faire

3e édition

FAIRE.

v. a.
■  Ce verbe est d’une si grande étendue, que pour en marquer tous les sens, & tous les emplois, il faudroit faire presque autant d’articles, qu’il y a de termes dans la Langue, avec lesquels il se joint. On ne s’est proposé ici que de rapporter dans le meilleur ordre qu’il seroit possible, les principales acceptions qu’il peut avoir, & sous chacune desquelles on peut ranger diverses phrases. Quant aux façons de parler proverbiales & figurées qu’il sert à former, on se contentera aussi d’expliquer celles dont le sens dépend uniquement du même verbe ; & pour toutes les autres on en renvoie l’explication à chacun des mots qui servent à les former.
Faire, signifie, Créer, former, produire. Et il se dit généralement, De tous les ouvrages que Dieu forme & produit de quelque maniére que ce soit. Dieu a fait le Ciel & la terre. Dieu a fait l’homme à son image & ressemblance. Dieu a fait toutes choses de rien. Il n’y a que Dieu qui puisse faire quelque chose de rien.
On le dit aussi, Des causes secondes. La nature est admirable dans tout ce qu’elle fait. La nature fait quelquefois des monstres. Une femme qui fait de beaux enfans. Les tulippes font des cayeux. Les arbres font des rejetons. Une cavalle qui a fait un poulain. Quand une bête a fait ses petits. Les oiseaux font des œufs.
On dit prov. De deux personnes, de deux choses qui se ressemblent entiérement. Qui a fait l’un, a fait l’autre.
Faire, signifie aussi, Fabriquer, composer ; Donner une certaine forme, une certaine figure ; Et il se dit généralement, De toutes les productions de l’art, & de certains ouvrages que l’instinct fait faire aux animaux. Faire un bâtiment. Faire des instrumens de Mathématique. p. 663Faire un triangle. Faire un ovale. Faire des outils. Faire du pain. Faire de la pâte. Faire du drap. Faire de la toile. Faire de la tapisserie. Faire un portrait. Un oiseau qui fait son nid. Une araignée qui fait sa toile.
Faire, se dit aussi dans le même sens, Des ouvrages & des productions de l’esprit. Faire un livre. Faire une histoire. Faire l’histoire. Faire une apologie. Faire un manifeste. Faire un poëme. Faire une tragédie. Faire une comédie. Faire des vers. Faire de la prose. Un écolier qui fait son thème.
On dit, d’Une nouvelle fausse, que C’est une nouvelle qu’on a faite à plaisir, pour dire, que C’est une nouvelle que quelqu’un a pris plaisir à inventer.
Faire, signifie aussi, Opérer, exécuter, Et il se dit, Tant des effets que Dieu opére, que de ceux que la nature ou l’art opérent par quelque agent que ce soit. Les merveilles que Dieu a faites. Dieu a fait un miracle. Les miracles que Dieu fait par ses Saints. Le bruit que fait le tonnerre. L’air fait ressort. Un corps qui fait impression sur un autre. La poudre à canon fait des choses surprenantes.
Faire, dans le même sens d’Opérer, d’exécuter, se dit aussi, De tout ce qui regarde le travail des mains & l’activité de l’esprit. Faire sa besogne. Il a fait plus de besogne en une heure qu’un autre en deux. Il ne fait rien toute la journée. Il est toute la journée à ne rien faire. Faire tout ce qu’on peut. Faire tous ses efforts. Faire tout son possible. Quand on fait ce qu’on peut, on n’est pas obligé à davantage. C’est un homme à tout faire ; c’est un homme qui ne trouve rien de difficile à faire. Il n’a fait que ce qu’on lui a dit. Tout ce qu’il fait, il le fait bien. Il travaille bien, mais il est lent à ce qu’il fait.
On dit prov. Ne faire œuvre de ses dix doigts, pour dire, Demeurer à rien faire. Et, Faire tous ses cinq sens de nature, pour dire, Faire tout son possible.
