fortune

3e édition

FORTUNE.

s. f.
■  Cas fortuit, hasard. Bonne fortune. Mauvaise fortune. En cas de fortune. Je me rencontrai-là par bonne fortune pour moi. Il donne tout à la fortune. Les accidens de la fortune. Il court fortune d’être grand Seigneur, d’être un jour fort riche. Il court fortune d’hériter de tous ces grands biens. Il a couru fortune d’épouser une grande héritiére. Il a couru fortune d’être noyé. Il court fortune de la vie. J’en courrai la fortune. Tenter fortune. Brusquer fortune.
Il se prend quelquefois pour Bonheur. Il joue bien, il a de la conduite, mais il n’a pas de fortune. Il ne manque pas de mérite, mais il a peu de fortune. Il est en fortune, il gagne tout ce qu’il joue.
Il se prend aussi pour Malheur, péril, danger, risque. Dieu vous préserve de mal & de fortune. Et dans cette phrase, style de Pratique, A ses risques, périls & fortune. En ce même sens on dit prov. Contre fortune bon cœur.
On appelle, Fortune de mer, Les fâcheux accidens qui arrivent à ceux qui navigent sur mer, comme de faire naufrage, d’échouer, &c.
Fortune, se prend aussi, pour tout ce qui peut arriver de bien ou de mal à un homme. Courir la fortune de quelqu’un. Nous courons tous deux même fortune. Nous sommes compagnons de fortune. S’attacher à la fortune de quelqu’un, suivre sa fortune. Il est le maître & l’arbitre de ma fortune. Il a éprouvé l’une & l’autre fortune.
Il se prend aussi, pour L’avancement & l’établissement dans les biens, dans les charges, dans les honneurs. Grande fortune. Belle fortune. Médiocre fortuné. Sa fortune est digne d’envie. Faire fortune. Faire sa fortune. Etablir, affermir sa fortune. Ruiner sa fortune. Perdre sa fortune par sa mauvaise conduite. Ménager bien sa fortune. Parvenir à une haute fortune. S’il vit, il portera, il poussera sa fortune bien loin. Vous étes en beau chemin, poussez votre fortune. N’abusez pas de votre fortune. Sa fortune est encore chancelante. Il semble que sa fortune diminue, qu’elle baisse. Ses envieux tâchent de traverser, d’ébranler sa fortune. Tenir sa fortune de quelqu’un. Il doit sa fortune à un tel. Il ne doit sa fortune qu’à son propre mérite. On a vû des fortunes bien étonnantes depuis vingt ans. Les fortunes subites ne sont pas toujours durables.
Il se prend aussi, pour L’état, la condition où l’on est. Se contenter de sa fortune. Il s’est toujours tenu dans sa premiére fortune. Il n’a point changé de fortune.
On appelle, Biens de la fortune, Les richesses, les honneurs, les charges. Les biens de la fortune ne sont pas les vrais biens. Les Sages ne recherchent pas ardemment les biens de la fortune.
On appelle, Homme de fortune, Soldat de fortune, Un homme, un Soldat, qui d’un fort petit commencement, est parvenu à de grande biens, à de grandes charges.
On dit prov. & figur. que Chacun est artisan de sa fortune, pour dire, que généralement parlant, chacun peut se rendre heureux dans son état, que notre bonheur dépend de notre conduite.
Et on dit prov. Busquer fortune, pour dire, Chercher à faire fortune. On le dit aussi, pour dire, Chercher une bonne rencontre.
Bonne fortune, se dit en termes de galanterie, pour signifier, Les bonnes graces d’une femme. Il est aimé des Dames, il a de bonnes fortunes. C’est un homme à bonnes fortunes. Aller en bonne fortune.
Fortune, selon les Payens, étoit une Déesse qui faisoit le bonheur & le malheur, tous les bons & les mauvais succès. Le temple de la Fortune. La statue de la fortune. Les Romains adoroient la fortune, sacrifioient à la Fortune. Aujourd’hui que nous reconnoissons que la Fortune n’est rien par elle-même, on ne laisse pas néanmoins de se servir de la pluspart des phrases dont les anciens se servoient ; & alors elles sont figurées. Ainsi on dit, La Fortune est aveugle, inconstante, légére, variable, contraire, favorable, cruelle, insolente, bizarre, capricieuse, changeante, volage. Les caresses, les faveurs de la Fortune. L’inconstance, le caprice, la bizarrerie, les revers de la Fortune. Les révolutions de la Fortune. L’empire, la puissance de la Fortune. Il est maltraité de la Fortune. Il accuse la Fortune de son malheur. La Fortune lui rit. La Fortune lui en dit, lui en veut. La Fortune lui a tourné le dos. La Fortune élève les p. 716uns, abaisse les autres. Se commettre, s’abandonner à la Fortune. La roue de la Fortune. La Fortune est ordinairement ennemie de la vertu. La Fortune préside à la guerre, à la Cour, au jeu. La Cour est le théatre de la Fortune. Cet homme de néant élevé si haut est un jeu de la Fortune, un ouvrage du caprice de la Fortune. Les hommes sont le jouet de la Fortune. La Fortune se joue de tout. La Fortune aime les jeunes gens,
On appelle tous les grands changemens qui arrivent aux hommes ou aux Etats, & qui les élèvent ou les abaissent, Des jeux, des coups, des caprices de la Fortune.
On dit figur. Attacher un clou à la roue de la Fortune, pour dire, Trouver moyen de la fixer.
On dit, Adorer la Fortune, sacrifier à la Fortune, pour dire, S’attacher à ceux qui sont en faveur, en crédit.
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