prendre

3e édition

PRENDRE.

verbe actif. Conjugaison : Je prends, tu prends, il prend, nous prenons, vous prenez, ils prennent. Je prenois. J’ai pris. Je prendrai. Prends, prenez. Que je prenne. Que je prisse. Je prendrois, &c.
■  Mettre en sa main. Ce verbe a plusieurs significations différentes qu’on essayera d’éclaircir les unes après les autres. Prendre un épée. Prendre un livre. Prendre un cheval par la bride. Prendre quelqu’un par la main, par le bras.
On dit, Prendre les armes, pour dire, S’armer, soit pour se défendre, ou pour attaquer, soit pour faire honneur à quelqu’un, ou pour faire l’éxercice. Les soldats ont eu ordre de prendre les armes.
On dit prov. Prendre le tison par où il brûle, pour dire, Prendre une affaire autrement qu’il ne faut, par l’endroit, par le côté le plus dangereux, ou le plus difficile.
On dit fig. Prendre en main le droit ou les intérêts de quelqu’un, pour dire, Soûtenir les droits, les intérêts de quelqu’un. On dit aussi, Prendre quelqu’un sous sa protection, pour dire, Le protéger, le défendre. On dit dans le même sens, Prendre le parti de quelqu’un, pour dire, Se mettre de son côté, embrasser sa défense. On doit toûjours prendre le parti du foible & de l’innocent.
On dit, Prendre son parti, pour dire, Se résoudre, se décider, choisir un moyen, un expédient dans une affaire difficile & douteuse. Il faut quelquefois prendre son parti sur le champ. On dit aussi, Prendre parti avec quelqu’un, pour dire, S’attacher au service de quelqu’un ; Et l’on dit absolument Prendre parti, pour dire, S’enrôler dans les troupes. Ce jeune homme a pris parti dans un tel régiment.
On dit, en termes de Palais, Prendre le fait & cause de quelqu’un, ou prendre fait & cause pour quelqu’un, pour dire, Intervenir en cause pour lui. On le dit aussi fig. dans le discours ordinaire, pour dire, Prendre sa défense.
Prendre, Se dit en parlant Des habits que l’on met sur soi, soit qu’on s’habille soi-même, soit qu’on se fasse habiller par un autre. Prendre un habit neuf. Prendre son manteau. Prendre sa chemise, son justaucorps.
On dit, Prendre la perruque, pour dire, Commencer à porter la perruque.
On dit, Prendre le deuil, pour dire, S’habiller de noir à l’occasion de la mort de quelque personne. Il a pris le deuil pour la mort de son père. On a pris le deuil à la Cour pour un tel Prince.
On dit, Prendre l’habit de Religieux, de Religieuse, ou simplement, Prendre l’habit, pour dire, Entrer au Noviciat dans un Monastère ; Et, on dit, Des Religieuses, dans le même sens, Prendre le voile.
On dit, d’Un homme qui a été reçû Docteur, qu’Il a pris le bonnet.
Prendre, Signifie, Dérober, emporter en cachette. Prendre finement, adroitement, subtilement. On a pris mes gants, mon chapeau. Il ne faut rien laisser à l’écart devant un tel, tout lui est bon, il prend tout. En ce sens, il s’emploie ordinairement avec le datif de la personne. On lui a pris son chapeau. On m’a pris ma bourse.
Il signifie aussi, Enlever, emporter de force, voler, ôter à quelqu’un ce qu’il a ; & se construit de même avec le datif de la personne. Les voleurs m’ont pris tout ce que j’avois d’argent sur moi. On lui a pris jusqu’à sa chemise.
On dit, en parlant Des gens avides qui ne laissent échaper aucune occasion de s’enrichir, qu’Ils prennent à toutes mains.
On dit fig. d’Un homme qui prend hardiment tout ce qu’il peut, & partout où il peut, qu’Il prendroit sur l’Autel, sur le maître Autel.
On dit proverb. Prendre d’un sac deux moutures, pour dire, Tirer double profit d’une même affaire, se faire payer deux fois d’une même chose.
p. 409On dit famil. Je n’y prends ni n’y mets, pour dire, Que l’on ne prend aucun intérêt à la chose dont il s’agit. On le dit aussi, d’Un récit, d’un conte que l’on vient de faire, pour faire entendre, Que l’on n’en supprime & que l’on n’y ajoûte rien, mais que l’on n’en garantit pas la vérité.