On dit proverbial. On ne peut faire qu’en faisant, pour dire, qu’Il y a des choses qui demandent un certain temps pour être bien faites.
On dit aussi proverb. C’est un faire le faut, pour dire, C’est une chose qu’il faut absolument faire. Je ne puis que faire à cela, pour dire, C’est une chose où je ne puis rien. Et Je n’y saurois que faire. Que voulez-vous que j’y fasse, &c. pour dire, Je n’y puis apporter de remède, cela ne dépend pas de moi.
Faire, signifie aussi, Pratiquer, commettre : & il se dit, De toutes les actions de morale bonnes ou mauvaises, & de toutes les fautes d’esprit, & de jugement que l’on commet. Faire une bonne action. Faire une méchante action. Faire une bonne œuvre. Faire une œuvre de charité. Faire le bien. Faire le mal. Faire la charité, l’aumône. Faire un mauvais coup. Faire un meurtre. Faire un crime. Faire des actions de valeur. Faire des merveilles à la guerre. Faire une injustice. Faire injustice. Faire une faute légére. Faire une faute contre le bon sens. Faire des fautes contre la bienséance. Faire une bévûe. Faire une faute de langue. Faire une faute de grammaire. Faire un barbarisme. Faire un solécisme. Faire une sottise. Faire une équipée. Faire une incartade. Faire un coup de tête. Faire des bassesses. Faire des malhonnêtetez. Quel mal a-t-il fait, que vous le traitez de la sorte ? Que vous a-t-il fait ? Il a fait cela tout exprès. Faire quelque chose de bien par hasard.
Faire, signifie aussi, Observer, mettre en pratique ; & en ce sens il se dit, Des choses qui sont d’obligation & de précepte. Faire ce que Dieu ordonne. Faire la volonté de Dieu. Faire ce qui est de son devoir. Faire son devoir. Un Religieux qui fait sa règle. Faire la pénitence qui est imposée. Faire l’ordonnance du Médecin. Il n’a fait que son devoir.
Faire, dans le même sens, se dit aussi, De l’exécution & de la pratique de certaines choses qu’on est obligé, ou comme obligé d’accomplir, d’achever, de terminer en un certain temps. Faire la quarantaine. Un écolier qui fait son cours de Philosophie. Un garçon qui fait son apprentissage. Un apprentif qui a fait son temps. Un Religieux qui fait son noviciat. Un Officier qui fait son quartier chez le Roi. Faire une neuvaine. Je n’ai plus que deux pages à faire. Avez-vous bien-tôt fait ? Dès que j’aurai fait, je suis à vous.
Faire, se dit aussi, en parlant des choses qui marquent espace & étendue, & qui s’exécutent & s’accomplissent par le mouvement d’un lieu à un autre. Faire un tour d’allée. Faire un tour de promenade. Faire une lieue à pied. Le soleil fait son tour en un an. Un homme qui fait deux lieues par heure, qui fait tant par heure, qui fait plus de chemin en une heure qu’un autre en deux.
On dit, d’Un homme qui s’est fort avancé en peu de temps dans la fortune, qu’Il a fait bien du chemin en peu de temps.
Faire, signifie aussi, Accommoder, mettre dans l’état convenable à la chose dont on parle. Faire une chambre. Faire un lit. Faire la couverture. Faire le poil. Faire la barbe. Faire les cheveux. Faire le crin à des chevaux. Faire un jardin. Faire des terres. Faire les vignes, les foins.
On dit figur. dans le même sens, Faire bien ses affaires. Faire sa fortune. Il n’a pas bien fait ses affaires dans cet emploi. S’il continue, il fera une bonne maison.
On dit prov. & figur. qu’Un homme a bien fait ses orges dans une affaire, dans un emploi, pour dire, qu’Il y a fait un grand profit.
