parler

5e édition

[I.] PARLER.

v. n.
↪ voir aussi : [II.] Parler (n. m.)
■  Proférer, prononcer des mots, articuler des mots. Un enfant qui commence à parler, qui ne sait pas encore parler. Ce malade est à l’extrémité, il ne parle plus. Notre Seigneur a fait parler les muets. Vous parlez si bas, que je ne vous entends point. Il ne faut pas parler haut dans la chambre d’un malade. Parler du nez. Parler de la gorge. Parler à l’oreille. Parler peu. Parler trop. Parler avec peine. Avoir de la peine à parler. Il parle toujours entre ses dents. Parler gras.
En ce sens, il se dit De certains oiseaux qui imitent le langage de l’homme, comme les perroquets, les sansonnets, les geais, les pies, etc. Apprendre à parler à un perroquet. Un oiseau qui commence à parler.
Parler, signifie aussi, Discourir, s’énoncer par le discours, soit dans un entretien familier, soit en public. De quoi parlez-vous ? Nous parlions de vos affaires. Parler de nouvelles. Il parle de cela en homme instruit, en habile homme. Il parle très-pertinemment de toutes choses. Parler comme un Ange, comme un oracle. Il parle de tout à tort et à travers, sans savoir ce qu’il dit. Je n’en parle que par ouï dire. Il n’en parle que par envie. Parler de tout en étourdi, comme un étourdi. Parler tête à tête. Parler familièrement ensemble. Moi qui vous parle. Parler sans témoins. Parler en public. Parler devant une grande assemblée. Parler sur-le-champ. Parler sans être préparé, sans préparation. Parler sur des matières difficiles. Parler en bons termes, en termes précis. Parler avec éloquence, avec véhémence, avec action. Parler avec quelqu’un. Nous en parlerons tantôt ensemble. Je vous parlerai de quelque chose qui vous regarde. Je lui ai parlé de vos intérêts. Je les ai laissés qui parloient d’affaires.
On fait Parler neutre et absolu dans les exemples suivans, où il signifie Discourir, manier la parole. Il ne sait pas parler. Il a de la grâce à parler. Quand ce fut à lui de parler. Parler à son rang, à son tour. C’est à mon tour à parler. M. un tel a parlé.
On dit familièrement, Voilà ce qui s’appelle parler, ou simplement, Voilà parler ; c’est parler cela, Lorsque quelqu’un fait des propositions plus avantageuses qu’on ne s’y attendoit. Il se dit aussi pour Louer quelqu’un qui a dit, sur une question qu’on a long-temps agitée, des choses claires, lumineuses, péremptoires.
On dit figurément qu’Un homme parle Grec, Bas-Breton, Haut-Allemand, pour dire, qu’Il s’exprime d’une manière inintelligible, comme s’il parloit une Langue inconnue ; et l’on dit au sens contraire, De quelqu’un qui s’exprime clairement, intelligiblement, C’est parler François. On dit dans le même sens, mais populairement, C’est parler Chrétien.
On dit figurément et familièrement, Parler François, pour dire, S’expliquer nettement et précisément sur une affaire. Parlez-nous François. On a bien de la peine à vous faire parler François.
On dit, Parler juste, pour dire, Raisonner et s’exprimer avec justesse.
On dit, Vous parlez d’or, à Quelqu’un qui ouvre un avis utile.
On dit, Parler Phébus, pour, s’Exprimer avec emphase, en termes ampoulés.
On dit, Parler raison, pour dire, Le langage de la raison. Il faut de bonne heure parler raison aux enfans.
On dit en termes de Palais, qu’Un Avocat, qu’un Procureur parle pour un tel, pour dire, qu’Il plaide pour un tel. Et l’on dit, Parler pour quelqu’un, en faveur de quelqu’un, pour dire, Intercéder pour lui auprès d’un autre ; et, Parler contre quelqu’un, pour dire, Parler de quelqu’un à dessein de lui nuire.
On dit proverbialement, Parler de la pluie et du beau temps, pour dire, Discourir, s’entretenir de choses indifférentes.