Prendre, Se dit, pour Saisir, empoigner une chose, ou une personne par force. Il a pris le pistolet, la hallebarde de son ennemi. Prendre quelqu’un au collet, à la gorge. On l’a pris par les cheveux, par les oreilles. Prendre quelqu’un par le corps, à fois de corps. Il se dit aussi, Des animaux. Ce chien a pris un os, un morceau de pain sur la table.
Prendre à force, ou par force, signifie, Attenter par violence à l’honneur d’une femme, d’une fille. Il a été puni pour avoir pris à force une telle femme.
On dit fig. Prendre l’occasion aux cheveux, pour dire, Saisir l’occasion, en profiter.
On dit prov. & ironiquement, d’Une chose qui paroît aisée & qui ne l’est point, qu’Il semble qu’il n’y ait qu’à se baisser & en prendre.
On dit prov. & fig. Des choses qu’on voit entreprendre à quelqu’un & dont on juge l’éxécution impossible, que C’est vouloir prendre la Lune avec les dents.
On dit prov. Ce qui est bon à prendre est bon à rendre, pour dire, qu’Il vaut mieux se saisir d’une chose sur laquelle on croit avoir quelque droit, que de la laisser prendre à un autre ; parceque au pis aller, on en est quitte pour la rendre.
On dit, qu’Un cheval prend le mors aux dents, pour dire, qu’Il s’emporte & qu’on ne peut le retenir. Et fig. on dit, Prendre le mors aux dents, pour dire, Prendre courageusement une bonne résolution, & l’effectuer avec ardeur.
Prendre possession, Terme de Justice & de formule, qui s’emploie ordinairement en parlant d’Un bénéfice, d’une terre, d’un héritage. Prendre possession d’un prieuré, d’une Cure. Prendre possession par provision. On dit aussi, Prendre possession, pour dire, Entrer en éxercice d’une Charge ; entrer en jouissance de quelque bien, de quelque revenu.
Prendre, Se dit aussi, en parlant De l’état que l’on choisit, de la profession que l’on embrasse. De ces deux frères, l’aîné a pris le parti de la robe, & le cadet a pris celui de l’épée.
Prendre, Se dit absolument, pour Arrêter quelqu’un, dans le dessein de le conduire en prison. Le voleur qu’on cherchoit depuis si long-temps, a été pris par la maréchaussée. On dit dans le même sens, Prendre prisonnier ; mais, Prendre prisonnier de guerre, signifie, Faire prisonnier par le droit de la guerre.
Prendre, Se dit aussi, en parlant Des places que l’on gagne, que l’on assujétit, dont on se rend maître par les armes. Prendre une ville, un château. On a pris cette ville d’assaut. Cette place a été prise de vive force ; les autres ont été prises par composition. La citadelle a été prise d’emblée.
Il se dit en parlant, De chasse, & de pêche. Prendre un sanglier. Prendre des cailles. Nous avons chassé tout le jour, sans rien prendre. L’oiseau a pris une perdrix. Prendre des oiseaux à la pipée, au trébuchet. Prendre des loups, des renards au piége. Cet oiseau s’est laissé prendre à la main. On a pris beaucoup de poisson. Nous avons pris tant de carpes d’un coup de filet. Prendre du poisson à la ligne, à l’hameçon.
On le dit fig. En parlant Des hommes qui se laissent tromper. Il s’est laissé prendre au piége, à l’hameçon. Cette femme l’a pris dans ses filets. Et on dit, Prendre quelqu’un au trébuchet, pour dire, L’engager par adresse, par de belles apparences, à faire une chose qui lui est désavantageuse, ou qui est contraire à ce qu’il avoit résolu.
On dit, Prendre pour dupe, pour dire, Tromper, duper. Il a fait un mauvais marché, on l’a pris pour dupe, il a été pris pour dupe. On dit dans le même sens, Il a été pris pour un homme de son pays. Mais, Prendre un homme pour une dupe, c’est Le regarder comme un homme facile a tromper.
On dit famil. & prov. Etre pris comme dans un bled, pour dire, Etre attrapé de manière qu’on ne se puisse sauver.
On dit famil. Prendre un homme par le bec, pour dire, Le convaincre de quelque chose par ce qu’il a dit lui-même ; l’obliger adroitement à dire des choses qui lui sont préjudiciables, afin de s’en prévaloir contre lui.
Prendre, Signifie quelquefois, Attaquer. Prendre son ennemi par derrière. Prendre en trahison. Prendre les ennemis en flanc. Il s’emploie en quelques phrases, dans le sens de Surprendre. Ainsi, Prendre quelqu’un sur le fait, veut dire, Le surprendre dans le temps même d’une action qu’il vouloit cacher : Et, dans le même sens, on dit A un homme que l’on surprend tandis qu’il fait une chose qu’il vouloit qu’on ignorât, Je vous y prends. Il est familier.