Faire, suivi de la préposition de, signifie aussi, User, disposer ; & il se dit pour marquer à quoi on peut employer une personne, l’usage qu’on peut faire de quelque chose. C’est un homme dont on fait ce que l’on veut. C’est un homme difficile à gouverner on n’en fait pas ce qu’on veut. Faites de cela tout ce que vous voudrez. Que ferez-vous de votre fils ?
On dit prov. Faites-en des choux & des raves. Il en fait comme des choux de son jardin, pour dire, Faites-en ce qu’il vous plaira. Il en use comme s’il en étoit le maître absolu.
On dit, Qu’est-ce que cela fait-là ? pour dire, A quoi cela sert-il dans ce lieu-là ?
Faire, signifie aussi, Donner une certaine forme, façonner, former, accoûtumer à certaines choses, à certaines habitudes : & en ce sens il se dit, tant de ce qui regarde le corps, que de ce qui concerne l’esprit & les mœurs. Les voyages l’ont fait à la fatigue. Il s’est fait à p. 664la fatigue dans les voyages. Il est fait au chaud & au froid. Se faire au bruit. Se faire à tout. Ce Général a fait de bons Officiers. Ce Régent a fait de bons écoliers. La fréquentation du grand monde fait bien un jeune homme. Les affaires font les hommes. Cela lui a extrêmement fait l’esprit. Il s’est extrêmement fait depuis quelque temps. C’est un jeune homme qui se fera peu à peu. Se faire aux maniéres de quelqu’un. C’est un homme qu’il a fait à sa mode, qu’il a fait à son badinage.
On dit prov. Maison faite & femme à faire, pour dire, qu’Il faut acheter une maison toute bâtie, & épouser une femme jeune qu’on puisse accoûtumer à sa maniére de vivre.
On dit prov. & figur. Faire le bec à quelqu’un, pour dire, L’instruire de tout ce qu’il doit dire & répondre.
Faire, se dit aussi, pour Marquer le besoin qu’on a d’une personne, d’une chose ; & dans ce sens il se joint toujours avec le verbe Avoir. Si vous n’avez que faire de ce livre-là, prétez-le moi. J’en ai à faire pour une heure. Ce sont des bagatelles dont je n’ai que faire. Il n’a plus que faire de maître. Il n’a plus que faire d’étudier, il en sait assez. Je n’ai que faire de vous présentement, allez où vous voudrez.
On dit aussi, qu’On n’a que faire d’une personne, d’une chose, non seulement pour faire entendre qu’on n’en a pas besoin, qu’on ne s’en sert point, mais aussi pour marquer qu’on n’en fait nul cas. Je n’ai que faire de lui ni de ses visites. J’ai bien à faire de lui.
On se sert aussi de la même maniére de parler, pour faire connoître qu’on désapprouve quelque chose, qu’on le trouve mauvais. Je n’ai que faire de vos discours. Je n’ai que faire d’en avoir la tête rompue. J’ai bien à faire de tout ce que vous dites. Je n’ai que faire qu’il m’aille mettre dans ses caquets, dans ses discours.
Faire, se dit aussi dans le sens de S’occuper, d’employer le temps. Que ferez-vous tantôt ? Que faites-vous aujourd’hui ? Je n’ai rien à faire. Que fait-il maintenant à la campagne ? Je suis en peine de ce qu’il peut faire tout le long du jour. Quand on veut marquer qu’un homme est presque toujours appliqué à une même chose, comme à l’étude, au jeu, &c. on dit, qu’Il ne fait qu’étudier, qu’Il ne fait que jouer.
On dit aussi, Ne faire qu’aller & venir, ne faire que dormir, &c. pour dire, Etre dans un mouvement continuel, dormir sans cesse.
Ne faire qu’aller & venir, se dit aussi, pour dire, Aller & retourner aussi-tôt sur ses pas, sans perdre de temps. Attendez moi, je ne fais qu’aller & venir.
