aller

4e édition

ALLER.

v. n. Conjugaison : Je vais, tu vas, il va. Nous allons, vous allez, ils vont. J’allois. Je suis allé. J’allai. J’irai. J’irois. Que j’aille. Que j’allasse. Allant. Allé.
■  Se mouvoir, se transporter d’un lieu à un autre. Aller vîte. Aller doucement. Aller lentement. Aller en avant. Aller en arrière. Un homme qui va à grands pas, à petits pas. Un cheval qui va bon train, qui va le trot, qui va l’amble, qui va le pas, qui va à l’aise. Aller à pied. Aller à cheval. Aller en carrosse. Aller en bateau. Aller en chaise. Aller en poste. Aller en relais. Aller à Rome. Aller à Paris. Aller en Italie. Aller en Espagne. Aller aux Indes. Aller au Japon. Aller à la Messe. Aller à Vêpres. Aller à la guerre. Aller à l’armée. Aller à un siège. Aller à la chasse. Aller en Ambassade. Aller en pélerinage. Aller en parti. Aller à la petite guerre. Aller aux nouvelles. Aller aux écoutes. Aller par mer, aller par bateau. Il ne fait qu’aller & venir. Aller contre vent & marée. Aller au devant de quelqu’un. Aller à la rencontre de quelqu’un.
On dit quelquefois, Je fus, j’ai été, j’avois été, j’aurois été, pour J’allai, je suis allé, j’étois allé, je serois allé. V. le verbe Être.
Il signifie aussi, Se mouvoir, ou être mu vers quelque endroit. Les rivières vont à la mer. Les nuées alloient du levant au couchant. Les galères vont à voile & à rame. Les vaisseaux alloient à toutes voiles, à pleines voiles. Les planètes vont continuellement.
On dit, Aller au combat, pour dire, S’avancer pour combattre. Aller aux ennemis, pour dire, S’avancer vers les ennemis pour les combattre, pour les charger ; & cela ne se dit proprement que quand les armées sont à portée l’une de l’autre, ou en présence.
On dit, Aller bien, pour dire, Être dans le bon chemin : Et, N’aller pas bien, pour dire, N’être pas dans le bon chemin. Allons-nous bien, sommes-nous dans le bon chemin ? Il me semble que nous n’allons pas bien.
En termes de guerre, on dit, Aller au feu, pour dire, S’exposer au feu des ennemis, s’exposer à essuyer leur feu. Et en parlant d’un homme qui s’y expose bravement & de bonne grace, on dit, qu’Il va au feu comme à la noce.
On dit, Aller aux opinions, aux avis, pour dire, Recueillir les opinions, les avis. On dit aussi, Aller au conseil, pour dire, Demander conseil à quelqu’un : Et Aller au Devin, pour dire, Consulter le Devin.
En parlant des choses qui dépendent de l’autorité, de la jurisdiction de quelqu’un, on dit, qu’Il faut aller à lui pour cela, pour dire, Que c’est à lui qu’il faut s’adresser. Il faut aller au Roi pour cela. Il a été obligé d’aller au Pape, d’aller à l’Évêque.
Aller, joint avec les infinitifs des verbes, sert quelquefois à signifier, Se mettre en mouvement pour faire quelque chose. Aller se promener, aller travailler, aller étudier.
Quelquefois il sert à marquer les choses qui sont sur le point d’être faites. Nous allons voir ce qu’il va dire. Ils vont partir. Le jour va finir. Un homme qui va mourir, qui s’en va mourir.
Il s’emploie quelquefois de telle sorte avec le gérondif des verbes, que tous deux ensemble ne signifient que la même chose que le gérondif, avec lequel il est joint. Ainsi on dit, Un ruisseau qui va serpentant. Il alloit criant par la ville, pour dire, Un ruisseau qui serpente, Il crioit par la ville, & ainsi du reste. On dit, qu’Un homme s’en va mourant, pour dire, qu’Il est sur le point de mourir.
Aller, Se dit aussi du mouvement & de l’effet de certaines choses artificielles. Une montre qui va trente heures. Ce ressort ne va plus. Faire aller un moulin. Il y a quelque chose qui empêche la roue d’aller.