Prendre quelqu’un sans verd, c’est Le surprendre au dépourvû : Ce qui se dit proverbialement & fig. Des personnes que l’on surprend dépourvûes de ce qui leur est nécessaire, dans l’occasion dont il s’agit. Je ne suis pas en état de vous donner à dîner, vous me prenez sans verd. C’est une métaphore tirée d’une sorte de jeu, où l’on est obligé, sous certaines conditions, d’avoir toûjours sur soi quelques feuilles de verd cueillies le jour même. Voyez VERD.
On dit, Que la fièvre a pris à quelqu’un, pour dire, qu’Il a été attaqué de la fièvre, qu’il a commencé d’avoir la fièvre.
On dit prov. A la bonne heure nous prit la pluie, pour dire, que Lorsqu’une chose, qui étoit dangereuse, arriva, on étoit hors de péril.
Prendre, Se dit fig. pour Entendre, comprendre, concevoir. Prendre bien le sens d’un Auteur. Il prend mal ce passage, le sens de ce passage. Prendre les choses de travers. Prendre une chose à contre-sens.
Il se dit aussi, pour Expliquer, interpréter, considerer les choses d’une certaine manière. Il a bien pris ce qu’on lui a dit de votre part. Vous prenez mal mes paroles. Prendre du bon, du mauvais biais. Prendre à rebours de bien.
On dit, Prendre quelque chose en bonne part, ou en mauvaise part, pour dire, En être content ou mécontent, recevoir bien ou mal ce p. 410qu’on nous dit, ce qu’on nous fait, le trouver bon ou mauvais. On dit de même, qu’Un mot se peut prendre en bonne ou en mauvaise part, pour dire, qu’Il peut avoir un sens favorable, ou un sens désavantageux.
On dit, Prendre une chose à la lettre, au pied de la lettre, pour dire, L’expliquer précisément, selon le sens litteral, selon le propre sens des paroles. Il ne faut pas toûjours prendre les choses au pied de la lettre. Vous prenez trop à la lettre ce qu’on vous a dit, On dit à peu près dans le même sens, Prendre les choses à la rigueur, pour dire, Trop à la lettre, sans modification.
On dit, Prendre en jeu, prendre en riant quelque chose, pour dire, Ne s’en fâcher pas, n’en faire que rire. Et Prendre sérieusement quelque chose, pour dire, L’entendre comme si elle avoit été dite sérieusement.
En ce sens on dit, Prendre en gré, pour dire, Supporter patiemment. Il a pris son mal en gré. Il est du style familier. Et on dit, Il lui a pris en gré de faire une telle chose, pour dire, Il lui a pris fantaisie de faire une telle chose.
Prendre, Se dit, en parlant Des étoffes & des habits, pour marquer la façon dont on les coupe, dont on les emploie. Le Tailleur a mal pris cette étoffe. Prendre de droit fil. Prendre à l’envers. Prendre à poil, à contre poil.
On dit fig. Prendre bien ou mal une affaire, pour dire, Lui donner un bon ou un mauvais tour, la conduire bien ou mal. Il a mal pris mon affaire, voici comme il la falloit prendre. L’affaire n’a pas bien réussi parce qu’on ne l’a pas bien prise.
Prendre, S’emploie en quelques phrases dans le sens de Vendre, & dans le sens d’Acheter. Ainsi l’on dit, qu’Un Marchand prend tant de sa marchandise pour dire, qu’Il la vend tant. Il prend dix écus de l’aune de ce brocard, cet autre Marchand n’en prend que vingt cinq francs. Et l’on dit, J’ai pris toute sa marchandise à tel prix. J’en donnerai tant à tout prendre. Prendre en bloc, en gros, &c. pour dire, J’ai acheté toute sa marchandise, &c.
Il se dit aussi, pour Lever quelque droit. On prend tant par chaque muid de vin, pour chaque bœuf, &c.
Prendre, Se dit, pour Recevoir, accepter. Je n’ai point fait de marché avec lui, mais il a pris ce que je lui ai donné. Prenez ce petit présent. Prenez ce qu’il vous donnera.
On dit prov. En ce sens, Qui prend s’engage, ou qui prend se vend, pour dire, que Ceux qui empruntent ou qui recoivent des présens s’assujétissent à ceux qui les obligent. On dit de même, Fille qui prend, se vend ; & fille qui donne, s’abandonne.