On dit, d’Une jeune personne qui augmente tous les jours en taille & en beauté, qu’Elle ne fait que croître & embellir.
Et on dit, qu’Un homme ne fait que de sortir, ne fait que d’arriver, pour dire, qu’Il y a très-peu de temps qu’il est sorti, qu’il est arrivé.
Faire, se dit aussi, De certaines fonctions de guerre, auxquelles on est actuellement occupé. Faire sentinelle. Faire la garde. Faire guet & garde. Faire le guet. Faire la revûe d’une armée.
On dit aussi, qu’Une armée a fait la revûe, pour dire, qu’Elle a passé en revûe.
Faire, se dit aussi, Des différentes professions qu’on embrasse, & des différens emplois, des différens métiers qu’on exerce. Faire profession des armes. Faire la profession d’Avocat. Faire profession de la Médecine. Faire la Médecine. Faire sa charge avec dignité. Faire un métier. Faire la cuisine. Faire l’office. Il ne sait pas faire son métier.
Faire profession, & faire métier, se disent encore dans d’autres sens propres & figurez qui se verront aux mots de Métier & de Profession.
Faire, signifie aussi, Représenter, & il se dit Des différens personnages que les Comédiens représentent sur le théatre. Faire un personnage dans une Comédie. C’est un bon Acteur, il fait bien son personnage. Faire le Roi. Faire l’Amant. Et parce que les hommes qui veulent paroître ce qu’ils ne sont pas, sont des espèces de Comédiens qui représentent un personnage, on dit, d’Un homme qui veut paroître grand Seigneur, affligé, ou dévot, & qui ne l’est pas, qu’Il fait le grand Seigneur, qu’il fait l’affligé, qu’il fait le dévot.
Dans ce sens & dans celui de Feindre, Faire, se construit avec quantité d’autres substantifs & avec plusieurs adjectifs employez substantivement. Faire l’homme de bien. Faire l’homme d’importance. Faire le bon compagnon. Faire le chien couchant. Un Renard qui fait le mort. Les ennemis faisoient mine d’en vouloir à une place. Faire le savant. Faire l’habile. Faire le capable. Faire l’entendu. Faire le suffisant. Faire le fin. Faire le beau. Faire le gueux. Faire le malade.
On dit, Faire bonne mine à mauvais jeu, pour dire, Faire semblant d’être content quand on n’a pas lieu de l’être.
On dit, Faire semblant de .... pour dire, Feindre de. Il faisoit semblant de n’en rien savoir. Il ne faisoit semblant de rien.
Quand les substantifs ou adjectifs substantifiez avec lesquels, Faire, se construit, marquent quelque mauvaise qualité morale, comme, Bête, sot, impertinent, &c. alors il ne signifie plus simplement, Représenter à dessein de paroître, mais, Agir de la même sorte que .... Il fait la bête. Il fait le sot. Il fait l’impertinent. Il fait le fanfaron. Il fait le diable à quatre. Un petit garçon qui fait le mutin, qui fait le badin.
On dit, qu’Un homme a fait des siennes, pour dire, qu’Il a fait de ses actions accoûtumées, de ses tours ordinaires. Et cela ne se dit qu’en mauvaise part. Vous avez fait des vôtres. Ils ont fait des leurs.
Faire, signifie aussi, Former, composer de maniére que les parties servent à former, à composer un tout, & que diverses choses, diverses quantitez servent à en former, à en composer une. Deux & deux font quatre. Toutes ces sommes-là ensemble font celle de tant. Tout cela fait nombre. Deux lignes qui se coupent font un angle. Tout cela ensemble fait un beau pays. Toutes ces qualitez-là font un grand homme. Les troupes qui faisoient l’aîle droite de l’armée. Faire société. Faire bande à part.