Il se dit aussi pour marquer l’écoulement du temps, & la durée du temps qui a été employé à quelque chose. Le temps va toujours. Rien ne va plus vîte que le temps. Son discours n’ira qu’à une demi-heure. Les ouvriers vont bien lentement. Ce bâtiment-là est allé fort vîte.
Il se dit aussi pour marquer l’étendue de certaines choses. La forêt va depuis le village jusqu’à la rivière. Cette montagne va jusqu’aux nues. Ses cheveux vont jusqu’à la ceinture. Un manteau qui va jusqu’à terre.
Il sert aussi à marquer la manière dont une chose est figurée. Une pièce de terre qui va en pente. Cela va en rond.
Il sert aussi à marquer où méne un chemin, où il aboutit. Ce chemin va droit à l’Église.
Il se dit aussi pour marquer à quoi se montent des nombres, des sommes, des supputations. Ce calcul va bien haut. Les nouvelles levées vont à trente mille hommes. La dépense ira plus loin qu’on ne croit.
Aller, Sert aussi à marquer, tant au propre qu’au figuré, le progrès en bien ou en mal, des personnes & des choses. Il n’y a point d’homme dont l’esprit aille jusque-là. Son imagination va si loin, qu’elle se perd. Le raisonnement des plus habiles ne va pas bien avant. Cette vengeance est allée trop loin. Son amour va jusqu’à l’excès, va jusqu’à la folie. C’est un homme qui ira bien loin dans les Arts, dans les Sciences. Cette affaire ira plus loin qu’on ne pense. Cela va de mal en pis. Sa santé va de mieux en mieux. Une maison qui va en décadence.
Il sert aussi à marquer l’aboutissement & la fin de quelque chose. Toute son entreprise est allée en fumée, est allée à rien. Cette affaire va là. Tous ses vœux vont à la Paix, vont au bien de l’État.
On dit, qu’Un homme va toujours au bien, pour dire, qu’Il tend toujours au bien. Et lorsque des personnes qui disputent ensemble, commencent à s’échauffer un peu trop, on dit, Cela va trop loin. Cela pourroit aller trop loin.
Aller, Se dit aussi pour signifier la manière dont on agit, dont on se comporte en de certaines choses. Aller vîte en besogne. Il ne faut pas reprendre avec aigreur, il faut y aller doucement. Il n’y faut pas aller si rudement. La chose est bonne en elle-même, mais il faut y aller avec de grandes précautions. Il y va de bonne foi. Il y va à la bonne foi, tout à la bonne foi. Il est allé par les voies de droit, par les voies de fait. Aller à la fortune par des voies d’honneur, par de méchantes voies. Aller aux grands emplois par la faveur. Aller d’abord aux grands desseins. C’est un homme qui va droit en tout. Il va au fait.
Aller, se dit aussi pour marquer l’état bon ou mauvais de certaines choses. Comment va votre santé ? Comment vous en va ? Tout va bien. Ses affaires vont bien, vont mal, ne vont pas trop bien.
Il se dit aussi pour marquer la manière dont une chose est faite, est mise, est disposée. Et cela se dit sur-tout de ce qui regarde l’habillement. Un collet qui va mal. Ce manteau ne va pas bien. On dit, qu’Une étoffe va en biais, pour dire, qu’Elle est taillée en biais.
On dit à peu près dans le même sens, que Des choses vont bien ensemble, vont bien l’une avec l’autre, pour dire, qu’Elles conviennent bien ensemble. L’aurore & le bleu vont bien ensemble. Ces deux couleurs-là vont bien l’une avec l’autre.
En parlant d’habillement, de parure, on dit, qu’Une chose va bien, ou qu’Elle va mal, pour dire, qu’Elle sied bien, ou qu’Elle sied mal. Cet habit-là vous va bien. Le feuille-morte ne va pas bien aux brunes. Votre perruque vous va mal.
Et en parlant de certaines choses qui sont appariées, & qui ne se vendent point séparément, on dit, qu’Elles vont ensemble. Ces deux gants-là vont ensemble. Ces deux bas vont l’un avec l’autre. Ces quatre estampes-là vont ensemble.
Aller de pair, aller du pair, Façon de parler dont on ne se sert qu’en parlant des personnes, par rapport à la qualité, ou à la dépense, ou au mérite, & pour dire, Être égal, être pareil. Ces deux Maisons vont de pair pour la noblesse. Il va de pair avec les plus grands Seigneurs pour la dépense. Cicéron va de pair avec Démosthène.