On dit, Prendre à intérêt, pour dire, Emprunter à condition de payer les intérêts de la somme.
On dit, Prendre une chose à ses risques, périls & fortunes, pour dire, L’entreprendre sans garantie & avec danger d’y perdre.
On dit aussi, qu’Une personne a pris une affaire à ses risques, périls & fortunes ; & qu’elle l’a prise à forfait, pour dire, qu’Elle s’en est chargée pour une certaine somme à perte ou à gain.
On dit, Au jeu de la Paume, Prendre la balle de volée, à la volée, la prendre au bond, pour dire, La jouer de volée, la jouer au bond. Et fig. Prendre la balle au bond, signifie, Ne laisser pas échapper l’occasion de faire réussir quelque chose.
On dit, Prendre les choses comme elles viennent, pour dire, Les recevoir sans se mettre beaucoup en peine des suites. Et Prendre le temps comme il vient, pour dire, Ne s’inquiéter de rien, s’accommoder à tous les évenemens.
On dit, Dans les maisons Religieuses, Prendre la discipline, pour dire, Se donner la discipline. Ces Religieuses prennent la discipline deux fois la semaine.
On dit, d’Un cheval, qu’Il prend quatre ans, cinq ans, &c. pour dire, qu’Il entre dans sa quatrième, dans sa cinquième année.
On dit, qu’Un homme a pris quelque chose pour argent comptant, pour dire ; qu’On lui a fait passer une fausseté pour une chose vraie. Cet homme prend pour argent comptant toutes les nouvelles qu’on débite.
Prendre, Signifie quelquefois, Avaler, humer soit pour se nourrir, soit par manière de remède. Prendre un bouillon. Prendre un verre de vin. Prendre du caffé, du thé, du chocolat. Prendre une médecine. Prendre du quinquina, de l’émétique.
Il se dit aussi, pour Boire, manger en petite quantité. Prendre un morceau de pain & un doigt de vin pour déjeuner.
Il se dit, pour Humer, attirer par le nez. Prendre la fumée de l’encens, la fumée du genièvre. Prendre du tabac. Prendre de la bétoine.
On dit aussi, Prendre un lavement.
On dit, qu’Un homme a pris sa bonne part de quelque chose, pour dire, qu’Il y a participé. Il a pris sa bonne part de la fête, du plaisir.
Prendre, Se dit, A l’égard de ceux qui voyagent, pour Choisir un chemin entre plusieurs. Il faut prendre à droite, à gauche, pour dire, Il faut poursuivre son voyage par le chemin que l’on trouvera à sa main gauche ou à sa main droite. Prendre la première rue, prendre par-là, &c. pour dire, Aller par la première rue, aller par un tel chemin.
En ce sens on dit, Prendre le plus long ou le plus court, prendre son plus long ou son plus court, pour dire, De divers chemins qui mènent en un lieu, tenir celui qui est le plus long ou le plus court. Prendre la voie du messager, la voie du carrosse, la voie de la diligence, pour dire, Aller par la voie du messager, par la voie du carrosse, par la voie de la diligence, &c. On dit de même, Prendre la diligence, prendre la poste.
On dit, Prendre la route d’Italie. Prendre la route de Bourdeaux, &c. pour dire, Aller par la route, &c.
On dit fig. Prendre la bonne voie ou la mauvaise voie, pour dire, Se porter au bien, se porter au mal. On le dit aussi, Des moyens dont on se sert pour faire réussir quelque affaire. Il faut prendre cette voie. La voie que vous prenez n’est pas bonne, ne sera pas honnête.
On dit, Au propre, Prendre les devans, pour dire, Partir avant quelqu’un ; Et au fig. pour dire, Prévenir quelqu’un.
On dit, Prendre le pas sur quelqu’un, pour p. 411dire, Passer devant lui pour le précéder ; Et, Prendre la droite, pour dire, Marcher à sa droite.
Prendre congé de quelqu’un, signifie, Dire adieu à quelqu’un en le quittant.
En termes de Marine, on dit, Prendre le vent, pour dire, Tendre les voiles, en sorte que le vent pousse le vaisseau où l’on veut. On dit aussi, Prendre terre. Prendre port en quelque terre, pour dire, Y aborder, y débarquer. On prit terre au Cap de bonne Espérance. Et l’on dit, Prendre la haute mer, pour dire, S’éloigner du rivage, se mettre en haute mer. On dit dans le même sens, Prendre le large ; Et fig. & famil. Prendre le large, signifie, S’enfuir.