Faire, signifie aussi, Rendre de telle ou telle qualité. Faire un homme bienheureux. Cela le fera bien aise. Cela l’a fait beaucoup plus malade qu’il n’étoit. Cela l’a fait sage. Se faire sage aux dépens d’autrui. Faire tout égal. Faire tout uni. Il s’est fait riche en si peu de temps.
On dit prov. L’occasion fait le larron. Faire p. 665d’une buse un épervier. Faire d’une mouche un éléphant. Faire de cent sols quatre livres, & de quatre livres rien. Faire maison nette.
Faire, se dit avec le pronom personnel, pour dire, Embrasser un état, une profession. Se faire Religieux. Se faire Médecin. Se faire Avocat.
Faire, signifie aussi, Publier, répandre dans le public qu’une chose est, en donner une certaine opinion. On le faisoit mort, mais il se porte bien. On le fait riche, mais il ne l’est pas. On lui fait dire des choses auxquelles il n’a jamais pensé. On avoit raison de la faire belle, car elle l’est. On fait monter la perte des ennemis à tant. Il y a quelques rélations qui font la perte moindre. Il se fait beaucoup plus malade qu’il ne l’est.
On dit, Faire savoir, pour dire, Apprendre. Faites-moi savoir de vos nouvelles. Et, Faire à savoir, terme de Formule, pour dire, Publier. On fait à savoir que …
Faire, signifie aussi, Causer, attirer, exciter, être la cause, être l’occasion de quelque chose. Cela lui a fait de grands maux, de grandes douleurs. Cela lui a fait une affaire dans le monde, lui a fait un procès, lui a fait une querelle, lui a fait beaucoup d’ennemis. Il ne faut faire de la peine à personne. Sa langue lui a fait de méchantes affaires. Ce qu’on a dit de lui, lui a fait tort. Il s’est fait tort, il s’est fait préjudice à lui-même. Une femme qui a fait de grandes passions. Faire peur. Faire honte. Faire pitié. Faire envie. Faire plaisir. Faire déplaisir. Faire du chagrin.
Faire, se joint aussi dans un sens à peu près pareil avec la pluspart des verbes infinitifs. Et il se dit, De tout ce qui est la cause prochaine ou éloignée de quelque chose ; de tout ce qui donne lieu, de tout ce qui donne occasion à une chose, à une action. Un remède qui fait suer. L’opium fait dormir. Cela l’a fait durer un peu plus long-temps. C’est ce qui le fait vivre. Les remèdes l’ont fait mourir. On lui a fait souffrir de grands maux. Faire agir des personnes puissantes. Faire dire à quelqu’un. Faire bâtir. Se faire peindre. Sa partie l’a fait condamner aux dépens. Son insolence l’a fait disgracier. Faire marcher des troupes, Faire battre monnoie. Se faire aimer. Se faire haïr. Se faire dire une chose deux fois.
Faire, signifie aussi, Pousser au dehors, laisser aller, laisser écouler. Faire de l’eau, pour dire, Pisser. Faire du sable. Faire une pierre, pour dire, Jeter du sable, jeter une pierre avec l’urine.
On dit, d’Un malade qui laisse aller ses excrémens, qu’Il fait tout sous lui.
On dit aussi, d’Un bateau & d’un vaisseau, qu’Ils font eau, pour dire, Que l’eau y entre au travers du bois, ou par les fentes & les jointures.
Faire, en parlant d’argent ou des autres choses dont on a besoin de se pourvoir, signifie, Amasser, assembler, mettre ensemble. Il tâche de vous faire quelque argent. Voilà tout l’argent qu’il a pû faire, tout ce qu’il a pû faire d’argent. Faire des provisions. Faire ses provisions.
En ce même sens, on dit en termes de Marine, Faire du bois. Faire de l’eau. Faire aiguade.
