ne

6e édition

NE.

■  Mot qui rend une proposition négative, et qui précède toujours le verbe. On l’accompagne souvent de Pas ou Point, ce qui donne lieu de placer ici diverses observations.
On peut indifféremment mettre Pas et Point devant ou après le verbe, s’il est à l’infinitif. Pour ne point souffrir, pour ne souffrir pas. Toutefois la première façon de parler est la plus usitée. Dans les temps simples du verbe, Pas et Point doivent toujours suivre le verbe. Il ne souffre point. Il ne chante pas. Au contraire, dans les temps composés, ils se mettent entre l’auxiliaire et le participe. Il n’a point souffert. Il n’a pas chanté.
Point nie plus fortement que Pas. On dira également : Il n’a pas d’esprit ; il n’a point d’esprit ; et on pourra dire, Il n’a pas d’esprit ce qu’il en faudrait pour sortir d’un tel embarras ; mais quand on dit, Il n’a point d’esprit, on ne peut rien ajouter. Ainsi, Point, suivi de la particule de, forme une négation absolue ; au lieu que Pas laisse la liberté de restreindre, de réserver.
Par cette raison, Pas vaut mieux que Point, devant Plus, moins, si, autant, et autres termes comparatifs. Cicéron n’est pas moins véhément que Démosthène. Démosthène n’est pas si abondant que Cicéron.
Par la même raison, Pas est préférable devant les noms de nombre. Il n’en reste pas un seul petit morceau. Il n’y a pas dix ans. Vous n’en trouverez pas deux de votre avis.
Par la même raison encore, Pas convient mieux à quelque chose de passager et d’accidentel ; Point à quelque chose de permanent et d’habituel. Il ne lit pas, Il ne lit pas dans ce moment. Il ne lit point, Il ne lit jamais.
Point se met au lieu de Non, soit pour terminer une phrase elliptique, Je le croyais mon ami, mais point ; soit pour répondre à une interrogation, Lirez-vous ces vers ? Point. On ne pourrait employer Pas qu’en disant la phrase entière : Je ne les lirai pas.
Quand Pas et Point entrent dans l’interrogation, c’est avec des sens différents. Si la question est accompagnée de doute, on dira : N’avez-vous point été là ? N’est-ce point vous qui me trahissez ? Mais s’il n’y a pas de doute, on dira, par manière de reproche : N’avez-vous pas été là ? N’est-ce pas vous qui me trahissez ?
On peut supprimer Pas et Point après les verbes Cesser, oser et pouvoir. Il n’a cessé de gronder. On n’ose l’aborder. Je ne puis me taire. On peut aussi dire, Ne bougez, mais dans la conversation seulement.
On peut les supprimer avec élégance dans ces sortes d’interrogations : Y a-t-il un homme dont elle ne médise ? Avez-vous un ami qui ne soit des miens ?
Après le verbe Douter, précédé d’une négation et suivi de la conjonction que, la phrase amenée par cette conjonction demande ordinairement qu’on répète ne, mais tout seul. Je ne doute pas que cela ne soit.
Après Prendre garde, quand il signifie, Éviter, on met le subjonctif, et l’on supprime Pas et Point ; et au contraire, quand il signifie, Faire réflexion, il faut mettre l’indicatif, et ajouter Pas ou Point. Prenez garde qu’on ne vous séduise. Prenez garde que l’auteur ne dit pas ce que vous pensez.
Après Savoir, pris dans le sens de Pouvoir, on doit toujours les supprimer. Je ne saurais en venir à bout. Après ce même verbe précédé de la négation, et signifiant, Être incertain, le mieux est de les supprimer. Je ne sais où le prendre. Je ne saurai que devenir. Il ne sait ce qu’il veut. Il ne sait ce qu’il dit. Mais il faut employer Pas ou Point, quand Savoir est pris dans son vrai sens. Je ne sais pas l’anglais. Je ne savais point ce que vous racontez.