On dit encore, En termes de Marine, Prendre la hauteur du Soleil, pour dire, Observer avec un instrument, principalement à l’heure de midi, l’élévation du Soleil au dessus de l’horison. Et absolument, Prendre hauteur, pour dire, Observer par le moyen du Soleil ou d’une étoile fixe, le degré de latitude du lieu où l’on est.
Prendre, S’emploie encore en plusieurs autres phrases, où il a diverses acceptions. Ainsi l’on dit en faisant une narration. Il faut prendre la chose de plus haut, pour dire, Il faut commencer par raconter des choses qui ont précédé.
On dit aussi, qu’Une rivière prend sa source en certain lieu, pour dire, qu’Elle commence à couler de ce lieu-là. La Garonne prend sa source dans les Monts Pyrénées.
On dit de même, d’Une famille, qu’Elle prend son origine d’un tel, pour dire, qu’Elle en tire son origine. Une telle maison prend son origine de, &c.
On dit famil. Prenez le cas que, prenons le cas que, & plus ordinairement, Prenez que, prenons que, pour dire, Supposez, supposons que. Prenons le cas que telle chose arrive. Prenez que je n’aye rien dit.
On dit aussi, Prendre sur sa nourriture, sur sa dépense, sur son nécessaire, &c. pour dire, Retrancher de sa nourriture, de sa dépense, &c. pour employer à une autre chose. Il prend sur son nécessaire pour donner aux pauvres.
On dit dans le même sens, Prendre sur son sommeil.
On dit, Prendre sur soi, pour dire, Répondre d’une chose, s’en charger. Ne vous inquiètez point, de l’événement de cette affaire, je prends cela sur moi.
On dit, qu’Un homme prend trop sur lui, pour dire, qu’Il travaille trop, qu’il ne se fait pas assez aider.
On dit aussi, qu’Une personne prend beaucoup sur elle, pour dire, qu’Elle se retient, qu’elle se fait violence, qu’elle se contraint.
On dit, Prendre la fuite, pour dire, S’enfuir. Et prov. Prendre la clef des champs, pour dire, S’enfuir, se sauver.
On dit qu’Un homme prend son escousse, pour dire, qu’Il se donne un certain mouvement du corps en courant, pour s’élancer ensuite avec plus de force. Il a pris son escousse. Il a sauté le fossé sans prendre son escousse.
On dit, Prendre un expédient, pour dire, Choisir un moyen, un expédient pour terminer une affaire. Il faut prendre quelque expédient. C’est le meilleur expédient que nous puissions prendre pour votre affaire.
Prendre pied, Se dit De ceux qui ayant nagé touchent au fond avec les pieds Après avoir nagé long-temps, il a pris pied au bord de la rivière. Il a été un quart-d’heure sans pouvoir prendre pied.
On dit fig. Prendre pied sur quelque chose, pour dire, Se fonder sur quelque chose pour en tirer avantage, ou pour se régler par-là. S’il prend pied sur ce qu’on lui a dit, il a tort.
Prendre pied sur les actions de quelqu’un, c’est Vouloir imiter son éxemple, comme pour s’égaler à lui. Un petit Gentilhomme ne doit pas prendre pied sur les manières, sur le train, sur la dépense d’un Prince, d’un seigneur.
Prendre pied, S’emploie encore fam. pour dire, Se régler sur quelque chose comme si elle devoit continuer. Il ne faut pas prendre pied sur les premières faveurs de la fortune.
On dit prov. Prendre quelqu’un au pied levé, pour dire, Vouloir obliger quelqu’un à faire quelque chose sur le champ & sans lui donner le temps de se reconnoître. Vous me prenez bien au pied levé.
On dit, Prendre quelqu’un au saut du lit, pour dire, L’aller trouver dès le matin, afin de ne le pas manquer.
On dit, Prendre éxemple sur quelqu’un, pour dire, Se régler sur ses actions, sur sa conduite, &c.
Prendre avis, prendre conseil, c’est, Consulter quelqu’un, lui demander conseil, pour se résoudre sur quelque affaire. J’ai pris conseil d’un habile homme.
Et on dit, Prendre les avis, pour dire, Recueillir les avis.
Prendre intérêt, prendre part à une chose, c’est, S’y intéresser, y avoir part, y participer. Je ne puis m’empêcher de prendre beaucoup de part à tout ce qui vous regarde.
On dit aussi dans le même sens, Prendre intérêt à quelqu’un. Prenez-vous quelque intérêt à cet homme-là.