Faire, en parlant des troupes & d’autres choses de même nature, signifie, Lever, mettre sur pied. Faire des troupes. Faire des soldats. Faire un Régiment. Faire une Compagnie. Faire des recrues. Faire des Cavaliers. Faire des Dragons. Faire de beaux hommes. Faire la maison d’un Prince, d’un grand Seigneur. Ce Prince n’a pas encore fait sa maison. Cet Ambassadeur n’a pas encore fait son train, fait son équipage.
Faire, en parlant de marchandises, ou d’autres choses qu’on veut vendre, s’emploie pour marquer le prix qu’on en demande. Combien faites-vous cette étoffe-là ? Vous la faites trop cher. C’est une maison qu’on fait cinquante mille écus. Il a un beau cheval qu’il fait cent pistoles.
Outre les différentes significations & les différens emplois qu’on vient de marquer du verbe Faire, il a encore d’autres significations & d’autres emplois, suivant les mots avec lesquels il se construit.
Il se joint avec divers substantifs, avec lesquels il forme des phrases, qui peuvent se résoudre par les verbes primitifs ou dérivez, qui répondent à chacun de ces substantifs. Ainsi, Faire don, se résout par Donner. Faire offre par Offrir. Faire honneur, par Honorer. Faire des caresses, par Caresser. Faire service, par Servir. Faire commandement, par Commander. Faire défense, par Défendre. Faire des plaintes, par Se plaindre. Faire une grace, par Gratifier. Faire gloire, par Se glorifier. Faire séjour, par Séjourner. Faire des allées & des venues, par Aller & venir. Et ainsi d’une infinité d’autres, dont on se contentera de donner ici encore quelques exemples. Faire vendanges. Faire la moisson. Faire chemin. Faire achat. Faire dépense. Faire des réprimandes. Faire une résolution. Faire un projet. Faire la quête. Faire accueil. Faire la grimace. Faire parade. Faire estime. Faire lecture, &c.
Il se joint aussi avec divers autres substantifs, sans que les phrases qu’il sert à former puissent se rendre par un verbe qui y réponde. On en rapportera ici quelques-unes, sans les expliquer, parce que l’explication, comme il a déjà été dit, s’en verra suffisamment à chacun des mots dont elles sont composées. Faire bon. Faire cas. Faire loi. Faire la loi. Faire joug. Faire les cartes. Faire un levé. Faire une main. Faire sa main. Faire la vie. Faire la débauche. Faire bonne chére. Faire florès. Faire gras. Faire maigre. Faire diette. Faire la méridienne. Faire l’aumône. Faire ses dévotions. Faire ses Pâques. Faire face. Faire place. Se faire jour. Faire la planche à quelqu’un. Faire l’amour. Faire sa cour. Faire divorce. Faire un procès à quelqu’un. Faire le procès à quelqu’un, lui faire son procès. Faire quartier. Faire des excuses. Faire des civilitez. Faire une queue à une affaire. Faire bon visage à quelqu’un. Faire la pluie & le beau temps. Faire son ménage. Une affaire qui fait grand bruit, dont on a fait grand bruit. Si cela vous accommode, ne vous en faites point faute. Faire des armes. Se faire de fête. Faire fortune. Faire rage. Faire ferme. Faire tête à quelqu’un. Faire faillite. Faire banqueroute. Faire diligence. Faire emplette. Faire fonds. Se faire fort pour quelqu’un.
Faire, s’emploie d’une maniére rélative, avec la pluspart des autres verbes ; & alors il prend p. 666toujours la qualité & la signification du verbe qui l’a précédé, & auquel il se rapporte. Ainsi on dit, qu’Un homme n’aime pas tant le jeu qu’il faisoit, pour dire, qu’Il ne l’aime plus tant qu’il l’aimoit : qu’Il danse mieux qu’il n’a jamais fait, pour dire, qu’Il danse mieux qu’il n’a jamais dansé : qu’Il se soucie moins de bien qu’il n’auroit fait dans un autre temps, pour dire, qu’Il s’en soucie moins qu’il ne s’en seroit soucié autrefois. Comme ces sortes de phrases sont ordinaires, on croit qu’il suffit d’en avoir marqué ici des exemples dans chaque sorte de verbe, actif, neutre, & neutre passif.