On supprime Pas et Point, quand l’étendue qu’on veut donner à la négation est suffisamment exprimée par d’autres termes qui la restreignent : Je ne soupe guère ; je ne sortirai de trois jours ; ou par d’autres termes qui excluent toute restriction : Je ne soupe jamais ; je ne vis personne hier ; je ne dois rien ; je n’ai nul souci ; ou enfin par des termes qui désignent les moindres parties d’un tout, et qui se mettent sans article : Je n’y vois goutte ; je ne dis mot.
Après toutes ces phrases, si la conjonction que, ou les relatifs qui et dont amènent une autre phrase qui soit négative, on y supprime Pas et Point. Je ne soupe guère, je ne soupe jamais que je ne m’en trouve incommodé. Je ne vois personne qui ne vous loue. Vous ne dites mot qui ne soit applaudi.
Si un nom de nombre est joint à Mot, il faut employer Pas. Il ne dit pas un mot qui ne soit à propos. Il n’y a pas trois mots à reprendre dans cette pièce de vers.
On supprime souvent Pas et Point après ne suivi de l’adjectif autre et de que. Je n’ai d’autre but, d’autre désir que celui de vous être utile. Mais on peut dire aussi : Je n’ai pas d’autre but, etc. Quand autre est sous-entendu, Pas et Point se suppriment toujours. Je n’ai de volonté que la tienne. Il ne fait que rire (autre chose que rire). Etc. – Souvent ne.... que équivaut à Seulement. Je ne veux que la voir.
On supprime Pas et Point après que, mis à la suite d’un terme comparatif, ou de quelque équivalent. Vous écrivez mieux que vous ne parlez. C’est autre chose que je ne croyais. Peu s’en faut qu’on ne m’ait trompé. Il est moins riche, plus riche qu’on ne croit.
On les supprime, quand le mot que signifie Pourquoi, au commencement d’une phrase : Que n’êtes-vous arrivé plus tôt ? ou quand il sert à exprimer un désir, à former une imprécation : Que ne m’est-il permis.... Que n’est-il à cent lieues de nous !
Après Depuis que, ou Il y a, suivi d’un mot qui indique une certaine quantité de temps, on supprime Pas et Point, quand le verbe est au prétérit. Depuis que je ne l’ai vu. Il y a six mois que je ne lui ai parlé. Mais il faut l’un ou l’autre, si le verbe est au présent ; ce qui forme un sens tout différent. Depuis que nous ne nous voyons pas. Il y a six mois que nous ne nous parlons point.
Après les conjonctions À moins que, et Si, dans le sens d’À moins que, on les supprime. Je ne sors pas, à moins qu’il ne fasse beau. Je ne sortirai point, si vous ne me venez prendre en voiture.
p. 258On les supprime encore lorsque deux négations sont jointes par ni, comme, Je ne l’estime ni ne l’aime ; et quand cette conjonction ni est redoublée, soit dans le sujet, Ni les biens ni les honneurs ne valent la santé, soit dans l’attribut : Il est avantageux de n’être ni trop pauvre ni trop riche. Heureux qui n’a ni dettes ni procès !
Après le verbe Craindre, suivi de la conjonction que, on supprime Pas et Point, lorsqu’il s’agit d’un effet qu’on ne désire pas. Je crains que vous ne perdiez votre procès. Au contraire, il faut Pas ou Point, lorsqu’il s’agit d’un effet qu’on désire. Je crains que ce fripon ne soit pas puni. La même règle est à observer après ces manières de parler, De crainte que, de peur que. Ainsi lorsqu’on dit, De crainte qu’il ne perde son procès, on souhaite qu’il le gagne ; et, De crainte qu’il ne soit pas puni, on souhaite qu’il le soit.
Après les verbes Nier, disconvenir, on peut indifféremment supprimer le Ne, ou l’employer. Je ne nie pas, je ne disconviens pas que cela ne soit, que cela soit.
Dans ces phrases, Je crains que mon ami ne meure, vous empêchez qu’on ne chante, et autres semblables, ce mot Ne n’exprime point une négation ; c’est le Ne ou le Quin des Latins, qui a passé dans notre langue.
On dit quelquefois dans le style familier, N’était pour Si ce n’était. Cet ouvrage serait fort bon, n’était la négligence du style.
L’e de Ne s’élide toujours devant une voyelle ou une H non aspirée. Il n’aime rien. Il n’héritera pas de son parent.
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