On dit proverbialement, Parler d’une affaire à bâtons rompus, pour dire, En parler à diverses reprises, à diverses fois, et sans suite. Il ne m’a jamais parlé de son affaire qu’à bâtons rompus.
On dit proverbialement, Parler en l’air, pour dire, Parler sans aucun dessein, sans aucune vue particulière. Je vous parle de cela en l’air, et sans aucune intention.
On dit aussi, Parler en l’air, pour dire, Parler sans fondement et sans être bien instruit. Il parle de cela en l’air, et sans savoir de quoi il est question.
On dit à peu près dans le même sens, Parler au hasard, à la boulevue, pour dire, Parler témérairement de ce qu’on ne sait pas bien. C’est un homme qui parle de toutes choses au hasard, à la boulevue. On dit aussi, Parler légèrement, pour dire, Parler sans être suffisamment informé. C’est un défaut assez ordinaire que de parler légèrement de son prochain.
On dit encore, Parler pour parler, pour dire, Parler sans avoir rien à dire.
On dit prover. Parler comme un perroquet, pour dire, Parler sans savoir ce qu’on dit, ou d’après autrui ; Parler comme un livre, pour dire, Parler d’une manière correcte et arrangée, comme si on lisoit, ou comme on écriroit. Et en parlant d’un ignorant qui se mêle de parler des choses qu’il ne sait pas, on dit, qu’Il en parle comme un aveugle des couleurs.
On dit d’Un homme qui parle sur une matière qu’il possède à fond, qu’Il en parle en maître ; et De celui qui n’en a qu’une connoissance légère et superficielle, qu’Il en parle en écolier. Et Lorsqu’un homme exprime un sentiment dont il est vivement pénétré, on dit de lui, que De l’abondance du cœur la bouche parle. Cela se dit aussi d’Un Prédicateur qui parle sans préparation. On dit encore, dans ce dernier sens, Parler de l’abondance du cœur.
Dans le style familier, on dit, qu’Un homme parle d’or, pour dire, qu’Il parle, qu’il répond comme on souhaitoit qu’il fît.
On dit, Parler aux rochers, pour dire, Parler à des gens qui ne sont point touchés des choses qu’on leur dit, qu’on leur représente ; et, Parler à un sourd, pour dire, Parler à un homme qui est résolu de ne rien accorder, de ne rien faire de ce qu’on lui demande.
On dit proverb. qu’Un homme parle d’une chose bien à son aise, pour dire, que Dans l’état où il est, il lui est aisé d’en parler comme il fait ; et cela se dit généralement De tous ceux qui parlent avec beaucoup de sang-froid des malheurs et des misères qui ne les regardent point. Il parle fort éloquemment du mépris des richesses ; mais il en parle bien à son aise, étant fort riche.
On dit figurément, Parler à cheval à quelqu’un, pour dire, Lui parler avec hauteur et dureté. Il est de la conversation.
On dit figurément, qu’Un homme parle haut, parle bien haut, pour dire, qu’Il parle sans ménagement, et quelquefois avec insolence. Ne parlez pas si haut. Je saurai bien l’empêcher de parler si haut.
On dit par menace, à Un homme qui ne garde pas dans ses discours le respect qu’il doit à un autre, qu’On lui apprendra à parler.
On dit, qu’Un homme trouvera à qui parler, pour dire, qu’Il trouvera de l’opposition, de la résistance à ce qu’il prétend, qu’il trouvera des gens qui lui tiendront tête.
On dit proverbialement, Trop gratter cuit, trop parler nuit, pour dire, qu’Un grand parleur s’attire souvent de méchantes affaires.
On dit, Parler bien, parler mal d’une personne, pour dire, En dire du bien, en dire du mal, en discourir en bien ou en mal. Il ne faut point mal parler de son prochain. Il ne faut point mal parler des absens.
On dit, qu’Un homme parle avec passion, pour dire, que C’est la passion qui lui fait dire ce qu’il dit.