On dit, Prendre peine à quelque chose, pour dire, S’efforcer de la bien faire.
Et, Prendre haleine, prendre son vent, pour dire, Respirer.
Prendre l’air, c’est, Sortir d’un lieu où l’on étoit enfermé pour aller dans quelque endroit découvert ; comme dans une cour, dans un jardin, &c.
Il se dit par extension, De ceux qui vont passer quelques jours à la campagne. Il est allé prendre l’air à sa maison de campagne. Et, Prendre un peu d’air, c’est, Faire entrer un nouvel air dans un lieu renfermé. Ouvrez une fenêtre, pour prendre un peu d’air.
On dit, qu’Un homme prend des airs, prend de certains airs, pour dire, qu’Il a des manières hautes, qu’il veut se faire valoir.
On dit, Prendre feu, pour dire, S’allumer, s’enflammer. Les étoupes prennent feu aisément. L’eau de vie, l’esprit de vin prennent feu en un moment. Il se dit particulièrement des armes à feu. Ce pistolet a pris feu lorsqu’on y pensoit le moins. Le fusil n’a pas pris feu.
On dit aussi fig. Prendre un rat, pour dire, Ne prendre pas feu. Il voulut tirer, mais son pistolet prit un rat. Il se dit aussi, pour signifier, p. 412Manquer son entreprise.
On dit, que Le feu a pris à une maison, à un magazin.
On dit fig. Prendre feu, pour dire, S’échauffer, se mettre en colère. Cet homme est fort violent, il prend feu pour rien.
On dit famil. Prendre la mouche, prendre la chèvre, pour dire, Se fâcher, s’irriter tout à coup, sans beaucoup de sujet, mal-à-propos.
On dit, Prendre plaisir à quelque chose, y prendre son plaisir, pour dire, S’y plaire.
On dit, Prendre le plaisir de la chasse, de la pêche, de la promenade, &c. pour dire, Aller à la chasse, à la pêche, à la promenade.
On dit, Prendre patience, pour dire, Avoir de la patience dans les choses qui font de la peine. Et, Prendre son mal en patience, pour dire, Le souffrir patiemment. Prendre patience, signifie aussi, Attendre sans inquiétude.
On dit, qu’Une chose prend forme, pour dire, qu’Elle commence à se former, & à devenir telle qu’elle doit être.
Prendre pitié du mal d’autrui, c’est, En être touché. Je prens pitié de votre malheur.
Prendre langue, signifie, S’informer, s’enquérir, tâcher de savoir. Il est allé dans la ville pour prendre langue. Et l’on dit, On a envoyé un parti afin de prendre langue des ennemis, pour dire, On a envoyé un parti à la découverte. Avant que de s’embarquer dans cette affaire, il est bon de prendre langue.
Prendre soin d’une personne, d’une chose, est, En avoir soin. Je prendrai soin de cette affaire.
Prendre garde à quelqu’un, à quelque chose, est, En avoir un soin particulier, veiller à sa conservation. Si vous allez dans la presse, prenez bien garde à votre bourse. On le dit aussi, pour dire, Remarquer, faire réfléxion. Prenez bien garde à cela. Prenez garde à tout ce qui se passera dans l’assemblée où vous allez.
On dit, Prendre garde à soi, prendre garde que, pour dire, Etre sur ses gardes. Vous avez des ennemis, prenez garde à vous. Prenez garde qu’on ne vous trompe, qu’on ne vous joue un mauvais tour.
On dit, Prendre prétexte de quelque chose, ou sur quelque chose, pour dire, S’en servir pour colorer une prétention, une entreprise.
On dit de même, Prendre occasion d’une chose, pour dire, Se servir d’une occasion qui se présente, s’en prévaloir pour ses affaires.
Prendre jour & heure, prendre assignation, c’est, Demeurer d’accord de se trouver en quelque lieu, à jour certain & à certaine heure.
Prendre du délai, prendre du temps, c’est, Retarder, différer l’éxécution de quelque chose.
Prendre son temps, signifie, Se servir du moment favorable pour faire réussir quelque chose. Je prendrai mon temps pour cela.
Prendre date, c’est, Retenir une date : Et, Prendre l’ordre, c’est, Recevoir l’ordre de celui qui doit le donner.
Prendre avantage, prendre ses avantages, signifie, Profiter, tirer avantage des occasions qui se présentent. Cet homme prend avantage de tout. Il sait bien prendre ses avantages.
Prendre avantage, Se dit aussi, De ceux qui ne pouvant monter facilement à cheval, s’aident pour cela d’une pierre ou d’un lieu élevé.