Aller, mis à l’impératif, sert également à faire des souhaits ou des imprécations, des exhortations ou des menaces, & à marquer de l’indignation. Allez en paix. Allons, enfans, courage. Va, malheureux. Va, impudent. Allez, n’avez-vous point de honte ?
On se sert quelquefois du mot Aller, pour donner plus de force à l’expression. Ainsi l’on dit, N’allez pas vous imaginer, pour dire, Ne vous imaginez pas.
Aller, se dit en quelques jeux des cartes, comme le Berlan, & les autres jeux de renvi, en parlant de ce que l’on hasarde au jeu. De combien allez-vous ? J’y vais de deux pistoles. Il y va de son reste. Va mon reste. Va tout.
À certains jeux des cartes, comme à l’Hombre, lorsqu’il y a plusieurs bêtes, on demande, Quelle bête va, pour savoir quelle est la bête sur laquelle on joue.
Aller, joint à la particule y, & employé à l’impersonnel, sert à marquer de quoi il s’agit, de quelle importance est la chose dont on parle. Quand il devroit y aller de tout mon bien. Songez qu’il y va de votre fortune. C’est une affaire où il y va de l’intérêt public. Dans cette affaire-là il n’y alloit pas moins que de son honneur & de sa vie. Souvenez-vous qu’il y va du salut éternel. Lorsque dans cette signification on se sert du futur du subjonctif iroit, on supprime la particule y. Quand il iroit de tout mon bien, quand il iroit de ma vie.
Il s’emploie aussi à l’impersonnel, étant précédé de la particule relative en. Ainsi on dit, Il en va de cette affaire-là comme de l’autre, pour dire, Il en est de cette affaire-là comme de l’autre. Il n’en est pas ainsi. Il n’en ira pas de cela comme vous pensez.
Aller, signifie quelquefois, Faire ses nécessités naturelles : Et c’est dans ce sens qu’on dit, Le remède qu’il a pris, l’a fait aller cinq ou six fois. On dit, Aller par haut, pour dire Vomir. Un remède qui fait aller par haut & par bas. Et on dit, qu’Un malade laisse tout aller sous lui, pour dire, qu’Il ne peut plus retenir ses excrémens.
Se laisser aller, Façon de parler dont on se sert en plusieurs phrases, pour dire, Ne pas faire la résistance qu’on pourroit, ou qu’on devroit. Se laisser aller au torrent de la coutume. Se laisser aller au torrent. Se laisser aller à la tentation. Se laisser aller aux mauvais exemples. Se laisser aller à la douleur, à la tristesse, au désespoir. Je me suis laissé aller à ses prières, à ses sollicitations. Se laisser aller à la faveur, aux présens.
En ce sens on dit absolument, qu’Un homme se laisse aller, pour dire, Que c’est un homme facile, & qu’on fait tout ce qu’on veut de lui.
Aller, joint avec le pronom personnel, & la particule en, est réciproque ; & alors il signifie, Partir, sortir d’un lieu. Il s’en va. Ils s’en iront bientôt. Il s’en est allé. Elles s’en sont allées. Il faut que tout le monde s’en aille.
Il signifie aussi, S’écouler, se dissiper, s’évaporer. Et dans ce sens on dit, qu’Un muid de vin s’en va, pour dire, Que le vin qui est dans le muid s’écoule, s’enfuit. Tout le vin s’en ira par-là, si on n’y prend garde. La fumée s’en va par la cheminée. Si l’on ne bouche bien cette fiole, tout l’esprit de vin s’en ira.
Dans les acceptions de ces deux derniers articles, on se sert aussi de Faire en aller ; & ainsi on dit, Faire en aller tout le monde. Un secret pour faire en aller les punaises. De la pommade pour faire en aller les rousseurs. Un secret pour faire en aller la fièvre. Une pierre pour faire en aller les taches. Il est du style familier.
