désordre.
Aller, se prend substantivement dans ces façons de parler. Au long aller petit fardeau pèse, pour marquer, qu’Il n’y a point de charge si légère qui ne devienne pénible à la longue ; et qu’Un homme a eu l’aller pour le venir, pour dire, qu’Il n’a rien fait de ce qu’il prétendoit faire où il étoit allé, qu’il a fait un voyage inutile.
On dit aussi au substantif, Le pis aller, pour dire, Le pis qu’il puisse arriver, le moindre avantage qu’on puisse avoir. S’il ne peut épouser cette fille-là, son pis aller sera de demeurer comme il est. Si vous ne trouvez mieux, je serai votre pis aller. Appelez-vous cela un pis aller ?
On dit adverbialement, Au pis aller, pour marquer Le plus grand mal, ou le moindre avantage qui puisse arriver de quelque chose. Au pis aller, il en sera quitte pour une amende.
Allé, ée. participe.
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