On dit d’Une chose qui est arrivée, d’une action qui s’est faite, qu’On en parle diversement, pour dire, qu’On la raconte de différentes manières, et pour dire aussi, que Les uns la louent et que les autres la blâment. Et l’on dit, p. 229qu’On parle fort d’une chose dans le monde, pour dire, qu’Elle fait le sujet de l’entretien du public.
On dit aussi, qu’Il faut laisser parler le monde, ou simplement, qu’Il faut laisser parler, pour dire, qu’Il ne faut pas se mettre en peine de ce que le monde dit mal-à-propos. Et l’on dit d’Un événement commun et trivial, Cela ne vaut pas la peine d’en parler. Cela se dit aussi Des choses dont on veut paroître médiocrement affecté.
On dit encore, qu’Un homme a bien fait parler de lui, pour dire, qu’Il a fait des choses qui sont venues à la connoissance de tout le monde, dont tout le monde s’est entretenu ; et cela se dit également en bien et en mal.
On dit d’Une entreprise, ou d’une autre chose semblable, qu’Il en sera parlé, qu’on en entendra parler, pour dire, qu’Elle fera du bruit, de l’éclat dans le monde. Et l’on dit d’Un grand événement, d’une action mémorable, qu’Il en sera parlé à jamais, pour dire, que La postérité en conservera la mémoire.
On dit, qu’Un homme n’a point fait parler de lui, pour dire, qu’Il n’a rien fait qui lui ait donné de la réputation. Et l’on dit, qu’Une femme n’a jamais fait parler d’elle, pour dire, qu’Elle a toujours eu une conduite régulière, qu’elle n’a jamais donné de prise à la médisance.
On dit aussi d’Une femme, d’une fille dont la réputation n’a pas été intacte, que C’est une femme, une fille dont on a parlé.
Parler, se prend quelquefois dans un sens plus étendu, pour dire, Expliquer ses sentimens, sa pensée, déclarer son intention, sa volonté. Dieu a parlé par la bouche de ses Prophètes. Les muets parlent par signes. C’est un homme qui ne veut pas parler nettement. On a fait ce qu’on a pu pour le faire parler, mais il n’y a pas eu moyen d’en venir à bout. Je saurai bien le faire parler. Expliquez-vous mieux, ce n’est pas là parler. C’est parler que cela. Parler au nom de quelqu’un. Parler de son chef. Parler avec mission. Parler par trucheman, par interprète. Le Roi a parlé, c’est à moi à obéir. Vous n’avez qu’à parler, vous serez servi.
On dit, Il faut que quelqu’un ait parlé, pour dire, Il faut que quelqu’un ait divulgué ce secret.
On dit, Parler en maître, pour dire, Parler comme un homme dont le sentiment fait autorité. Il signifie aussi simplement, Parler d’un ton d’autorité, soit qu’on en ait le droit, soit qu’on ne l’ait pas. On dit, Parler des grosses dents à quelqu’un, pour, Lui parler avec menaces ; et pour signifier qu’On fera une réprimande sévère à quelqu’un, on dit, qu’On parlera à sa barrette. Il est populaire.
On dit proverbialement, Parler à son bonnet, pour dire, Se parler à soi-même, parler sans adresser la parole à personne.
On dit, que Dieu parle au cœur des pécheurs, pour dire, qu’Il leur envoie de saintes inspirations, qu’il leur donne de bons mouvemens.
On dit, que La nature parle, que le sang parle, pour dire, que Les sentimens naturels se réveillent dans certaines conjonctures.
On dit, Faire parler quelqu’un, pour dire, Ajouter aux paroles de quelqu’un, y donner un mauvais sens. On m’a fait parler. Il signifie aussi, Prêter à quelqu’un un discours qu’il n’a pas tenu.
On dit aussi, Par forme de menace, Ne me faites point parler, pour dire, Craignez que je ne dise des choses qui ne seroient pas à votre avantage.
On dit De deux personnes, qu’Elles se parlent des yeux, pour dire, qu’Elles se font connoître leurs sentimens par leurs regards.