S’en aller, se dit aussi en parlant du déclin de la vie, des approches de la mort. Les jeunes gens viennent, & les vieillards s’en vont. Cet homme est bien mal, il s’en va, il s’en ira avec les feuilles. Il se dit pareillement de tout ce qui cesse d’être dans un sujet, ou qui commence à se passer, à s’effacer. On ne croit pas que sa fièvre s’en aille si-tôt. Son mal s’en va peu à peu. Son rhumatisme s’en est allé par les sueurs. Sa beauté s’en va. L’éclat de son teint commence à s’en aller.
Il se dit encore de tout ce qui se dissipe, se consume, s’use en quelque manière que ce soit. Tout son argent s’en va en procès. Tout son temps s’en est allé à cette affaire. Voilà un habit qui s’en va.
On dit d’une chose qui est sur le point d’être achevée, qu’Elle s’en va faite. Le Sermon s’en va dit. Le Carême s’en va fini. Il est du style familier. On dit aussi, qu’Une chose s’en va commencer, ou qu’Elle s’en va finir, pour dire, qu’Elle commencera bientôt, qu’Elle finira bientôt. Le Sermon s’en va commencer, s’en va finir. Il s’en va onze heures. Il s’en va midi.
Dans les jeux des cartes, on dit, S’en aller d’une carte, pour dire, Se défaire d’une carte. Allez-vous-en de votre carreau. Je m’en suis allé de mon Roi de pique. S’en aller des plus hautes cartes.
Aller, s’emploie en diverses phrases proverbialement & figurément. Ainsi on dit, Aller son chemin, pour dire, Poursuivre son entreprise, ne se pas détourner de la conduite qu’on a commencé à tenir. Aller son grand chemin, pour dire, Agir sans artifice. Aller vîte en besogne, pour dire, Agir avec précipitation. Aller & venir comme pois en pot, pour dire, Ne faire qu’aller & venir, se donner beaucoup de mouvement sans sujet. A force de mal aller tout ira bien, pour dire, qu’Il faut espérer qu’après beaucoup de malheurs & de disgraces, il arrivera quelque révolution heureuse, & que ce qu’on croyoit devoir nuire à une affaire, y servira peut-être. On l’a bien hâté d’aller, pour dire, On lui a fait une rude réprimande. Et On le hâtera bien d’aller, pour dire, qu’On le rangera bien à son devoir. On va bien loin depuis qu’on est las, pour dire, qu’Il ne faut pas se rebuter, se décourager dans les affaires. Tous chemins vont à Rome, pour dire, Que par différens moyens on arrive à même fin. Les premiers vont devant, pour dire, Que les plus diligens ont toujours de l’avantage. Il va comme on le mène, pour dire, Il n’est pas capable de prendre une résolution de lui-même. Cela va tout seul, pour dire, qu’Une affaire ne reçoit point de difficulté. Cela va comme il plaît à Dieu, pour faire entendre, qu’Une affaire est négligée, que l’on n’en prend aucun soin. Cela va sans dire, Pour marquer une chose que l’on suppose certaine, & qui n’a pas besoin d’être exprimée. Il s’en est allé comme il est venu, pour dire, Il n’a rien fait de ce qu’il vouloit ou devoit faire. Tout s’en est allé en fumée, pour dire, Qu’on n’a pas réussi. Tout y va, la paille & le bled, pour dire, Qu’on n’y a rien épargné. Il n’y va pas de main morte, pour dire, Il frappe rudement, il emploie tout ce qui dépend de lui. Tout va à la débandade, pour dire, Tout va en désordre.
Aller, Se prend substantivement dans ces façons de parler. Au long aller petit fardeau pèse, pour marquer, qu’Il n’y a point de charge si légère qui ne devienne fâcheuse à la longue : Et qu’Un homme a eu l’aller pour le venir, pour dire, qu’Il n’a rien fait de ce qu’il prétendoit faire où il étoit allé, qu’il a fait un voyage inutile.
On dit aussi au substantif, Le pis aller, pour dire, Le pis qu’il puisse arriver, le moindre avantage qu’on puisse avoir ; mais il ne s’emploie guère qu’avec les pronoms personnels. S’il ne peut épouser cette fille-là, son pis aller sera de demeurer comme il est. Si vous ne trouvez mieux, je serai votre pis aller.
On dit adverbialement, Au pis aller, pour marquer le plus grand mal, ou le moindre avantage qui puisse arriver de quelque chose. Au pis aller, il en sera quitte pour une amende.
Allé, ée. participe.
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