Faire, se dit absolument en parlant Des jeux de cartes, où chacun donne les cartes à son tour ; & de certains autres jeux, où chacun tour à tour est obligé de faire quelque chose. A qui est-ce à faire ? C’est à vous à faire. Je viens de faire.
Faire, s’emploie d’une maniére neutre, dans le sens d’Agir, de Travailler. Faire bien. Faire mal. Il a fait en cela comme vous auriez fait. Il a fait tout de son mieux. Il n’en veut faire qu’à sa tête. Il fait du pis qu’il peut. Faire à qui mieux mieux. Je lui ferai comme il me fera. Il a tant fait, il a si bien fait qu’il en est venu à bout.
On dit prov. qu’Un homme a du savoir faire, pour dire, qu’Il a de l’habileté, & une grande pratique du monde & des affaires.
On dit, Il y a fort à faire dans un ouvrage, dans une entreprise, pour dire, qu’Il y a beaucoup à travailler, qu’on n’en viendra pas aisément à bout.
On dit, C’est à faire à perdre. C’est à faire à être mouillé, pour dire, Tout ce que je risque, c’est de perdre, c’est d’être mouillé.
On dit, Avoir à faire à quelqu’un, pour dire, Avoir à lui parler, à l’entretenir de quelque chose, à traiter de quelque chose avec lui. Je voudrois bien lui parler, j’ai à faire à lui.
On dit, d’Un homme par maniére de menace, Il aura à faire à moi, il verra à qui il aura à faire, pour marquer qu’On prendra ouvertement parti contre lui, & qu’on ne l’épargnera pas. Et d’Un homme avec qui on a rompu, & avec qui on ne veut plus avoir de commerce. Il a fait à moi, il a fait avec moi.
Faire, s’emploie aussi, pour Servir, contribuer. En ce sens on dit, d’Une raison, d’une preuve qui fortifie, qui confirme ce qu’un homme a déjà avancé, qu’Elle fait pour lui ; & au contraire, qu’Elle fait contre lui, pour dire, qu’Elle lui est désavantageuse. Ce que vous dites-là fait pour moi. Ce qui fait encore pour lui, c’est que … Vous dites une chose qui feroit contre vous. Cela fait à ma cause. Cela ne fait rien à l’affaire.
Faire, se dit aussi dans le neutre, pour signifier, Etre convenable, être bienséant. Ces deux choses font fort bien ensemble. L’or fait bien avec le verd. Le bleu & le jaune font bien l’un avec l’autre. Ce tableau-là ne fait pas bien où il est. Il feroit mieux ailleurs.
Faire, s’emploie impersonnellement dans le neutre, pour Marquer la constitution du temps, de l’air. Ainsi, on dit, qu’Il fait nuit, qu’il fait jour, qu’il fait chaud, qu’il fait froid, pour dire, qu’Il est nuit, qu’il est jour, que le temps est chaud, que le temps est froid, &c. Il fait vent. Il a fait tantôt un grand coup de vent, un grand coup de tonnerre. Il ne fait pas encore jour. Il fait beau. Il fait beau temps.
Il s’emploie aussi impersonnellement, pour marquer la nature, l’état, la disposition, les qualitez de certaines choses. Il fait cher vivre en ce pays-là. Il y fait bon vivre. Il y fait bon. Il n’y fait pas sûr. Il vous fait beau voir être vétu comme vous étes à votre âge. C’est une cérémonie qu’il fera beau voir.
Faire, s’emploie dans le neutre passif ; & alors il signifie, Etre praticable, être produit, formé, exécuté. Arriver, venir à être. Si c’est une chose qui se puisse faire, je vous en aurai obligation. Si cela se peut faire, j’en serai ravi. Ces choses-là ne se font pas aisément. Cela ne se fait qu’avec de grandes dépenses. Rien ne se fait que par la permission de Dieu. Les miracles qui se sont faits en divers temps. Ce traité-là s’est fait secrettement. On croit que le mariage se fera bien-tôt. Si la paix se fait.