On dit figurément, que Les yeux, que le visage d’une personne parlent, pour dire, qu’On voit dans ses yeux, dans son visage, quelle est sa pensée, quels sont ses sentimens ; et l’on dit, que Son silence même parle, pour dire, que Par son silence on connoît ce qu’elle pense sur les choses dont il s’agit.
On dit, que Les murailles parlent, pour dire, qu’Il se trouve souvent des témoins des choses même les plus cachées.
On dit, que Tout parle de quelqu’un, pour dire, que Tout en fait ressouvenir. En votre absence, tout nous parle ici de vous.
On dit d’Une chose que l’on comprend aisément, sans qu’il soit besoin d’explication, Cela parle tout seul, cela parle de soi-même.
On dit, que Le mérite, que les services d’une personne parlent, qu’ils parlent pour elle, qu’ils parlent en sa faveur, pour dire, que Son mérite, que ses services la rendent recommandable, qu’ils rendent ses prétentions légitimes. C’est un homme dont les services parlent. Ses services parlent assez. Ses blessures parlent pour lui. Les services de ses ancêtres et son propre mérite parlent en sa faveur. On dit aussi, que Tout parle pour un homme, pour dire, que Le bon droit, l’équité et la raison sont de son côté. Dans cette affaire, tout parle pour lui. Au contraire, on dit qu’Un homme n’a rien qui parle pour lui, que rien ne parle en sa faveur, que tout parle contre lui, pour dire, qu’Il n’est recommandable par aucun endroit, et que le bon droit, que la raison est contre lui. On dit encore en matière d’affaires et de procès, qu’Une pièce parle contre un homme, pour dire, qu’Elle est contraire à ses prétentions, qu’elle les détruit.
On dit, A beau parler qui n’a cure de bien faire. Voy. Cure.
Parler, signifie aussi, Expliquer sa pensée par écrit. Aristote a très-bien parlé de cette matière dans un tel livre. Cet Auteur parle de Physique comme un homme qui n’y entend rien. La Loi est formelle là-dessus, et parle très-clairement. Il ne me parle point de cela dans sa lettre.
On dit qu’Un homme, qu’une femme, ont parlé dans un contrat, ont parlé au contrat, pour dire, qu’Ils ont déclaré leur volonté dans ce contrat, qu’ils sont intervenus au contrat, qu’ils se sont obligés par le contrat. Vous avez parlé dans le contrat, et par conséquent vous y êtes obligé. Sa femme n’a pas parlé au contrat.
Parler, s’emploie aussi activement. Ainsi on dit, Parler une Langue ; parler François, Italien, Allemand, etc. parler Latin ; et, Parler la Langue Françoise, la Langue Italienne, etc. pour dire, S’énoncer en François, en Italien, etc. Il parle bon François. Il parle bon Espagnol. Le langage que parloient nos pères. En ce sens on dit simplement, Cet homme parle bien, pour dire, Il parle sa Langue avec élégance et pureté. Il parle mal, pour signifier le contraire.
On dit figurément et proverbialement d’Un homme qui parle de science devant des gens plus habiles que lui, qu’Il parle Latin devant les Cordeliers.
On dit, Parler affaires, pour dire, S’expliquer sur les affaires ; et, Parler Géométrie, Musique, Peinture, etc. pour, En raisonner et converser. On dit aussi, Parler chasse, pour, S’entretenir de Chasse.
Parler chicane, veut dire, S’exprimer en termes de chicane.
Parler, se dit encore dans le sens actif, par rapport à la manière de prononcer une Langue. Ainsi on dit, Parler Gascon, parler Normand, pour dire, Parler François avec un accent Gascon, avec un accent Normand.
Parler, s’emploie aussi avec le pronom personnel. La Langue Françoise se parle par toute l’Europe.
Parlé, ée. part. On dit, Langue parlée, par opposition à Langue écrite.
Vous pouvez cliquer sur n’importe quel mot pour naviguer dans le dictionnaire.