Au jeu de la Paume, on dit, Prendre sa bisque, pour dire, Compter le quinze qu’on a reçû de celui contre qui l’on joue, & qu’on est en droit de prendre quand on veut. On dit figurément, Prendre sa bisque, pour dire, Faire usage à propos d’un moyen qu’on a pour réussir dans une affaire, pour obtenir une grace.
Prendre des mesures, prendre ses mesures, signifie, Prendre des moyens & des expédiens pour faire réussir une chose. Cet homme a réussi dans son dessein, il avoit bien pris ses mesures. Prendre de bonnes, de justes mesures. Prendre de fausses mesures.
Prendre la parole, c’est, Commencer à parler dans une assemblée, où plusieurs autres peuvent parler. Le premier qui prit la parole fut. Après la proposition faite, un tel prit la parole. Et, Prendre parole, c’est, Tirer assûrance, promesse verbale qu’on fera certaine chose. J’ai pris parole de lui, qu’il, &c.
Prendre sa revanche, signifie en termes de jeu, Jouer une seconde partie pour se racquitter de ce qu’on a perdu à la première. Il a perdu la première partie & a pris sa revanche.
Il s’emploie aussi au fig. pour dire, Regagner un avantage qu’on avoit perdu, ou l’équivalent. Ce Général fut battu l’année dernière, mais il va prendre sa revanche.
Prendre une habitude, signifie, Contracter, former quelque habitude. Il a pris de fort méchantes habitudes.
Prendre à témoin, c’est, Demander que ceux qui sont présens à quelque action, témoignent la vérité de ce qui s’y est passé. Je vous prends à témoin de la violence, de l’insulte que cet homme vient de me faire.
Prendre à partie, c’est, Attaquer en Justice un homme, qui n’étant pas notre partie, est regardé comme s’il l’étoit. Vous vous opposez à l’éxécution de l’Arrêt que j’ai obtenu contre un tel, je vous prends à partie, vous me répondrez de tous dommages & intérêts.
On dit aussi, Prendre à partie un Juge, Lorsqu’on se plaint en Justice d’un Juge, qu’on prétend avoir mal jugé contre l’Ordonnance, ou autrement. Ce Juge a prévariqué, je le prendrai à partie & le rendrai responsable du tort & du dommage qu’il a fait par son jugement.
On dit, Prendre quelqu’un au mot, pour dire, Accepter ses offres, en matière d’achat ou de vente.
On dit aussi, Prendre au mot, De tout ce qu’on nous propose, & qu’on nous offre quand nous l’acceptons. Vous m’offrez cet échange, ce parti, &c. je vous prends au mot.
On dit, Prendre faveur, pour dire, Commencer à être recherché, à être goûté. Cette marchandise prend faveur.
On dit, A tout prendre, pour dire, En considérant, en compensant le bien & le mal. Cet homme est brusque, chagrin, pointilleux, mais à tout prendre, c’est le meilleur homme du monde. Cette maison a ses défauts, mais à tout prendre elle est belle, elle est agréable, commode.
p. 413On dit, Prendre un homme pour un autre, pour dire, Croire qu’un homme en est un autre. La mère de Darius prit Ephestion pour Aléxandre. On dit de même, Prendre une chose pour une autre, pour dire, Croire qu’une chose en est une autre.
On dit aussi fam. Prendre quelqu’un pour un autre, pour dire, En juger autrement qu’il ne faut. Vous croyez que c’est un habile homme, vous croyez que c’est un sot, vous le prenez pour un autre. En ce sens, on dit proverbialement, Prendre marte pour renard, pour marquer Une grande méprise. Et dans le même sens encore, Prendre Paris pour Corbeil.
On dit, Des viandes qui rôtissent, qu’Elles prenent couleur, pour dire, qu’Elles commencent à être cuites comme il faut. Et, Au jeu du Lansquenet, Prendre couleur, c’est, Se mettre au nombre des Coupeurs.
Prendre, Se dit, Des maladies qui se gagnent, dont on est atteint par la communication, par le mauvais air. Il a pris la fièvre d’un tel. Il a pris le mauvais air.
Prendre chair, Se dit, pour Engraisser, devenir charnu. Cet enfant n’a pas encore pris chair. Ce cheval commence à prendre chair. La jambe de cet homme, dont l’os étoit découvert, commence à prendre chair.
En parlant du Mystère de l’Incarnation, on dit, que Le Verbe a pris chair dans le sein de la Vierge.
Prendre sel, ou, prendre son sel, se dit, Des viandes que l’on sale.