Il signifie aussi dans le neutre passif, Devenir. Des arbres qui commencent à se faire beaux. Un enfant qui se fait grand. Il s’est fait grand en très-peu de temps. L’affaire se fait difficile de plus en plus. Un homme qui se fait vieux. Il me paroît que tu te fais vieux. Nous nous faisons vieux sans nous en apercevoir.
Faire, s’emploie aussi impersonnellement dans le neutre passif ; & alors il se résout par les verbes, Etre, arriver. Ainsi, on dit, Se peut-il faire que vous n’en sachiez rien ? pour dire, Est-il possible que. Il se pourroit faire que, pour dire, Il pourroit être que, il pourroit arriver que. Il se fait bien des choses dont on ne peut pas rendre raison.
On dit aussi impersonnellement, Il se fait tard, il se fait nuit, pour dire, Le jour commence à manquer, à baisser ; la nuit commence à venir.
Fait, aite. participe passif. Il a les significations de son verbe.
On dit prov. Aussi-tôt dit, aussi-tôt fait, pour dire, que L’exécution suit de près la parole, la promesse, l’ordre. Et, Cela vaut fait, pour dire, qu’On peut compter sur la chose comme si elle étoit déjà faite.
On dit dans le même sens, Tenez cela pour fait. Je tiens cela pour fait.
On dit communément, Est-ce fait ? pour demander, Si une besogne, si une affaire est achevée. Et, C’est fait, pour marquer qu’Elle l’est. Et on dit prov. Ç’en est fait, Quand on parle d’une affaire qui vient d’être conclue, d’être terminée, ou d’une personne qui vient de mourir. Il a conclu son marché, ç’en est fait. Il a perdu son procès, ç’en est fait. Il vient d’expirer, ç’en est fait.
On dit aussi prov. Ce qui est fait n’est pas à faire, pour donner à entendre, que Quand on peut faire une chose, il ne faut pas différer à un autre temps. Et, Paris n’a pas été fait tout en un jour, pour Marquer qu’il y a des choses qu’on ne peut faire qu’avec beaucoup de temps.
On dit, d’Un homme qui est dans un âge mûr, que C’est un homme fait. Et, d’Un jeune garçon qui commence à devenir grand, p. 667à devenir sage, que C’est déjà un homme fait.
On dit, d’Un homme plus mal vétu, plus négligé qu’à l’ordinaire, ou qui n’a pas si bon visage qu’il a accoûtumé d’avoir, Comme le voilà fait ! Et prov. d’Un homme mal vétu & de mauvais air, qu’Il est fait comme il plaît à Dieu.
On dit, qu’Un homme est bien fait, qu’Il est fait à plaisir, qu’Il est fait à peindre, qu’il est mal fait, pour dire, qu’Il est beau, de belle taille, & de bonne mine, ou qu’il est laid, mal formé. Un homme bien fait & de bon air. Un grand homme mal fait. Un petit homme mal fait & mal bâti. Une femme bien faite. Une fille bien faite.
On dit d’Un cheval, dans le même sens, qu’Il est bien fait, mal fait dans sa taille.
On dit par quelque espèce d’exagération, d’Un homme qu’on traite de sot & d’impertinent, que C’est un sot bien fait, un impertinent bien fait, pour dire, que C’est un sot achevé, un impertinent achevé. Il n’est que du style familier.
On dit figur. Avoir la tête mal faite, pour dire, Etre bisarre, déraisonnable, sans jugement. Et en parlant d’Une chose dont un homme tire vanité, & qui ne lui est de nul avantage, on dit prov. & par ironie, que Cela lui rend la jambe bien faite.
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