Prendre racine, Se dit, Des arbres & des plantes, pour dire, que Les racines s’étendent dans la terre, & qu’elles en tirent leur nourriture. Cet arbre a pris racine. Une telle plante ne sauroit prendre racine dans cette terre.
En parlant d’Un homme qui s’adonne fort dans une maison, & qui y est presque toûjours, ou de celui qui demeure trop long-temps dans une visite, on dit fig. qu’Il y a pris racine, qu’il semble qu’il y veuille prendre racine.
Prendre, Se dit absolument & neutralement, pour dire, Prendre racine. La vigne ne prend pas d’ordinaire en Basse Normandie. Il y a des plantes qui prennent également en toute sorte de pays, il y en a d’autres qui ne prennent qu’en de certaines terres.
On dit fig. en parlant d’Un ouvrage d’esprit, qu’Il a pris, ou qu’il n’a pas pris, pour dire, qu’Il a réussi, ou qu’il n’a pas réussi.
Prendre, neutre, Se dit, De ce qui fait impression à la gorge, au nez. Ce ragoût, pour être trop épicé, prend à la gorge. Voilà une odeur trop forte, elle prend au nez.
En parlant De ce qui a contribué au bon ou au mauvais succès qu’un homme a eu dans quelque affaire, on dit, Bien lui a pris d’avoir été averti. Bien lui prit de s’être précautionné. Il lui prendra mal un jour de songer si peu à ses affaires. Dans cette acception il se joint plus ordinairement avec la particule En. S’il ne se corrige, il lui en prendra mal. Après ce qu’il avoit fait, bien lui en prit d’avoir eu des protecteurs.
Prendre, Se dit encore, en parlant De l’eau qui vient à se geler, à se glacer. Si le froid dure encore deux jours, la rivière prendra. On le dit de même, en parlant Du lait qui se caille. Si on veut que le lait prenne, il faut....
Prendre, Se joint aussi avec le pronom personnel, & il se dit en diverses acceptions. Ainsi, en parlant d’Un homme qui, pour éviter quelque péril, s’attache à quelque chose, comme à un arbre, à une corde, &c. on dit, qu’Il s’est pris à un arbre, &c. Un homme qui se noye se prend à tout ce qu’il peut.
On dit, que L’habit d’un homme s’est pris à un clou, à une épine, pour dire, qu’Il s’est accroché à un clou, à une épine. Il se dit aussi de la personne. Il s’est pris à un clou, & son habit a été déchiré.
On dit, Se bien prendre à une chose, pour dire, La faire adroitement, s’y conduire avec esprit. Il s’est bien pris à cette affaire. On dit au contraire, qu’On s’y est mal pris, pour dire, qu’On n’a pas agi comme il falloit pour y réussir.
On dit, Se prendre à, pour dire, Commencer à. Il se prit à rire. Elle se prit à pleurer.
On dit, Se prendre de paroles avec quelqu’un, pour dire, Se quereller, avoir un démêlé. Ils se sont pris de paroles. Et, S’en prendre à quelqu’un, pour dire, Lui attribuer quelque faute, l’en quereller, vouloir l’en rendre responsable, lui en donner le tort. On s’en prend à moi, comme si j’avois fait la faute, comme si j’avois part à cette affaire. S’il y a du mal, prenez-vous en à vous-même.
Se prendre, Se dit aussi, Des liqueurs qui viennent à se figer. L’huile se prend quand on la tient en lieu frais. Le sirop se prendra bientôt.
On dit, Se prendre de vin, pour dire, S’enyvrer. Se prendre d’amitié, se prendre d’aversion pour quelqu’un, pour dire, Concevoir de l’amitié, de l’aversion pour quelqu’un.
Pris, ise. part. pass. Il a presque toutes les significations de son verbe. Une ville prise. Un poisson pris dans les filets. Un homme pris de vin. Pris par les yeux, par le bec. Un homme pris pour dupe.
On dit prov. C’est autant de pris sur l’ennemi, pour dire, que C’est toûjours quelque avantage qu’on a remporté.
On dit, qu’Un homme est bien pris dans sa taille, pour dire, qu’Il est bien fait. Cet homme-là est petit, mais il est bien pris dans sa taille. Et, en parlant d’un cheval, on dit, qu’Il est bien pris, pour dire, qu’Il a le corsage bien fait.
Au jeu du Lansquenet, on dit, qu’Un homme est pris, Quand sa carte a été faite. Il avoit carte double & il a été pris le premier, il a été le premier pris.
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